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The Amazing Snakeheads

Interview publiée par Olivier Kalousdian le 8 mai 2014

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En 2013, le NME leur offrait l'étiquette de « nouveau groupe le plus excitant de Glasgow ». En 2014, ils sortent un premier album guetté comme le lait sur le feu et intitulé Amphetamine Ballads. Chez Domino Records, où l'on a l'habitude de rencontrer les talents cachés anglais, Dale Barclay, leader et chanteur de The Amazing Snakeheads, tourne nerveusement en rond dans la véranda du label.
Son énième café avalé, entre deux tafs de blondes américaines, il replace sa médaille en or qui dépasse de sa chemise blanche ouverte et recoiffe ses fins et très courts cheveux blonds avant d'enchaîner les interviews en ce jour de promotion. Ecossais jusqu'au bout de son vocabulaire – que peu de décodeurs, même perfectionnés, parviennent à craquer – Dale a le caractère trempé d'un Peter Mullan dans un film de Paddy Considine. Ses mots sont modestes et aussi comptés que son rock est ténébreux, incendiaire et tapageur. Fan des Glasgow Rangers et du Birthday Party, Dale, accompagné de ses deux acolytes, réalise en quelques mois le rêve que d'autres caressent en plusieurs années : un pur moment de rock & roll.

On ne connaît pas encore très bien l'histoire de The Amazing Snakeheads en France, pouvez-vous nous en dire plus sur vous ?

Dale : Nous sommes tous les trois des amis d'enfance et nous étions même voisins avec Jordon, notre batteur. Un jour, nous avons décidé de faire de la musique, pour nous amuser, mais également parce que nous n'avions rien d'autre à faire là où nous vivions. Aujourd'hui, nous sommes les trois mêmes que quand nous étions adolescents. La musique a été une révélation pour nous et elle l'est encore. Et comme nous avons immédiatement trouvé une certaine plénitude à trois, nous n'avons jamais modifié notre composition. Ce line-up nous a semblé juste, dès le départ.

Dans le genre que vous affectionnez, du garage rock au swamp rock, on retrouve souvent cette configuration en trio. Était-ce une décision assumée que de jouer à trois ou un pur hasard ?

Dale : Je crois que c'était juste le hasard... Bien sûr, si nous avions rencontré un autre musicien en accord avec nous, nous aurions peut-être eu un line-up différent, mais l'occasion ne s'est jamais présentée. Avant notre rencontre, William n'avait jamais joué de la basse et Jordon n'avait jamais tapé sur une batterie ; on s'y est mis, comme ça, en purs amateurs. Et puis, je pense que plus tu es nombreux dans un groupe et plus c'est compliqué à gérer.

Je pense que c'est contre-productif et anti-créatif que d'être dans une tendance.

Depuis quelques années, maintenant, le garage rock et l'atmosphère fifties semblent avoir ressuscité dans l'industrie du disque et même dans la mode vestimentaire ; que ce soit avec Jim Jones Revue ou Parlor Snakes en France. Avez-vous toujours voulu jouer ce genre de musique ?

Dale : J'espère que notre musique ne fait pas partie d'un genre, à vrai dire. Nous avons toujours tenté d'éviter les modes et autres influences. Je pense que c'est contre-productif et anti-créatif que d'être dans une tendance. En fait, nous sommes ouverts à toutes sortes de musique ; c'est peut-être pourquoi nous nous sentons un peu à part. Bien sûr, nous sommes fans de groupes comme The Jim Jones Revue, mais nous essayons vraiment de faire notre truc à nous. Même s'il est vrai que tu es toujours influencé par d'autres groupes...

D'où vient ce nom, The Amazing Snakeheads ?

Dale : C'est venu comme ça... Il y avait ces « snake kids » en Asie (ndlr : des enfants qui jouent et charment des serpents) et en rajoutant Amazing, cela faisait penser à un barnum, un cirque rock ambulant... et en plus, ça sonnait cool !

Vous venez d'un milieu très populaire ; aucun d'entre vous n'a étudié la musique ou les arts avant de démarrer le groupe ?

Dale : Non. Notre monde est très éloigné des écoles de musique et autres écoles des beaux-arts. Mais, personnellement, j'ai toujours gratté la guitare qui se trouvait chez moi et j'ai essayé très tôt d'écrire des chansons. Quand le groupe a démarré, j'ai senti que je pouvais faire quelque chose de ma vie et que je n'étais peut-être pas trop mauvais dans l'écriture et la composition. Aucun de nos parents ne savait vraiment jouer d'un instrument. Nous avons grandi dans un milieu très populaire.


Vous venez d'enregistrer votre premier album, Amphetamine Ballads. On y retrouve l'héritage des Meteors, des Cramps ou du Brithday Party, notamment dans des titres comme I'm A Vampire ou Swamp's Songs. Même si tu n'aimes pas les qualificatifs musicaux, dirais-tu que votre style vogue du côté du garage rock ?

Dale : Tout ce que je peux te dire, c'est que nous jouons du rock & roll. Et nous ressentons ce rock & roll jusque dans nos os ! Mais, je suis flatté des comparaisons que tu viens de faire avec tous ces groupes que nous respectons. Notre style de musique, c'est principalement celui que nous aimons entendre et jouer.

Comment interprètes-tu le nom de ce premier album, Amphetamine Ballads ?

Dale : Ça, c'est un secret ! C'est un titre dont on nous a fait cadeau... Quand nous avons entendu ce titre, nous avons su qu'il était fait pour nous et pour cet album.

C'était un beau clin d'œil et une référence à votre puissante musique, j'imagine ?

Dale : Bien sûr. Cela convenait parfaitement à notre musique. Tous les titres d'albums devraient refléter ce qu'ils contiennent. Encore une fois, dès que ce titre a été proposé par quelqu'un de notre entourage, nous avons su que c'était la bonne façon d'exprimer le contenu de notre disque.

Vous êtes signés chez Domino Records, comment les avez-vous rencontrés ? Pourquoi ce choix ?

Dale : Nous étions sur scène à Glasgow, il y a un moment de ça, deux ans peut-être, et Laurence Bell, qui dirige le label, était dans la salle. Je crois qu'il avait déjà entendu certains de nos titres avant de venir nous voir jouer. Il est venu nous voir une fois, deux fois, trois fois... Puis il est apparu en backstage et nous a demandés si nous voulions enregistrer pour son label. Ce n'est pas plus compliqué que ça.

Qui est le producteur de cet album ?

Dale : Emily MacLaren et Stuart Evans. Ce sont nos amis et ils dirigent le studio où nous avons enregistré. Il était donc naturel pour nous de travailler avec eux. Et puis, il était hors de question de ne pas enregistrer à Glasgow, quoi qu'il en soit. Et le studio Green Door où travaillent Emily et Stuart est un des meilleurs studios de Glasgow. De plus, ces gens-là sont super compétents et leur studio est génial. L'endroit est idéal pour les groupes comme nous, avec un son qui nous convient parfaitement. C'est là-bas que nous avions déjà enregistré nos premiers titres.

On travaille beaucoup à l'instinct. On a besoin de ressentir les choses, plutôt que de les planifier.

Je crois que pour vous, enregistrer à Glasgow revêtait une grande importance ?

Dale : Jusque-là, tous nos titres ont été enregistrés à Glasgow. Au studio Green Door, avec Emily et Stuart. Mais, c'est plus par feeling et envie que par chauvinisme. Si nous ne sentions plus l'envie de travailler là-bas, nous n'aurions pas de problèmes à aller enregistrer dans une autre ville. On travaille beaucoup à l'instinct. On a besoin de ressentir les choses, plutôt que de les planifier. Si tu agis comme ça, tu as moins de chance de faire un faux pas dans le rock.

Glasgow a souvent été le berceau de bons groupes rock outre-Manche. Vous sentez-vous proches d'autres formations issues de cette ville qui est la vôtre ?

Dale : Pas particulièrement. Même si je pense, moi aussi, qu'il y a beaucoup de bons groupes nés dans cette ville. Mais, même si nous sommes un peu solitaires, il est clair qu'ici les groupes se nourrissent les uns des autres, même inconsciemment, et je trouve cela plutôt sain.

Dale, tes chansons sont très typées, très sombres parfois... Quel est ton mode de fonctionnement ? Est-ce le texte ou la musique qui te vient en premier ?

Dale : Il n'y pas de règle... Si le texte vient en premier, tant mieux. Mais, si c'est la musique, alors le texte suivra l'ambiance des notes. Nos titres viennent d'univers très différents. Parfois la TV m'inspire, parfois un livre, parfois encore mon imagination est la seule responsable.

Tes chansons ont quelque chose de sombre, mais de très large également, presque cinématographiques dans leurs ambiances. D'où te viennent tes influences d'auteur ?

Dale : Qu'elles soient autobiographiques – et ça arrive – ou non, je ne sais pas vraiment répondre à cette question. Elles viennent à notre esprit, et c'est le principal.

Votre premier concert en France s'est déroulé non loin d'ici dans la salle de la Cigale...

Dale : Je n'oublierai jamais ce concert ! Très bons souvenirs d'un fantastique public. Quand tu sais quels autres groupes ont joué sur cette scène avant toi, c'est génial d'y monter à ton tour. Ce soir-là, il y avait une très bonne atmosphère et de très bonnes vibrations, du public jusqu'en backstage avec les gens de la Cigale qui nous ont très bien reçus.


Tu penses que la France, comme d'autres pays comme l'Allemagne par exemple, sont devenus des tremplins pour le rock anglais ? Peut-être du fait du très grand nombre de groupes émergeant constamment en Angleterre ?

Dale : J'aurais du mal à répondre à ta question parce que, pour le moment, à part Paris, nous n'avons pas beaucoup tourné en Europe. J'espère que tu as raison et ce qui est certain, c'est que la réception et l'ambiance ressenties en dehors d'Angleterre ont toujours été fantastiques pour nous. À nos débuts à Glasgow, nous donnions beaucoup sur scène et nous recevions assez peu en retour. Depuis quelques temps, l'énergie que nous donnons nous revient avec force de la part du public, et cela est vraiment important pour nous. En Angleterre, les groupes ne démarrent pas de la même façon qu'en France par exemple. Nous devons jouer dans des pubs, souvent à nos frais et les gens ne sont pas spécialement là pour nous, mais pour boire un verre. Et tant que tu n'es pas connu, les réactions sont parfois assez faibles. Je crois que, pour cela, la France doit continuer à soutenir la musique et l'art comme elle le fait si bien.

Vous êtes reconnus pour cette énergie que vous dégagez sur scène justement. D'où la puises-tu ? A-t-elle une source ?

Dale : Franchement ? Je n'en sais rien et je ne ressens pas le besoin de le savoir, d'ailleurs ! Je suis heureux de l'avoir en moi et de pouvoir la partager, pas plus. Si cela fonctionne et peut être contagieux lors de nos concerts, alors je suis content et ça me suffit. S'il y a un endroit où chercher, je crois qu'il faut simplement remercier le rock & roll ! Mais ne te formalise pas de ma réponse. Je ne dis pas que seul l'instinct et l'énergie comptent dans un groupe. Avoir des bases et maîtriser la musique sont des points importants, mais de là d'où nous venons, c'est plutôt l'apprentissage autodidacte et le ressenti du moment présent qui comptent. C'est un rêve qui devient réalité pour nous trois. Être dans un groupe et être payés pour ça ? Quelle chance !

Cela doit être l'enfer que de devoir jouer avec des gens que tu n'aimes pas. Donc, nous partageons cet amour et cette chance en donnant tout ce que nous avons, en live.

C'est d'ailleurs une belle dichotomie de constater la noirceur de vos titres et cette énergie si positive avec laquelle vous les interprétez sur scène ?

Dale : Exactement. Il me semblerait impensable de ne pas partager cette expression positive sur scène quand on mesure la chance qui nous est offerte de vivre, ou presque, de notre passion ! Nous sommes les meilleurs amis du monde avec Jordon et William ; et je ne pourrais pas imaginer jouer avec d'autres personnes. Cela doit être l'enfer que de devoir jouer avec des gens que tu n'aimes pas. Donc, nous partageons cet amour et cette chance en donnant tout ce que nous avons, en live.

Tous les trois, vous avez grandi avec les mêmes musiques et les mêmes influences ?

Dale : Pas particulièrement. Mon père était un fan de chanteurs country comme Hank Williams par exemple. Et aussi un peu de Chuck Berry. Mais la country était la principale musique que nous écoutions à la maison. Le rock & roll est donc un apprentissage que j'ai fait seul, par moi-même en écoutant des disques. À partir de là, j'ai su que cette musique allait devenir toute ma vie. Et le rock, c'est comme l'amour, tu ne peux pas le faire à moitié !

Vous sentez-vous un peu comme des extra-terrestre du rock à une époque où les groupes aiment mélanger un tas d'influences différentes et utilisent beaucoup de machines numériques dans leurs titres ? Est-ce que tu écoutes certains de ces groupes ?

Dale : Pas vraiment. Nous, nous enregistrons encore en analogique et sur des bandes. Et c'est comme ça que le rock & roll devrait être ! Aujourd'hui, les groupes dont tu parles enregistrent instrument par instrument, les numérisent, les nettoient et en ressortent un son si propre, si parfait qu'ils en oublient quelque chose, au final. Avec nos amis du Green Door studio, nous avons la chance de partager la même vision de la musique et de son rendu.

Vous qui n'avez pas encore beaucoup tourné, quelle serait la ville où tu aimerais jouer en priorité ?

Dale : Je vais me répéter, mais je choisirai Paris, une fois de plus ! Je suis tombé amoureux de Paris la première fois où nous avons joué ici. Si je devais déménager de Glasgow, je m'installerais ici. Quand nous sommes ici, nous avons l'impression d'être chez nous. Même si la ville ne ressemble pas du tout à Glasgow, architecturalement parlant, ce sentiment perdure à chaque fois que nous venons à Paris. Je placerais donc Paris au top de ma liste.

Si tu déménageais à Paris et que tu ne pouvais emporter qu'un disque avec toi, lequel amènerais-tu ?

Dale : 40 Greatest Hits de Hank Williams.

Il y a une question qui revient souvent dans les fins d'interview et qui consiste à demander aux artistes de choisir entre les Beatles et les Rolling Stones ; mais pour toi, je modifie la question : The Birthday Party ou The Cramps ?

Dale : « Impossible ! » (en français dans le texte). Je ne peux, je ne veux vraiment pas répondre à cette question (rires) !