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New Build

Interview publiée par Sarah Pitet le 28 novembre 2014

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Le festival How To Love se met en place calmement lorsque j’arrive au Petit Bain pour poser quelques questions à Al Doyle, actuel chanteur de New Build, membre de Hot Chip et ancien guitariste de LCD Soundsystem. C’est dans la loge du français Judah Warsky, parti faire ses balances, que notre tête à tête a lieu. Tandis que les murs du bateau vibrent sous le son des basses de ce dernier, Al, bavard et enthousiaste, m’explique ce que représente pour lui New Build, groupe fondé il y a quatre ans avec son ami Felix Martin.

Pour commencer, comment t’es venue l’idée de créer New Build en 2010 après avoir joué avec LCD Soundsystem et Hot Chip ?

Après LCD Soundsystem il y a eu une période où nous ne faisions pas grand chose avec Hot Chip. Avec Felix, nous jouions déjà de la musique ensemble depuis longtemps, alors que je n’étais même pas encore dans Hot Chip. Nous avons toujours joué tout les deux, on avait un studio ensemble. On a donc pris la décision de faire quelque chose de plus formel et officiel. Notre ami Tom Hopkins, qui était souvent au studio et qui avait déjà travaillé sur quelques chansons de Hot Chip, s’est ensuite mis à jouer avec nous. On a commencé à faire de la musique tout les trois et on a sorti notre premier album, Yesterday Was Lived And Lost, que nous avons produit nous-même. Je pense que dans Hot Chip il y avait toujours trop de différents projets qui voyaient le jour à droite à gauche et c’est un peu pour sortir de cela que nous avons créé New Build avec Felix. J’avais d’ailleurs déjà écrit quelques chansons pour LCD Soundsystem mais c’est toujours plus plaisant d’avoir son propre projet.

Pourquoi avoir appelé votre nouvel album Pour It On ?

C’est une référence à la dernière chanson de l’album qui s’appelle ainsi. Celle-ci parle de la vie que tu mènes quand tu vis en Angleterre de nos jours. C’est cette idée de responsabilités et de pression de la vie. Quand nous l’avons finie, nous savions déjà qu’elle clôturerait l’album. On peut dire qu’elle en est un peu la clef de voûte et c’est ce que nous voulions montrer en la mettant à la fin.

Je pense que notre premier album était celui d’un groupe qui se cherche.

Est-ce que tu considères cet album comme une suite au premier ou comme un projet complètement différent ?

Je pense que notre premier album était celui d’un groupe qui se cherche. À cette époque, on essayait de comprendre ce que nous voulions être. Certaines chansons étaient simplement composées d’une basse, d’une guitare et d’une batterie, d’autres étaient un peu plus éléctro. Une fois qu’on a commencé à les jouer en live on s’est rendu compte que les sons éléctro marchaient davantage sur le public, c’est pourquoi on a décidé de rester dans cette veine pour notre second album, de faire quelque chose de plus sombre. Cela restait quand même des chansons avec couplets et refrains suivant une structure assez pop, certes, mais ça a commencé à être un peu plus bizarre et sombre.

Les sonorités de votre nouvel album ne me semblent pourtant pas spécialement sombres. Au contraire, j’ai l’impression que le précédent l’était davantage...

Vraiment ? C’est intéressant. Peut-être que seules les paroles le sont alors (rires).

La voix se fait de plus en plus rare dans la musique éléctronique, mais pas dans la votre, au contraire. Est-ce quelque chose auquel vous êtes attachés ?

Oui, bien sûr. J’ai toujours écrit des paroles pour mes chansons. Cependant, nous pensons de plus en plus à ne nous reposer que sur une seule phrase répétée tout au long de la chanson pour nos prochaines compositions. Nous l’avions déjà fait pour The Sunlight. On en a une seconde comme cela qui ne figure pas sur l’album mais qui sera sur la version vinyle. J’ai commencé à écrire ce genre de titres car il m’arrive souvent de composer sans vraiment réfléchir, ce qui donne un enchaînement de pleins de phrases qui n’ont aucun lien entre elles. C’est pour cette raison que, quand j’écris des paroles, je tente vraiment d’y créer pleins de liens étranges. J’aime bien l’aspect technique de cet exercice et la liberté qu’on a de jouer avec les mots. Felix a travaillé l’anglais à l’université et nous lisons tout les deux beaucoup, ce qui est une source d’inspiration quand nous écrivons.


Quels sont les auteurs qui ont pu t’inspirer ?

Pour cet album je lisais beaucoup John Berger, qui est aussi un poète. Il y a d’ailleurs une chanson de l’album intitulée Your Arrival qui a été très inspirée d’un de ses poèmes. Je lisais aussi un peu de Doris Lessing, Toni Morrison ou encore J.A. Baker qui a écrit sur la campagne anglaise.

As-tu lu quelques auteurs français ?

Oui, mais traduits en anglais. J’ai lu Georges Perec il y a quelques temps, Agnès Desarthe également, une écrivain moderne qui a écrit quelques romans que j’ai vraiment appréciés mais dont je n’arrive pas à retrouver le nom. J’aimerais maintenant pouvoir les lire en français !

Es-tu l’auteur de la peinture qui figure sur la pochette de votre album ?

Non, c’est le frère de Felix ! Il vit à Nantes depuis dix ans et peint avec sa compagne. Ce sont des artistes géniaux. Il fait beaucoup de céramique et du sculptures. Ses œuvres sont assez fascinantes car elles sont très abstraites tout en suggérant beaucoup de choses comme des paysages. Est-ce que tu visualises ces peintures chinoises qui ont une perspective très plate ? C’est à peu près pareil, pour moi en tout cas. C’est pour cela que l’on a choisi de faire d’une de ses œuvres la pochette de notre album. Le père de Felix est également un très bon artiste qui a d’ailleurs réalisé quelques artworks pour certains de nos singles. C’est un truc de famille !

Tu as joué dans LCD Soundsystem, puis dans Hot Chip avec Felix avant de sortir le premier album de New Build il y a tout juste deux ans et tu fais désormais la promotion du second. Aurais-tu besoin d’être en constante création ?

Oui, on n'arrête jamais vraiment ! Ce qu’il se passe est que lorsqu’un album est terminé il reste toujours quelques chansons laissées de coté mais qui seront certainement présentes sur le prochain. Je pense que c’est le cas de la plupart des musiciens. Peut-être que certains ont besoin de partir s’isoler pendant deux semaines pour écrire et enregistrer mais pour nous c’est plus un processus continu. On s’est remis à composer très vite après la sortie de notre premier album et nous avions déjà cinq ou six chansons de prêtes pour la suite ! La rapidité n’est cependant pas une raison pour oublié la qualité ! (rires)

J’ai vu que vous aviez créé votre propre label...

En quelque sorte oui ! Personne ne voulait produire notre premier album donc on l’a fait nous-même ! (rires) On pensait que ça allait être simple mais ça ne l’a pas été du tout en fait. Je pense que pour cela il faut être bon dans tout ce qui est d’assurer sa propre promotion et qu’il faut être très confiant. Je ne suis pas très bon pour cela comme certains artistes qui font ça très bien tout seuls, qui contrôlent tout et passent beaucoup de temps sur les réseaux sociaux pour assurer leur promotion et leur communication, par exemple. Je n’ai personnellement jamais été très investi là-dedans et je pense que j’ai été assez chanceux de ce côté car avec LCD Soundsystem et Hot Chip nous n’avons jamais eu à nous occuper de ce genre de choses.

Ce que nous jouons n’est pas nécessairement ce que nous avons envie d’écouter quand nous rentrons chez nous.

Es-tu intéressé depuis longtemps par la musique électronique ou est-ce quelque chose que as découvert et apprécié peu à peu ?

Je joue de la musique depuis que j’ai quatre ans, j’étais violoncelliste et j’ai donc commencé par le classique. Mon père écoutait pas mal de musique américaine telle que The Velvet Underground et Neil Young mais également du reggae et du dub, qui utilisaient déjà des instruments électroniques. Quand je suis entré à l’université,je me suis mis à écouter toute la musique qui ressortissait de la culture rave des années 80. Felix m’a également fait découvrir pas mal d’artistes comme Aphex Twin, par exemple, et on a fini par écouter plein de choses différentes. Maintenant nous sommes des sortes de DJs, nous jouons pas mal de techno et de house tout en essayant d’écouter le plus de choses que nous pouvons. Ce que nous jouons n’est pas nécessairement ce que nous avons envie d’écouter quand nous rentrons chez nous. Parfois nous jouons à trois heures du matin en tant que DJs et ce n’est pas le genre de musique que tu as envie de jouer quand tu rentres à la maison après, c’est pour cela qu’il faut vraiment garder ses oreilles ouvertes à autre chose. Je pense cependant que la plupart des gens de nos jours écoutent beaucoup d'artistes différents.

Certaines chansons de votre album telles que Pour It On, Different Kind et The Sunlight sont plutôt longues. On dirait que vous aviez davantage envie de créer une atmosphère...

J’aime bien les chansons qui établissent une atmosphère, qui permettent de s’imaginer à un endroit précis. J’aime aussi l’idée d’avoir des chansons qui n’ont pas de structure précise, ce qui était le cas pour Hot Chip (rires). Quand on ne jouait pas correctement, il fallait que nous réapprenions bien les accords... Au contraire, quand je jouais avec LCD Soundsystem, c’était différent, on jouait deux ou trois mêmes accords pendant une dizaine de minutes (rires). J’aime bien cela aussi, ce sont des ambiances différentes. All My Friends, qui est une célèbre chanson de LCD Soundsystem, par exemple, n’a que deux accords mais j’apprécie la façon dont la chanson s’étend et se prolonge. Je trouve ça assez intéressant car ça paraît être la chose la plus simple du monde de faire une chanson comme cela mais c’est en fait assez compliqué de trouver un moyen pour qu’elle ne soit pas ennuyante et qu’elle ne sonne pas comme un simple jam.

La plupart des chansons de votre album, telles que Different Kind, Luminous Freedom et Your Arrival sont très dansantes. Est-ce ce que tu attends de ton public ?

Oui ! Quand on joue en live c’est très différent, j’ai envie que notre musique soit vraiment énergétique, sonore et rythmique. Je pense que le live est assez différent de l’album. Notre batteuse, Joy, est vraiment géniale car elle est aussi une très bonne chanteuse et rajoute justement beaucoup de choses en live pour qu’on reste dans cette veine énergétique dont je te parle. Pour notre premier album, nous étions sept sur scène lors des concerts, ce que nous ne pouvons plus nous offrir (rires). Désormais nous sommes trois et ca me convient également car nous étions tellement que je ne jouais même plus de guitare sur scène, ce qui a commencé à me manquer, je me sentais mis à nu et embarrassé. Maintenant que j'ai ma guitare à nouveau, je me sen mieux et j’en suis très content ! (rires)


Est- ce que tu te souviens du premier album que tu as acheté ?

Oui, je crois que c’était un album de Neil Young quand il jouait avec Pearl Jam, Mirror Ball. Au même moment, j’ai acheté le premier album des Foo Fighters, en 1995. J’étais un grand fan de Nirvana à cette époque. Les Foo Fighters étaient proches d’un autre groupe américain, Built to Spill, qui était plus avant-gardiste, plus garage et plus punk, et que j’appréciais vraiment beaucoup. Je me rappelle qu’il y avait un violoncelliste dans le groupe, ce que je trouvais très emballant car je l’étais moi-même, je me disais que je pouvais alors être rock and roll aussi ! (rires) Ça fait longtemps que je n’avais pas pensé à cette époque, j’étais plutôt rock, j’avais les cheveux longs.

Après avoir joué plusieurs fois en France, hier à La Péniche de Lille par exemple, que penses-tu du public français ?

Eh bien qu’il aime écouter de la musique sur des bateaux ! (rires) Je ne pense pas que l’on soit très connu en France, peu de gens viennent nous voir. Hier à Lille il devait y avoir trente ou quarante personnes seulement, mais ça avait l’air de leur plaire ! Je suis quand même très heureux de jouer à Paris deux fois dans la même semaine, car nous avons joué mardi au club de David Lynch, le Silencio. C’était marrant car c’est un endroit assez étrange, c’est sombre et profond, il y a des miroirs partout, on s’y sent vraiment désorienté.

Il semble en tout cas que vous preniez l’habitude de jouer sur des bateaux !

Oui, en effet ! (rires) Avec Hot Chip on avait déjà joué sur un bateau il y a environ trois ans. C’était à Coachella, ils avaient loué un bateau de croisière appelé le Coachella Cruise et c’était assez incroyable à vrai dire car nous naviguions dans les Caraïbes, nous sommes passés par Miami, les Bahamas, la Jamaïque... C’est notre troisième ou quatrième concert sur un bateau. Nous devrions maintenant penser à acheter notre propre embarcation !