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Lonely The Brave

Interview publiée par Olivier Kalousdian le 3 septembre 2014

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Après avoir enflammé les spécialiste ès rock d’Angleterre avec le single Trick Of The Light et un premier EP, Backroads, les cinq musiciens originaires de Cambridge formant Lonely The Brave débarquent enfin avec leur premier album, The Day's War ; un disque dont la sortie, initialement prévue le 2 juin, a été repoussée à ce 1er septembre. Signés sur Hassle Records, Lonely The Brave ne révolutionneront pas le rock. Ils enfonceraient même des portes ouvertes en ressuscitant un genre qu’on pensait définitivement enterré. Mais, comme souvent dans le rock, les genres ne sont jamais totalement enterrés. Ils attendent leur heure pour ressurgir, tous les vingt ans environ, revisités et modernisés.

À l’époque des Guns & Roses ou d’Aerosmith, on appelait ce genre, le cross over. Un mélange de tous les genres, y compris ceux totalement opposés ! Réalisé avec précision et qualité, là où d’autres privilégient l’impulsif et le crasseux, The Day's War sonne large, épais et souvent lourd. Trop lourd, peut-être, à une époque où la consommation immédiate et souvent irréfléchie, règnent en maître...

Vous êtes tous originaires de la ville de Cambridge, en Angleterre. Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Mark : Avant de nous rassembler, nous étions tous plus ou moins déjà engagés dans de petites formations de la ville et il nous arrivait parfois de jouer les uns avec les autres. Le milieu musical étant assez incestueux, tout le monde connaît tout le monde ! À un moment, il nous a paru judicieux de nous unir pour former le groupe que tu vois aujourd'hui.

De quand date la formation de Lonely The Brave ?

Mark : Le chanteur du groupe dans lequel je jouais a déménagé en Nouvelle-Zélande et donc, mon groupe a cessé d'exister à ce moment-là. David Jakes avait déjà une idée d'un nouveau groupe et m'a demandé si je voulais intégrer cette nouvelle formation. Et il y a quatre ans, à peu près, naissait Lonely The Brave.
Joel : Moi, je suis le petit nouveau. Je viens de rejoindre le groupe... Enfin, disons que j'ai rejoint le groupe après Mark et Andrew.


La ville de Cambridge n'est pas spécialement connue pour ses groupes de rock, elle est plutôt reconnue pour son université prestigieuse et on parle plus facilement de Londres, Liverpool ou Manchester pour la musique anglaise. Quelles ont été vos influences musicales ?

Andrew : Mon père était un fan de Led Zeppelin ou Queen, un peu après. Et j'ai donc pas mal été bercé par ces influences-là, durant mon enfance. Même si le rock classique n'est pas ma tasse de thé aujourd'hui, mon jeu a sûrement été grandement influencé par mes plus jeunes années.
Mark : Ma mère écoutait constamment des titres de la Motown quand nous étions en voiture. Cela m'a vraiment marqué. Elle écoutait également du folklore irlandais à la maison, car ma famille est irlandaise. Quand j'en ai eu marre de l'école, je me suis tout de suite tourné vers la musique. J'avais un peu étudié le solfège au collège et à partir de l'âge de douze ans, j'ai su que c'était ce que je voulais faire de ma vie. Et réaliser aujourd'hui que je fais de ma vie ce que j'en avais rêvé est simplement génial !

Y a-t-il une allusion au titre du film Lonely Are The Brave dans le choix du nom de votre groupe ?

Mark : Quelqu'un d'autre nous l'a récemment fait remarquer en interview, mais figure-toi que nous n'avions même pas fait le rapprochement ! En fait, nous n'avons même jamais vu ce film (ndlr : film de David Miller sorti en 1962) !
Joel : Je n'avais même jamais entendu parler de ce film avant cette interview ! Il faudrait vraiment que nous prenions le temps de le regarder, tous ensemble à l'occasion...

Quel est le sens de Lonely The Brave pour vous ?

Joel : Pour des raisons personnelles, nous vivions des situations difficiles à l'époque. Et il nous a fallu pas mal de motivation et de courage pour faire avancer ce projet. Lonely The Brave sonnait, pour nous tous, assez en phase et très réaliste par rapport aux situations de cette époque.

The Day's War, votre premier album sort finalement au début du mois de septembre...

- Mark : Il devait initialement sortir en juin de cette année, mais Sony nous ont demandé de repousser sa sortie. Et même si nous sommes terriblement impatients de voir ce premier disque sortir, quand Sony, qui nous ont supportés et aidés, te demande quelque chose, tu acceptes (rires). Étant donnée l'actualité musicale dans cette grande maison, cela nous semble logique, en fait.

Les paroles de nos chansons parlent des situations difficiles que nous avons dû traverser en tant que personnes.

Qu'est ce qui vous a poussé à choisir ce titre, The Day's War ? Est-ce un rappel de la situation géopolitique du monde en ce moment ?

Mark : En un sens, oui. Les paroles de nos chansons parlent des situations difficiles que nous avons dû traverser en tant que personnes, mais également en tant que groupe. Il ne s'agit pas de dire que tout relève de la guerre ou de la lutte, mais force est de constater que la vie peut être terriblement difficile, parfois. Les jours de guerre, ce sont les moments où tu dois lutter pour arriver là où tu veux aller.

Tu veux dire que dans l'industrie du disque, c'est parfois la guerre qui prédomine pour avancer ?

Mark : (rires) Non, quand même pas. Quand nous avons choisi ce nom d'album, nous n'avions même pas de label ou d'idée d'une sortie du disque. À l'origine, nous pensions sortir ce disque nous-mêmes. Le nom de ce disque était donc plus un clin d'œil à des situations personnelles qu'un regard sur le monde de la musique.

Vous avez déjà l'expérience des festivals et vous êtes programmés dans d'autres grands événements cette année...

Andrew : D'ici une semaine (ndlr : interview réalisée en mai dernier) nous attaquerons une période très faste qui va durer tout l'été et même au-delà ! Chaque week-end est programmé sur une scène différente jusqu'à septembre, au moins.
Mark : Nous avons la chance d'être programmés à Glastonbury, Reading et Leeds, au Download festival... mais aussi en Europe avec Festipop ou le Festrock. Une grosse période nous attend.

Autant de grandes scènes et de publics importants, déjà... Pensez-vous que ces expériences vous font grandir plus vite en tant que groupe de musique ?

Mark : Je pense que oui. En 2013, c'était notre première vraie expérience de festival au Download, avec un public très massif. Et je peux te dire que nous étions morts de trouille ! Nous avions déjà joué dans de grandes salles, mais jamais à ce niveau là. Nous n'étions pas certains d'assurer et d'en ressortir grandis, mais ce fut le cas et dans ce sens, ce genre de challenge te fait rapidement mûrir. Nous avons également bénéficié de grandes opportunités comme assurer la première partie des Deftones au Zénith de Paris, en septembre 2013. Je pense que cela reste notre plus grand challenge à ce jour. Jouer en ouverture de nos héros et devant un tel public, tu ne peux en ressortir que meilleur ! Et avec une paire bien plus grosse (rires)...

Où prenez-vous le plus de plaisir, dans les petites salles intimistes ou les grandes messes du rock, tels que le Zénith ou le Reading peuvent offrir ?

Mark : J'aime les deux ambiances. Il y a dans les festivals et les grandes salles cette atmosphère que tu ne retrouves nulle part ailleurs. Le public est nombreux et plus loin de toi. Et cela paraît étrange parfois vu de la scène quand il y a entre trente et cinquante mètres qui te séparent d'eux. Alors qu'à tes débuts, tu ressens presque l'haleine des mecs du premier rang dans les pubs anglais ! De toute façon, jouer live, où que ce soit est plus ou moins le sens de ma vie.

Vous avez également assuré la première partie de Bruce Springsteen ! C'est quelque chose qui n'est pas commun pour un groupe anglais, notamment à ses débuts ?

Mark : Au départ, nous pensions qu'il s'agissait d'une blague ! Un jour, j'ai reçu un appel qui disait : « Accepteriez-vous de faire la première partie de Bruce Springsteen ? ». J'ai failli raccrocher en lui disant « Fuck off ! ». Et là la voix me dit : » Non, sérieusement. Et à l'Olympic Park en plus... ».
Andrew : Et là, nous avons tous répondu : « Si nous devons le faire, bon, nous le ferons... » (rires). Bien sûr, nous étions incroyablement surpris et honorés et ce fut un moment magique dans notre courte carrière.

Qu'est-ce que cela a changé concrètement dans la vie du groupe ?

Joel : D'abord, ce fut la plus grande scène sur laquelle nous avions jamais joué. Ensuite, si dans un concert pareil tu ne donnes pas 120% de tes capacités, alors ne le fais pas. Et puis, quelle publicité autour de nous ! Pour être plus visibles que ça, il nous faudra aller jouer sur la lune (rires).

Vous sortez The Day's War sur le label Hassle Records. Label connu pour ses groupes punk, hardcore et heavy metal. Pourquoi ce choix ?

Mark : Nous les avons rencontrés via notre manager. À titre personnel, j'étais fan des groupes signés sur Hassle Records, depuis des années. Nous étions donc très honorés d'apprendre que ce label avait des vues sur notre groupe. Et, quand ils nous ont approchés, comme toi nous nous sommes questionnés sur l'image qu'ils avaient jusque là. Mais, Hassle Records c'est d'abord et avant tout un label qui aime la musique et le rock et quand ils disent aimer un groupe, ce ne sont pas des paroles en l'air. Sans eux, nous aurions tous dû garder nos jobs de nuit qui nous aidaient à survivre tout en faisant vivre le groupe.

The Day's War est votre premier album, après un premier EP, Backroads, en 2013. Combien de temps vous a-t-il fallu entre ce premier EP et l'écriture de cet album ?

Mark : Toute notre courte vie, ou presque ! Ces titres viennent de loin et ont été écrit il y a déjà longtemps, pour certains. Mais, en ce qui concerne l'enregistrement, cela nous a pris à peu près six semaines. Nous avons enregistré dans un petit studio nommé House Bree.
Andrew : C'était une aventure en soi. Nous n'avions pas ou peu d'argent et tout ce que nous avions était destiné pour l'enregistrement de cet album. Dans ce petit studio, il n'y avait pas de commodités et nous avons parfois dû dormir à même le sol. Il n'y avait pas de douche, juste des toilettes et un lavabo. Il a fait froid et nous avons même dû affronter une petite tempête qui soufflait fort dehors, une nuit... Certains jours, nous allions à la piscine municipale du coin, juste pour pouvoir prendre une douche ! Certains disent « Ça forme la jeunesse ! ». Mais, rien n'était vraiment facile pour ce premier album et, finalement, je suis content que cela ne l'ait pas été car le résultat n'en est que meilleur, à mon sens.

Qui a produit, The Day's War ?

Mark : Mark Williams qui a travaillé avec Biffy Clyro. Nous recherchions un producteur qui ne colore pas outre mesure nos titres. Souvent, tu peux reconnaître la patte d'un producteur sur un album, presque autant que la patte de l'artiste ou du groupe. Mark Williams a su faire sonner notre musique, large, tout en gardant la sincérité de notre style. Étant une formation classique en termes d'instrumentations, nos titres se doivent de sonner live comme ils sonnent en studio. Et cette collaboration fut un succès à ce titre.

Qui est l'auteur des titres dans le groupe ? Les paroles de vos chansons semblent tirées de la vie de tous les jours...

Mark : David Jakes écrit toutes les chansons. Ne voulant pas parler à sa place, je peux néanmoins confirmer qu'il tire ses histoires de la vie de tous les jours.


Vos premiers vidéo clips sont visuellement riches, je dirais presque, cinématographiques en un sens. Est-ce que vous vous impliquez dans l'écriture ou la réalisation de ces vidéo clips ? Et dans le travail graphique, assez léché, de l'artwork de votre disque ?

Mark : Oui, nous aimons bien donner notre avis et travailler collégialement sur ces aspects-là. L'artwork du disque a été réalisé par Alex Woodhead et nous sommes ravis du résultat. Sans vouloir influencer son travail, nous lui avons donné notre direction et le sens de nos chansons et il a brillamment retranscrit cet esprit au niveau graphique. Idem pour les clips. Si on prend par exemple celui de Victory Line, nous avions donné nos remarques aux graphistes et réalisateur et ils en ont sorti un clip absolument magnifique. La première fois que nous avons vu ce clip terminé, nous étions soufflés par le résultat et la transcription de la direction donnée.

Votre premier EP, Backroads, avait été très bien accueilli par le public et la presse. Cela a-t-il créé une pression supplémentaire sur vos épaules pour la réalisation de votre premier album ?

Mark : Oui, c'est indéniable. Mais les titres de ce premier album étant déjà bien avancés lors de la sortie de l'EP, cette pression a été atténuée car la machine était déjà en marche, de toute façon. Nous avons sorti cet EP par souci de rendre publique notre musique le plus rapidement possible. Et l'album s'est fait dans la foulée. Aujourd'hui, nous sommes impatients et nerveux de connaître l'accueil que recevra The Day's War.

The Day's War est construit comme un film avec une introduction et une conclusion qui semblent défiler en suite logique au long des titres. C'était une volonté de votre part ?

Mark : Je crois que oui. J'aimela référence faite à un film, car c'est ainsi que je vois cet album. Je suis fan des musiques de film et j'aime l'idée d'avoir une construction avec une introduction, un intermède et une conclusion. Il faut ajouter de l'espace entre certains titres, afin de donner un peu d'air à l'auditeur.

C'est dans cette idée que l'intro ou le titre The Day's War sont si courts sur l'album ?

Mark : Le titre The Day's War a été enregistré à trois heures du matin, et c'est sûrement aussi pourquoi il est si court (rires). Sur ce titre, tu peux même entendre la chaise du studio craquer... Nous l'avons enregistré du côté pupitre, avec une seule guitare acoustique et une voix.

Vous avez déjà joué en France et demain soir vous serez sur la scène du Point Éphémère. Quel a été l'accueil en France, jusque-là ?

Mark : Fantastique ! Quand nous avons ouvert pour les Deftones, nous nous attendions à ce que personne ne nous remarque, ou presque. Mais la réaction a été positive et immédiate ! Même résultat quand nous avons joué à Lyon, nous pensions que personne ne viendrait nous écouter. Or, le public était massif et compact. Si tu rajoutes à la chaleur de ce public, la qualité de la nourriture, alors nous sommes prêts à jouer en France à n'importe quel moment !

Vous jouez une musique live dans une formation instrumentale classique, comme Mark le disait. À quoi pensez vous quand vous jouez vos titres sur scène ?

Joel : Je suis si concentré quand je joue sur scène, que la seule chose que je me dis c'est : « Sois bon. Ne foire pas le set ! ». Comme tu le dis, jouant une musique faite pour le live, si nous ne sommes pas à 120% sur scène, cela s'entendra automatiquement.
Andrew : Si tu n'aimes pas jouer live, alors il n'y a pas d'intérêt à faire du rock !

Quand vous êtes en tournée, y a-t-il un objet fétiche qui ne vous quitte jamais ?

Mark : Je ne me sépare jamais de mon livre relié de cuir où je prends des notes tout au long de nos concerts. J'écris tous les jours où je suis absent de chez moi, notamment pour mon petit garçon afin qu'il découvre, quand il sera plus grand, ce que son père fait comme métier et pour lui dire à quel point il me manque.
Gavin : Quand tu joues de la batterie, tu transpires beaucoup. Et je ne me sépare jamais de ma bande adhésive qu'on appelle Vater band et qui empêche tes doigts de glisser sur les baguettes. Je ne l'utilise pas constamment, mais si je pars sans elle, je ne suis pas bien ! C'est juste mental, mais il faut que cet adhésif soit dans mes affaires quand je pars en tournée.

Pour moi, un disque s'écoute du début à la fin. Et le problème que j'ai avec le téléchargement, illégal ou pas, c'est que les gens n'écoutent plus les disques dans leur totalité.

Vous avez su utiliser les réseaux et le média Internet pour vous faire connaître, mais vous qui mettez le live au dessus de tout, que pensez-vous de la consommation musicale qu'Internet impose aujourd'hui ?

Mark : Je suis un grand utilisateur d'Internet, comme nous tous, je pense. Mais je ne peux imaginer d'écouter un disque morceau par morceau ou me baser sur un seul titre. Comme c'est souvent le cas avec Internet. Pour moi, un disque s'écoute du début à la fin. Et le problème que j'ai avec le téléchargement, illégal ou pas, c'est que les gens n'écoutent plus les disques dans leur totalité. Ils se focalisent sur un titre et pensent connaître le groupe. Quand ils ne se content pas de trente secondes simplement ! Bien sûr, voir que des gens du Canada ou d'Israël ont accès à ta musique et de lire leurs messages depuis Cambridge, et ce instantanément, est un grand plaisir que nous avons vécu, mais ce média restreint souvent la vision que le public a d'un groupe.

Alan McGee nous disait, il y a peu, que le disque était mort et que bientôt la musique serait obligatoirement dématérialisée. Et plus que cela, les gens ne voudront bientôt plus qu'un seul titre par-ci par-là et se désintéresseront des albums. Qu'en pensez-vous ?

Mark : J'espère vraiment qu'il se trompe ! Il y a encore des millions de personnes qui sont fans de musique et quand ils sont vraiment amoureux d'un disque, qu'y a t il de meilleur que de s'asseoir pour écouter tranquillement jouer cet album qu'on a tant attendu ?
Gavin : Le renouveau du succès du vinyle semble un peu contredire Alan McGee... Il ne faut jamais oublier que le travail d'un disque ne s'arrête pas à la réalisation des chansons qu'il comporte. C'est un objet de convoitise pour tout ce qu'il renferme d'artistique ; de l'artwork aux vidéo clips qui l'accompagnent.

Je crois savoir que vous travaillez déjà sur de nouveaux titres ?

Mark : C'est vrai. Nous avons à peu près les deux tiers d'un second album d'écrits. Le problème c'est que nous allons cruellement manquer de temps cet été. Nous nous y remettrons sérieusement à la rentrée, avec un tas de nouvelles expériences et de sources d'inspiration piquées au gré de nos dates à venir.