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The Wytches

Interview publiée par Jean Duffour le 24 septembre 2014

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Au cœur du mythique Studio 104 à La Plaine Saint-Denis, au milieu d’un tourbillon de journalistes et de photographes, c’est dans leur planning très serré de shootings et interviews que Gianni Honey (batteur) et Daniel Rumsey (bassiste) nous ont consacré quelques unes de leurs précieuses minutes pour une rencontre dans l'une des loges avant leur premier plateau télé en France.

Gianni, tu es originaire de Peterborough tout comme Kristian, mais où vous êtes-vous rencontrés avec Daniel ?

Gianni : Kristian et moi étions dans un groupe, The Crooked Canes, on voulait faire des concerts et comme on refusait d'aller à Londres on a décidé de déménager à Brighton, une ville moins grande que Londres, moins chère mais toujours plus grande que Peterborough. On a puublié une annonce disant qu'on cherchait un bassiste. Dan a été le seul à répondre !
Daniel : À l'audition – si on peut appeler ça une audition – ils ne m'ont même pas fait jouer, ils m'ont juste demandé « Est-ce que tu veux nous rejoindre ? ». J'ai dit oui et ils m'ont répondu « OK, viens ! ».
Gianni : Oui, et je me souviens que j'avais demandé à Kristian de dessiner un poster. Il avait dessiné un gars, on l'a toujours d'ailleurs, et Daniel ressemblait exactement au dessin, c'était hyper étrange (rires).

Pourquoi avoir choisi ce nom, The Wytches, orthographié avec un « y » à la place du « i » ?

Gianni : Kris m'a juste dit un jour avant même de déménager à Brighton qu'on s'appellerait les Wytches et j'ai trouvé ça vraiment cool. On ne voulait pas que le nom soit toute une affaire, juste quelque chose de simple. Et c'était avec un « i » au début mais il y avait au moins six autres groupes orthographiés de la même façon donc ça aurait été un problème avec les copyrights. On a donc du changer. Rien de bien glorieux.

Je voulais juste être dans un groupe, jouer en concert tout le temps et enregistrer de la musique.

Quand le groupe était au complet, aviez-vous décidé de vivre de votre musique ou était-ce simplement un loisir entre potes ?

Gianni : Ça a toujours été un loisir, pour Kris et moi. On voulait juste sortir, trouver des concerts et enregistrer des chansons. Maintenant on peut vraiment faire ça, c'est génial, et je pense que pour Dan c'était pareil.
Daniel : Oui, je vivais dans une ville quasiment similaire à Peterborough, du point de vue de la musique et de la scène locale, et quand j'ai déménagé à Brighton en même temps qu'eux, je voulais juste être dans un groupe, jouer en concert tout le temps et enregistrer de la musique.
Gianni : On a beaucoup fait ça ! (rires).

Quel a été votre premier contact avec la musique ? Et avec un instrument ?

Daniel : En fait j'ai commencé par la batterie.
Gianni : Oui, on était tous batteurs, ce qui était bizarre.
Daniel : Je ne sais pas pourquoi j'ai choisi ça. L'école j'imagine. A l'école on pouvait choisir un instrument à apprendre et j'aimais bien taper sur des trucs. Et ensuite j'ai écouté du Rock pour la première fois ce qui m'a donné envie d'apprendre la guitare puis m'a amené à la basse. Je crois que c'était à cause de The Offspring (rires).
Gianni : J'ai toujours été proche de mon oncle, le frère de ma mère, il jouait tout le temps de la guitare et je me souviens d'avoir grandi en l'écoutant jouer mais ça ne m'a jamais attiré. Un jour j'ai décidé de me mettre à la batterie parce que je voulais faire de la musique. À l'époque mes parents voulaient que je fasse quelque chose de constructif et disons que cela m'a sorti d'une phase sombre.


Le Guardian a comparé la voix de votre chanteur à celle d'Alex Turner qui serait en plein bad trip. Est-ce que son travail, avec les Arctic Monkeys notamment, vous a inspiré ?

Daniel : L'album Humbug surtout.

Le plus sombre !

Gianni : Oui !
Daniel : Cet album nous a beaucoup influencés, surtout Kristian, pour la composition du notre.
Gianni : Notamment pour les guitares et la voix, mais c'est une influence à part entière. Et puis de toute façon qui n'aime pas les Arctic Monkeys ?

Une autre question qui concerne Kristian. Ses effets m'ont fait penser à ceux qu'utilise Miles Kane avec les Rascals entre autres. C'est aussi une de vos influences ? Même si ce n'est pas celle qu'on cite le plus souvent...

Daniel : Oui totalement ! On adore les Rascals.
Gianni : Un super groupe, on l'a d'ailleurs rencontré, enfin on l'a aperçu dans un fast food et j'étais comme un fou, un vrai gamin. « Putain, regardez c'est Miles Kane ! » (rires).

Vous avez récemment signé au Royaume-Uni avec le label très à la mode en ce moment, Heavenly Recordings. Est-ce que ça a été une décision difficile à prendre quand ils vous ont proposé un contrat ?

Daniel : Pas vraiment. Enfin on pensait tout faire nous-mêmes au début, on en a discuté et puis on en est arrivés à la conclusion qu'on n'y arriverait pas et ces gars-là connaissent leur métier. C'était rassurant.
Gianni : Et cela nous permet de nous concentrer sur l'essentiel, juste être un groupe.

Une autre question liée à vos influences, trouvez-vous que votre chanteur ressemble à Bobby Gillespie jeune ?

(rires) Daniel : Ah oui je crois que c'est Faris Badwan des Horrors qui avait dit ça ! Je ne sais pas, j'ai du aller voir sur Google parce que je n'étais pas sûr. Peut-être quand il était vraiment jeune, il a les mêmes yeux bizarres que Kristian.
Gianni : D'ailleurs, j'avais vu une vidéo d'une interview belge de lui avec un de ses groupes (The Jesus And Mary Chain) dans une loge, absolument dégueulasse, et ils n'en avaient rien à foutre du journaliste. Ils accéléraient le truc, si tu ne l'as pas vue, va la chercher sur Google, c'est incroyable !

On en parlait tout à l'heure : à vos débuts vous étiez des tenants du DIY, vous pressiez vos albums, imprimiez vos affiches, produisiez vos clips, etc... Était-ce le simple fait que vous n'aviez pas de label pour le faire à votre place ou malgré tout, c'est un état d'esprit que vous conservez ?

Daniel : Je pense qu'on l'a toujours aujourd'hui dans le sens où on a beaucoup recours à nos potes pour nous aider.
Gianni : A nos débuts, en fait, c'est juste qu'on n'avait pas de cerveau. On avait une chanson enregistrée par nous-mêmes, avant que les labels ne soient intéressés, alors on se disait « Pressons des putains de CD ! » et on faisait des concerts n'importe où. On est allés de Brighton à Sheffield, ce qui est une longue route. On dépensait tout notre argent là-dedans. Je me souviens que j'imprimais nos flyers...
Daniel : Oui et tu me les faisais faire aussi !
Gianni : Et je les découpais, je les ai même distribués à Londres. Je faisais beaucoup de trucs cons, ça n'avait aucun sens mais j'avais juste besoin de faire quelque chose (rires).

Vous avez travaillé avec Liam Watson, aux Toe Rag Studios, loin de toutes les nouvelles technologies, était-ce compliqué ?

Gianni : Non, pas du tout, en plus on a juste enregistré notre EP Gravedweller là-bas, pas tout l'album.
Daniel : Et puis on a enregistré trois pistes en une seule : guitare, basse et batterie en une fois, non ?
Gianni : Non je ne crois pas... Mais ça n'a rien de difficile parce qu'on a l'habitude d'enregistrer en live, parfois on rajoute juste un peu d'orgue et c'est tout.

Bill Ryder-Jones n'a pas été intrusif, il n'a rien changé, il nous a juste aidés et conseillés.

Et travailler avec Bill Ryder-Jones, c'était une super expérience j'imagine ?

Daniel : Oui, il nous a vraiment beaucoup aidés ! Il n'a pas été intrusif, il n'a rien changé, il nous a juste aidés et conseillés.
Gianni : C'est un mec bien, il est drôle, il ne se prend pas trop au sérieux et c'est cool.

Aucune pression ?

Daniel : Non pas du tout. Il se trouve qu'on le connaissait avant un peu, on était allés à Liverpool enregistrer quelques chansons avec lui, dans une église, c'était cool. Et ensuite on est allés boire quelques verres, c'était presque un pote !

Cet été vous avez joué au Reading Festival, est-ce que cela a été votre plus grand concert ?

Gianni : Oui. Je pense que oui. C'était énorme, j'ai vomi juste avant de monter sur scène. Ça ne m'était jamais arrivé avant ! J'étais vraiment stressé. Mais ça a été non ? (rires).
Daniel : Oui, ça a été !

Vous avez pu croiser d'autres groupes là-bas ?

Gianni : Pas vraiment, on avait un week-end assez chargé, on a du jouer et puis traîner vingt minutes, pas plus. Mais quand on a le temps on tente de croiser les autres groupes. Drenge notamment avec qui on a pas mal joué. Dès qu'on les croise, on déconne. On était à New-York il y a quelques mois ensemble, Kris, Dan, moi et eux juste en face des Vaccines, et ensuite on est allés boire des verres dans New-York, c'était sacrément cool.
Daniel : C'était une super soirée !
Gianni : On est allés dans des bars, c'était vrament drôle, j'étais complètement bourré.

Et quel est votre meilleur souvenir de concert ?

Gianni : Probablement d'avoir joué avec les Cribs, c'est un de mes groupes préférés. Une fois j'ai heurté Johnny Marr et je me suis dit « Putain, c'est Johnny Marr ! ».
Daniel : Je crois que le concert avec TOY et Blood Red Shoes en Allemagne reste mon préféré.
Gianni : On était vraiment à l'aise, pour la première fois.
Daniel : Ce n'était pas que ça, la taille de l'endroit aussi, c'était fantastique.
Gianni : Oui aussi, et l'Allemagne c'est génial. Et puis Steve (ndlr : Steven Ansell, batteur de Blood Red Shoes) était là, on l'apprécie vraiment. Il nous suit depuis le début, c'est une personne très honnête et juste, ce qui est toujours bien chez quelqu'un. Laura (ndlr : guitariste de Blood Red Shoes) est cool aussi ! (rires).


Ce soir c'est votre premier concert à la télévision non ? Êtes vous anxieux ?

Gianni : Oui !
Daniel : J'étais nerveux quand on est arrivés parce que tout le monde nous disait « Tu dois faire-ci, tu dois faire ça puis ça, puis aller là, revenir ». Ça m'a un peu stressé mais ça va maintenant.

Est-ce que votre succès naissant a changé quelque chose dans votre quotidien ?

Daniel : Oui, un peu, notamment le fait que les gens nous reconnaissent dans la rue sans qu'on les connaisse. C'est étrange.
Gianni : Je ne me sens pas vraiment célèbre, mais c'est vrai que c'est étrange d'être reconnu. Sans parler de succès, j'aime juste penser que le meilleur reste à venir pour nous.
Daniel : Oui, mais je veux dire qu'on a du succès en ce sens qu'on joue notre musique en concert et que c'est ce qu'on a toujours voulu faire. Je vois ça comme un succès.
Gianni : Personnellement ça a aussi changé ma vision des choses, notamment sur le temps qu'on passe avec nos proches, on apprécie beaucoup plus ces moments là.
Daniel : Oui, par exemple je rends visite à ma famille, ce que je n'aurai jamais fait avant !
Gianni : C'est vrai ! Moi je peux compter mes amis sur les doigts d'une main mais c'est quand même très difficile de tous les voir (rires). Donc quand on rentre à la maison, c'est un peu la course pour essayer de voir tout le monde avant de repartir sur la route.

On a donné tellement de concerts ces trois dernières années que j'ai parfois envie de faire une pause.

Votre vie est donc difficile avec l'enchaînement des concerts avec les mêmes chansons, les interviews, toujours aller d'un endroit à un autre sans ne jamais vraiment y rester et sans voir vos amis ?

Daniel : Chaque jour est différent mais oui il y a des hauts et des bas. Certains jours sont incroyables et d'autre sont juste pourris.
Gianni : Oui, il y a des jours où tu as juste envie de prendre le train suivant pour la prochaine destination. Et puis on a donné tellement de concerts ces trois dernières années que j'ai parfois envie de faire une pause. Mais on est évidemment chanceux de faire ce qu'on fait : ce qu'on veut faire.

Il y a un de vos concerts que vous avez détesté ?

Daniel : En général certains concerts sont moins bons à cause du son qu'on n'apprécie pas.
Gianni : Il y a eu ce festival à York, la scène était pourrie, j'ai terriblement mal joué... C'était atroce.

Vous aviez enregistré en 2013 un EP sur cassette, pourquoi avoir choisi un tel support ? Vous pensez que le disque est dépassé ?

Gianni : C'était surtout un choix du label, et puis Kris avait un enregistreur-cassette. Il faut dire aussi qu'on a essayé d'enregistrer avec des ordinateurs une fois mais ça a été un échec, ça ne nous convient pas. Le son n'est pas assez crade pour nous je pense.
Daniel : Oui, le disque va bientôt mourir. Je pense que les vinyles vont même reprendre le dessus.
Gianni : Pas tout de suite, mais à terme, oui. Je suis d'accord, si j'avais un appartement, j'aurai un lecteur de vinyle.

Vous envisagez de déménager un jour à Londres ?

Gianni : Non c'est trop cher. Vraiment, vraiment trop cher. C'est trop cher quoi (rires). Et puis c'est très saturé du point de vue de la musique, avec tous ces groupes. Mais je vais m'arrêter là, pour ne pas dire des choses que je regretterai. Et puis Brighton a toujours été l'unique.
Daniel : Love Brighton !

Vos plans pour le futur ?

Daniel : Écrire un nouvel album, enregistrer quelques démos avant...
Gianni : Je crois que ça va venir vite, l'année prochaine sûrement. Mais on a encore pas mal de concerts de programmés, soixante environ, donc on va essayer de ne pas devenir fous déjà. Prendre du temps pour nous reposer en décembre/janvier.
Daniel : Oui, et j'imagine qu'ensuite ce sera reparti pour la même chose, encore et encore : des concerts et ainsi de suite...
Gianni : Putain... (rires).

Une dernière question, pourriez-vous décrire votre genre, le « surf-doom » ?

Daniel : C'est Kris qui avait trouvé ça, j'imagine que le surf correspond bien à nos riffs de guitare et de basse, ça nous va assez bien. Et « doom », c'est pour le côté sombre... C'était une blague n'est-ce pas ? (rires) Parce qu'aujourd'hui, il y a tellement de noms de genres, chaque groupe a le sien. Donc on s'est juste dit pour rire qu'on allait faire pareil...
Gianni : Et nous voilà coincés là-dedans maintenant. Fait chier ! (rires)