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CHAMPS

Interview publiée par Caroline Dall'o le 16 avril 2014

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Découvert en 2011 par l'animateur de la BBC2 Dermot O'Leary, le duo de l'Ile de Wight composé des deux frères Michael et David Champion publie son premier album Down Like Gold en mars dernier. Leur pop éthérée se décline en dix titres où alternent morceaux pop et plages mélancoliques. Rencontre avec les frangins en virée parisienne suite à leurs premiers concert en terres allemandes.

Un an sépare votre premier single, St. Peters et la sortie de votre premier album. Que s'est-il passé durant cette période ?

Michael : L'enregistrement de l'album en lui-même ne nous a pas pris beaucoup de temps, seulement deux semaines. Mais ensuite nous avons dû changer de management et laisser du temps pour régler des problèmes qui étaient en dehors de notre contrôle. Cela a pris en fait deux ans pour que tout cela se mette en place alors que le disque était déjà prêt.

Avez-vous été tenté de réarranger les morceaux pendant ce long laps de temps ?

David : La tentation était grande et cela nous demandé beaucoup d'efforts pour ne rien toucher ! Nous voulions conserver le maximum de premières prises car il y avait une touche de magie là-dedans qui aurait disparue si nous avions commencé à tout retoucher.
Michael : C'est sûr que quand on commence à chercher la petite bête on trouve toujours quelque chose qui ne va pas. Bien sûr il y a des choses qui ne nous conviennent pas sur ce disque, mais au lieu de retourner en arrière, nous préférons garder ces remarques pour le prochain album pour ne pas réitérer les mêmes erreurs.
David : Nous préférons ne pas avoir un premier album parfait, mais pouvoir poursuivre notre progression dans l'avenir.

Au final, même si cela nous a paru un peu long, je pense que c'est plutôt positif qu'il y ait eu ces deux années pour mettre tout en place.

Vous avez donc déjà commencé à réfléchir à la suite ?

Michael : Nous avons déjà écrit pas loin de trente-cinq chansons. C'est assez confortable car le jour où il faudra retourner en studio pour enregistrer, nous aurons tout ce qu'il faut. D'autres groupes ont parfois du mal à aborder la suite d'un premier album car les choses vont très vite parfois : les concerts s'enchaînent et ils se trouvent au pied du mur à devoir écrire dans l'urgence pour pouvoir continuer à exister à travers le travail de développement. Au final, même si cela nous a paru un peu long, je pense que c'est plutôt positif qu'il y ait eu ces deux années pour mettre tout en place.

A l'écoute de St. Peters et Savannah, on pourrait penser que vous aviez écrit et enregistré sur le long terme, en passant d'un univers épuré à quelque chose de plus pop...

Michael : Non, pas du tout, on a tout fait en même temps. Nous avons voulu depuis le départ faire un disque pop, mais à mon sens tous les bons albums pop ont une part de chansons tristes et mélancoliques et d'autres plus directes.
David : Il y a les deux extrêmes effectivement avec ces deux titres, les autres morceaux naviguent entre ces deux eaux.

Travaillez-vous seulement tous les deux ou y a-t-il d'autres musiciens à vos côtés ?

Michael : Techniquement, nous sommes un duo, mais pour les concerts nous avons deux formules, l'une à trois guitares avec un ami qui s'appelle Tom (Gardner, guitariste de Motion Pictures et de The Bees ndlr), et puis aussi un line-up de cinq avec un batteur et un claviériste.

Ce qui veut dire que lorsque vous êtes à trois il n'y a pas d'orgues ?

David : Tout à fait ! On remplace ces parties là par des parties chants.

Cela correspond à l'esprit de l'écriture des chansons peut-être, car on sent une place prépondérante pour les voix ?

David : Exactement, car pour nous la voix est l'instrument que l'humain peut appréhender le plus directement. De plus, chaque voix est unique et ne peut être référée à une époque précise. Une voix n'est jamais démodée.

Cette importance des voix a-t-elle guidé votre travail de composition ?

Michael : Oui, bien sûr. Nous avons pensé les chansons non pas en terme d'orchestration ou de production, mais toujours en tant que chansons. Aujourd'hui presque tout le monde peut faire un album pop électro car les technologies sont très développées et accessibles. On peut quasiment appuyer sur un bouton pour qu'il fasse tout seul une partie du travail. Mais l'écriture en tant que telle est plus ardue et c'est ce désir de faire un disque pop qui sorte de la norme qui nous motivait.

Utiliser l'acoustique « cathédrale » renvoie à quelque chose d'intemporel.

Il y a quand même une recherche acoustique très marquée dans votre album avec cet effet cathédrale omniprésent...

Michael : Nos avons grandi dans un tout petit village qui comptait pas moins de cinq églises. Nous ne sommes pas croyants mais nous avons évolué dans cet environnement et chanter dans une église est un truc incroyable qu'on avait testé gamins lorsque nous faisions partie de chorales. Puis nous avions eu l'occasion de faire quelques concerts dans ces lieux et c'était à chaque fois fantastique. De plus, l'intention qui ressortait de nos chansons correspondait à ce type de son.
David : Sans être religieux, il y a aussi un sentiment indéfinissable quand on entre dans une église : les dimensions, le travail accompli par ceux qui l'ont construite. Utiliser l'acoustique « cathédrale » renvoie à quelque chose d'intemporel.

Ce n'est donc pas dû uniquement au lieu dans lequel vous avez enregistré mais cela fait partie de votre identité musicale ?

Michael : Oui, je pense aussi ! Il y avait des spécificités très particulières dans ce studio toutefois que nous avons utilisées comme cette chambre d'échos qui se trouvait sous le toit : nous enregistrions les voix à cet endroit, car le son montait et redescendait d'une manière étonnante avec un rendu assez unique.

Vous avez tous les deux fait partie d'autres formations avant de vous lancer dans Champs. Etiez-vous chanteurs ou guitaristes alors ?

Michael : Je suis chanteur d'un groupe qui s'appelle The Shuts, nous enregistrerons probablement un album un peu plus tard, car je voudrais pouvoir conserver une formation parallèle. Pour moi il est important de continuer à toujours faire de la musique, avec des gens différents, dans des styles différents, mais ne pas se reposer sur ses acquis.
David : De mon côté j'avais aussi un groupe où j'étais chanteur, mais c'était un groupe d'amis, rien de très sérieux. Puis Michael m'a proposé de le rejoindre dans The Shuts. Champs est un side-project qui est né ensuite très naturellement et je suis ravi que cela prenne de l'ampleur.

Pouvez-vous nous raconter comment Champs a concrètement démarré, car on peut lire qu'un animateur de la station BBC2 vous a beaucoup soutenus lors de la sortie de St. Peters, mais il est difficile d'en savoir plus...

Michael : A l'époque j'habitais à Londres, je jouais avec mon groupe, mais je retournais souvent sur l'Ile de Wight pour enregistrer des démos car il s'agissait d'un groupe de rock indé et je me sentais un peu vieux pour ça. Ce qui n'était pas forcement le cas, mais dans ma tête cela ne me correspondait pas tout à fait, j'avais besoin de quelque chose de plus sérieux. Et un jour j'ai appris que cet animateur jouait depuis quatre semaines l'un de nos titres, St. Peters. Je ne sais pas comment il a réussi à avoir l'enregistrement car c'était alors très informel, nous n'avions même pas de nom. C'est lui qui nous a appelé Champs ! Il nous a invités à venir enregistrer quatre chansons dans ses studios, puis des labels se sont intéressés à nous et nous avons eu la chance de pouvoir enregistrer un album complet. Et lorsque tu es musicien, que tu as un disque dans la tête depuis des années et qu'on t'offre la chance de le produire, tu te lances à fond dans l'aventure !

Cela s'est donc passé en 2011. L'enregistrement s'est donc fait très vite après ?

Michael : Oui, quasiment immédiatement ! Tout s'est fait très vite, sans une réflexion élaborée du genre « on va faire un truc pour vendre des disques » ou je ne sais quoi. Nous avons mis de côté notre autre groupe par la force des choses alors que le but était de sortir un disque de The Shuts à ce même moment.

Vous écrivez à deux, comment vous partagez-vous le travail de composition ?

David : Michael avait déjà les chansons prêtes depuis des années. La collaboration a vraiment débuté lors de l'enregistrement. J'en ai aussi quelques unes dans mes tiroirs que l'on utilisera peut être la prochaine fois, mais cet album là était prêt à éclore !

Faire qu'une chanson minimaliste sonne bien est plus difficile que de faire un titre avec un gros son.

L'orchestration de certains titres est très étonnante car très épurée, sans guitare, sans percussions, je pense notamment à I C Sky...

Michael : Il y a des chansons sur lesquelles nous aurions pu ajouter plein de choses, mais je trouvais ça plus courageux de les laisser dans un épure très simple. C'est un parti pris.
David : Faire qu'une chanson minimaliste sonne bien est plus difficile que de faire un titre avec un gros son.

Et comment vous êtes-vous répartis les parties chantées ?

David : En fait, il n'y a que Michael qui chante !

Vraiment ? Pourtant on jurerait qu'il s'agit de deux voix différentes !

Michael : J'ai en effet des niveaux de chant assez différents, l'un bas et l'autre assez aigu. Selon la tonalité des chansons, j'utilise soit l'un soit l'autre. Au début de l'enregistrement, j'essayais d'adopter une voix plutôt crooner, assez basse, et puis au fur et à mesure je suis revenu à un timbre plus haut perché dans lequel je me sens, il faut avouer, plutôt bien.

Donc toi, David, tu te concentrais davantage sur les parties guitares ?

David : Oui, et sur les chœurs. Je suis fasciné par les harmonies, qui sont très nombreuses sur une même chansons mais offrent des résultats tellement hétéroclites. Je pense que c'est la chose qui m'a le plus séduit dans le travail que l'on a fait sur ce disque.