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Band Of Skulls

Interview publiée par Xavier Ridel le 2 avril 2014

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Quelques semaines avant la sortie de leur troisième album Himalayan, nous retrouvons les deux tiers de Band Of Skulls dans l’environnement aseptisé de leur hôtel trois étoiles de Pigalle à Paris. Cheveux longs et barbe fournie sont de rigueur pour le batteur rigolard Matt Hayward, qui nous accueille à bras ouverts. À ses cotés, calmement assise, se tient la bassiste Emma Richardson.

Pour revenir à vos débuts, pourquoi avez-vous décidé de jouer de la musique ensemble ?

Matt : En grande partie grâce à nos parents. Ces derniers étaient tous plus ou moins musiciens, des instruments jonchaient le sol de nos maisons, ce qui nous a rapidement poussés à essayer d'en jouer nous-mêmes. Pour ma part, mon père était musicien et m'a encouragé à essayer de prendre un instrument dans mes mains et d'essayer d'en faire quelque chose.

Je sais que vous étiez appelés Fleeing New York avant de devenir Band Of Skulls. Pourquoi avoir aussi brutalement décidé de changer votre nom à l'époque ?

Emma : Nous avions écrit plusieurs nouvelles chansons qui ne collaient plus à notre ancien nom et nous voulions prendre un nouveau départ...

Quand tu débutes avec ton nom d'origine, tu te dis toujours que tu seras au sommet du monde avec ce nom.

N'était-ce pas une décision difficile à prendre ? Un nom est important pour un groupe, c'est ce qui le définit...

Matt : En fait, oui, c'était une décision compliquée. Je me souviens m'être dit « Non, c'est impossible, nous ne pouvons pas nous appeler autrement que Fleeing In New York, c'est notre marque de fabrique ! ».
Emma : C'est vrai que c'est une énorme décision.
Matt : Et quand tu débutes avec ton nom d'origine, tu te dis toujours que tu seras au sommet du monde avec ce nom. Tu vois ce dernier en tête d'affiche de tous les festivals possibles, tu le vois inscrit en première page des journaux. La mégalomanie de la jeunesse, en quelque sorte (rires). Changer de nom, c'est un peu tirer un trait sur tout ça.

Pouvez-vous m'en dire plus sur votre fonctionnement ? Pour l'écriture de nouveaux morceaux, quelle est votre méthode de composition ?

Emma : Nous écrivons tous les trois et arrivons donc chacun avec un point de départ, sur quelque instrument que ce soit. Je pense qu'il est crucial que nous écrivions tous les trois puisque nous avons trois personnalités très différents.
Matt : Nous construisons nos chansons ensemble. Comme Emma l'a dit, l'un de nous apporte un riff, un morceau de paroles, un beat, et à partir de ce point de départ commence l'élaboration d'une nouvelle chanson. Ça peut prendre beaucoup de temps, mais cette méthode est plutôt intéressante, du moins de mon point de vue.

Vous avez fait les premières parties des Queens Of The Stone Age l'an dernier. Que vous a apporté cette expérience ?

Emma : Quand tu joues en première partie d'un tel groupe, tu te dois de te surpasser tout en restant assez cool. Tu te sens très chanceux, mais vraiment stressé puisque ta position est en quelque sorte celle d'un prêcheur. Tu dois convertir les gens à ta musique, ce qui n'est parfois pas gagné du tout. Cela te conduit parfois à te surpasser.

Et vous inspirez-vous de la prestation scénique de ces groupes que vous accompagnez ?

Matt : Forcément, oui, que ce soit inconscient ou non. Mais quand tu vois les Black Keys ou Black Rebel Motorcycle Club jouer face à une foule conquise, tu te demandes forcément quel est leur secret. Ainsi, tu t'inspires d'eux. Et nous apprécions tellement tous les groupes dont nous avons fait la première partie que c'est un plaisir de les voir sur scène jour après jour.

Quand tu fais la première partie d'un groupe, tu te sens obligé d'atteindre le maximum de tes capacités.

Je n'étais pas là au Zénith à Paris lorsque vous avez joué en première partie de Queens Of The Stone Age mais certains de mes amis m'ont dit beaucoup de bien de votre prestation. Travaillez-vous beaucoup vos performances live ou tout cela vient-il naturellement ?

Emma : Je pense qu'à force de tourner et justement de regarder les concerts d'autres groupes, nous améliorons de jour en jour nos performances. En revanche, même si c'est parfois arrivé à nos débuts, nous ne nous sommes jamais arrivés jusqu'au point de chorégraphier, en quelque sorte, nos morceaux. Cela nuirait trop au naturel de nos prestation.
Matt : Oui, et puis quand tu fais la première partie d'un groupe, tu te sens obligé d'atteindre le maximum de tes capacités, c'est une sorte de compétition avec ce même groupe (sourire). Et puis il y a un tel mélange de sentiments avant un concert comme celui-ci, de l'appréhension, de la hâte... Tu ne penses pas vraiment à ce que tu vas faire, tu essaies juste de faire abstraction de tout ça.

Emma, as-tu designé la pochette de votre nouvel album comme tu l'avais fait pour les autres ?

Emma : C'était en fait le fruit d'une sorte de collaboration avec chaque membre du groupe. On est partis d'une photo et d'une sculpture pour arriver au résultat que tu as sous les yeux, qui illustre d'après nous pas mal la chanson Himalayan.

Je peux me tromper mais cette pochette me rappelle beaucoup les tests de Rorschach avec de l'encre chez les psychologues...

Emma : Tout à fait, oui !

Pourquoi ce choix, donc ?

Emma : Je trouvais cela fascinant que chacun apporte sa propre interprétation à l'image. Chaque auditeur sera différent, et ainsi, chacun verra ce qu'il veut ou peut là-dedans, c'est ce qui me plait !

Aviez-vous beaucoup de pression pour ce troisième album ?

Matt : Eh bien, il y a toujours de la pression quand tu t'apprêtes à revenir en studio et écrire de nouvelles chansons, ce que tu n'as pas fait depuis un bout de temps, il y a toujours un peu de stress. Mais très vite, nous avons été repris par l'excitation face à ce qui nous attendait. La pression n'est pas forcément une bonne chose.
Emma : Une deadline, ça c'est une bonne chose.
Matt : C'est vrai. Sans notre manager, qui vient nous mettre la pression de temps à autre, on resterait tous à se prélasser sur notre canapé à boire des bières (rires) !

Pourquoi avoir choisi Himalayan comme titre d'album ?

Emma : Les bases de cette chanson étaient en fait d'abord les paroles. La musique est venue après. Quant au choix, c'est un peu compliqué à expliquer...
Matt : On utilisait en fait une expression pour décrire quelque chose qu'on trouvait génial : « That's Himalayan ». Et il y avait aussi cette idée de hauteur. Enfin, à vrai dire, c'est toujours très difficile d'expliquer et de choisir le titre d'un album. Il n'y a rien de plus compliqué que de résumer le travail accompli en un an en quelques mots.

Pourquoi avoir choisi Asleep At The Wheel et Nightmares comme les deux premiers singles de votre album ?

Emma : Je pense que Asleep At The Wheel était une bonne transition entre Sweet Sour et Himalayan. Effectivement, sur cette chanson, nous avons gardé notre son habituel en amorçant les changements présents sur l'album. J'entends par là quelque chose de très pêchu, mais moins saturé et aux mélodies plus travaillées que sur nos précédents albums. Nightmares, en tant que second single, a confirmé ce tournant.

Cet entremêlement d'une voix féminine et d'une voix masculine fait notre différence et est notre marque de fabrique.

Les harmonies vocales semblent aussi avoir été plus travaillées que sur les deux premiers disques. Cela vous a-t-il demandé beaucoup de travail ? Pourquoi y attacher autant d'importance ?

Emma : Je crois que c'est ce qui nous donne un son unique. Cet entremêlement d'une voix féminine et d'une voix masculine fait notre différence et est notre marque de fabrique. En outre, cela me semble intéressant d'explorer, d'un point de vue narratif, les points de vue d'un homme et ceux d'une femme.

J'ai beau me creuser la tête, la signification du titre I Feel Like Ten Men, Nine Dead And One Dying m'échappe. Pourriez-vous m'éclairer ?

Matt : C'est une phrase qui vient du grand-père de Russell. Nous lui demandions « Comment ça va, Jim ? » et il nous répondait ces mots qui signifiaient à peu près « ça ne va pas mais je fais avec ». Comme cette citation collait pas mal avec la partie musicale et lui conférait une dimension un peu abstraite, ce qui n'était pas pour nous déplaire, nous sommes partis sur cette idée. Qui plus est, cela nous permettait de faire un petit clin d'oeil au grand-père de Russell (rires).

Cet album a été produit par Nick Launay. Que vous a t-il apporté ?

Emma : Beaucoup de choses. Il nous a surtout poussés à sortir le meilleur de nous-mêmes en étant toujours à l'écoute.
Matt : Il nous a également beaucoup cadrés et comme je te l'ai dit tout à l'heure, n'a pas hésité à nous mettre la pression de temps en temps.
Emma : Oui, et il nous a pas mal aidés à structurer nos chansons.

Et pourquoi avez-vous décidé d'arrêter de travailler avec Ian Davenport ?

Emma : Je crois que nous avions simplement envie d'opérer un véritable changement, essayer de travailler avec un nouveau producteur et voir ce que cela donnait. Ian nous a beaucoup apporté aussi, mais il faut parfois changer certaines choses si l'on veut avancer.