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Wild Smiles

Interview publiée par Olivier Kalousdian le 28 octobre 2014

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Chris et Joe Peden sont assis à la terrasse de la Maroquinerie en cette mi-juin ensoleillée. Ils donnent leurs premières interviews importantes dans l'attente de la sortie de leur premier album, Always Tomorrow, le 27 octobre. Un album attendu après le très bon premier EP Take Me Away et son titre éponyme qui avait secoué la blogosphère, en 2013.

Balances réglées pour le set du soir, en ouverture des Little Barrie, Ben Cook est encore sur scène ; seul musicien sorti du rang dans ce trio issu du Hampshire, il se doit de régler au millimètre ses toms et cymbales pour mieux les maltraiter dans quelques heures. Avec leurs têtes d'adolescents et leur « no look » emprunté à Nirvana, on a du mal à faire le lien entre ces deux jeunes frères et le rock puissant qu'ils proposent, depuis peu. A la poursuite de talentueux aînés qu'ils adulent, Wild Smiles rouvrent les vannes d'un rock teinté d'instruments noisy baignant dans un champ d'énergie qui n'a rien à envier aux Ramones. Comment ces deux très jeunes Anglais à l'allure si débonnaire peuvent-ils manier les textes, les guitares rythmiques et les percussions à la serpe au point d'être comparés à des groupes légendaires et après une si courte carrière ? C'est ce qu'ils vont nous expliquer...

En 2013, vous avez sorti votre premier EP, Take Me Away. Comment s'est formé Wild Smiles ?

Chris : Cela a démarré avec mes premières démos, composées seul et mises en ligne sur Internet. Comme les réactions étaient plutôt bonnes de la part de la blogosphère, j'ai décidé de mettre sur pied un groupe live. Joe est mon petit frère et c'est vers lui que je me suis naturellement tourné en premier. Pendant un bon bout de temps, nous n'arrivions pas à trouver un batteur qui convienne à nos envies. Un jour, mon père marchait dans la rue et il est tombé sur ce professeur de batterie à qui il a demandé conseils. Ce dernier lui a recommandé un de ses élèves, Ben Cook, et c'est comme ça que nous avons trouvé notre batteur. Depuis, nous nous exerçons tous les jours, tous les trois.

Je crois savoir que tu évoluais plutôt du côté de la pop music avant de former Wild Smiles ?

Chris : Effectivement. Ben et moi avions déjà joué dans des groupes différents avant Wild Smiles.
Joe : Moi, c'était ma première expérience de groupe.

J'ai donc toujours eu en tête les guitares lead, peut-être plus lourdes aujourd'hui.

C'est donc à toi qu'on doit le virage rock and roll de ton frère ?

Joe : Oui, c'est toujours grâce à moi (rires).
Chris : Ce qui est vrai, c'est que j'ai toujours été fan de groupes comme Nirvana ; j'ai donc toujours eu en tête les guitares lead, peut-être plus lourdes aujourd'hui. Et je pense qu'elles seront de plus en plus lourdes, avec le temps...

On vous compare d'ailleurs souvent à des groupes comme The Vaccines ou The Jesus And Mary Chain. Cela vous ennuie ?

Chris : Pas du tout. Ce sont des groupes que nous adorons, donc nous prenons cela comme de beaux compliments. Si des gens pensent que nous avons leur son ou leur style, c'est une bonne chose.

Pourquoi vous êtes vous appelés, Wild Smiles ? Un nom qui pourrait sembler à l'opposé de votre musique...

Chris : Pour être honnête, cela vient d'une chanson d'un autre groupe. J'aimais la façon dont sonnaient les mots entre eux et le voir écrit.

Vous êtes encore très jeunes : Chris, tu as 23 ans, et toi Joe, tu es à peine majeur... Avez-vous grandi dans cet univers musical particulier ?

Joe : Absolument. Nous avons grandi en écoutant notre père jouer des reprises des groupes qu'il aimait.
Chris : Notre père est écossais et il était en admiration devant des groupes de notre pays comme les Jesus And Mary Chain. C'est un punk pur jus des années 70/80 ! Quand il était jeune, il jouait lui-même dans un groupe punk. Une des guitares qu'utilise Joe est celle de notre père.

Votre style musical navigue entre la surf music, le grunge ou encore le noisy rock. Quels sont les groupes qui vous ont touchés, en dehors de l'éducation musicale professée par votre père ?

Chris : J'ai écouté tous les styles qui mettent en avant les guitares ! Du heavy death metal, du math-rock et même du folk, dans une moindre mesure...
Joe : Pour ma part, j'étais très porté sur les groupes punk pop dans ma jeunesse. Cela me donne des bases mélodiques dans mon sens énergique de la musique.
Chris : Mais, il est important de dire que nous aimons beaucoup les Beatles ou les Beach Boys, également. Les classic bands nous inspirent aussi pas mal. On assimile la simplicité de certains titres de ces groupes et ensuite, nous les accélérons et les alourdissons.


Où avez-vous appris à jouer de la musique ?

Joe : Nous sommes autodidactes sur ce point. J'ai passé des jours entiers à essayer de trouver et de rejouer les accords principaux avant de me lancer. Notre truc, c'est plutôt la rythmique que les longs solos...
Chris : Seul Ben a eu l'occasion de prendre des cours de solfège et de batterie. Il est plus théorie et nous deux, nous sommes plutôt instinctifs !

Always Tomorrow, votre premier album, sort en cette fin de mois d'octobre. Pourquoi ce titre ?

Chris : Je pense que l'humeur de l'album est bien résumée dans ce titre. Pas qu'il soit dépressif, mais il renferme une part de colère. Une colère qui regarde tout de même du bon coté des choses et vers un futur meilleur. Cela fait un peu cliché, mais c'est ce que je ressentais lors de l'écriture de l'album.

Combien de temps vous a pris l'écriture d'Always Tomorrow ?

Joe : Plus ou moins trois mois.
Chris : En fait, c'est l'enregistrement qui nous a le plus mobilisés. Nous avons enregistré tous les titres deux ou trois fois dans différentes versions avant de trouver les bonnes. Certaines sont vraiment identiques à celles jouées live et sur d'autres, c'est Ben qui posait ses rythmes et Joe et moi trouvions ensuite nos rythmiques. Comme nous avons procédé en home studio, nous avions la possibilité de faire autant d'enregistrements que nous le désirions. Un album entièrement enregistré dans notre cuisine (rires) !

Tu écris d'abord les textes ou est-ce la musique qui te vient en premier ?

Chris : Parfois, je trouve des mélodies que j'enregistre dans mon iPad et ensuite, je travaille cela à la maison. Et puis, j'essaie de trouver des tournures de textes que je colle à ces mélodies. Parfois, c'est l'inverse. Comme j'écris tous les textes, j'ai plus de facilités avec une mélodie à calculer combien de syllabes il va me falloir pour coller à la musique.

C'est donc un album que vous avez produit vous-même ?

Chris : Exact.

Et comment s'est passée la rencontre avec votre label ?

Chris : C'est grâce à notre manager. Il connaît Ben, du label Sunday Best Recordings, depuis longtemps et il lui a envoyé nos titres, qu'il a immédiatement adorés. Avec sa collègue, Sarah, ils sont venus nous voir chez nous et le deal s'est fait ce jour là. À partir du moment où Ben a reçu nos titres, cela a pris à peine deux semaines pour signer sur son label. Cela s'est donc fait très rapidement.

Le label Sunday Best Recordings était plus connu pour son catalogue électronique jusque-là, cela ne vous inquiète pas ?

Chris : Non. En fait, nous sommes contents qu'ils n'aient jamais sorti de groupes à guitares avant nous, car cela nous met sur le même pied d'égalité. Nous sommes nouveaux pour eux et ils sont nouveaux dans ce créneau. Plutôt que de nous tourner vers un label qui a l'habitude de groupes comme nous, cela nous donne à tous une vision vierge et un terrain à défricher ensemble. Et puis, leur grand enthousiasme a contrebalancé tous les doutes que nous aurions pu avoir.

Tout le monde reconnaîtra l'inspiration des Jesus And Mary Chain (Just Like Honey) dans un titre comme, Everyone's The Same, notamment dans l'introduction des percussions. Est-ce un hommage que vous leur rendez là ?

Chris : Impossible de renier l'inspiration (rires) ! Nous sommes fans de ce disque des Jesus And Mary Chain et nous voulions vraiment utiliser ce beat de batterie qui s'inspire d'un de leurs titres. Peu importe les remarques.

Je sais que nos influences sont évidentes dans ce disque, mais ce sont les groupes que nous aimons et nous ne nous en cachons pas.

En fait, tous les titres d'Always Tomorrow semblent rendre hommage à un groupe majeur différent. Nirvana, Jesus And Mary Chain, les Ramones...

Chris : Je te rassure, nous pensons la même chose (rires). Je sais que nos influences sont évidentes dans ce disque, mais ce sont les groupes que nous aimons et nous ne nous en cachons pas. Disons que c'est notre vision de leurs styles musicaux...

Avez-vous été impliqués dans la création de l'artwork de l'album Always Tomorrow ?

Chris : Connais-tu Steve Gullick ? Il est à l'origine de nombreuses photos du groupe Nirvana et il est devenu un de nos amis. Un jour, je lui ai envoyé un mail et la démo de l'album en lui disant tout le bien que je pensais de son travail. Depuis, il fait toutes les photos de notre groupe. On reconnaît son style entre mille et la photo de la pochette de l'album résume très bien notre travail. Nous sommes en train de produire notre prochain vidéo clip, pour Gilrfriend, avec Steve. Il sortira très bientôt.


Vous jouez à Paris, à la Maroquinerie ce soir, en ouverture des Little Barrie. Est-ce votre première fois ici ?

Chris : Nous sommes déjà venus jouer ici l'année dernière et nous avions également joué au Silencio.

Pour vous, qu'est-ce que la musique rock aujourd'hui ?

Chris : Je crois que beaucoup de groupes sont trop polis et lissés de nos jours. Les Américains s'en tirent mieux que les Anglais en ce moment. Un groupe de rock doit jouer live, même en studio comme il sait le faire et sans se demander comment articuler au mieux le son ou les mélodies pour plaire à un public plus large. Je crois que l'écriture compte beaucoup également. Même en deux minutes et sur un rythme très énervé, les textes sont cruciaux dans le rock. Les bons sont ceux qui n'ont pas honte d'un couplet et d'un refrain simplistes, mais expéditifs. Les Ramones sont parmi les maîtres du genre. On n'essaie pas d'être Flash, mais nous sommes des partisans d'un in et un out, bien sentis.

Vous êtes de la génération Internet. Cela se marie-t-il avec l'esprit rock ?

Chris : En tout cas, cela nous a beaucoup aidés au départ. Tous les jours, des blogs ou des webzines parlent de nous et nous demandent des interviews. Sans Internet, nous ne serions sûrement pas à Paris ce soir.
Joe : Il y a autant de positif que de négatif dans Internet. Bien sûr, Internet permet d'être écouté tout autour du monde instantanément, mais il y a aussi le problème des ventes de disques qui sont mauvaises, peut-être à cause du téléchargement illégal.
Chris : Je n'achète pas de disques moi-même. Je me sens donc impliqué dans ce problème et je ne peux pas en vouloir aux autres de faire comme moi. L'important, pour moi étant que les gens viennent nous voir sur scène. Pour tous les nouveaux groupes, je pense que c'est tout de même une bonne époque car certains n'auront même pas besoin d'avoir un label pour exister et être entendus. Cependant, Internet a une face sombre : si tu ne travailles pas tous les jours à des remises à jour ou du travail de réseautage, les gens pensent que tu es mort et que tu n'existes plus ! De plus, plus possible d'être un artiste discret avec ce média ; tout le monde sait ce que tu fais, où tu le fais et quand tu le fais. Un artiste comme David Bowie a eu un succès monstre en partie à cause du mystère qui entourait son personnage... A contrario, je suis très content de voir que de plus en plus de vinyles se vendent de part le monde. Les vinyles sont des objets merveilleux pour tout le travail artistique et graphie d'un album.