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Kitty, Daisy & Lewis

Interview publiée par Sam le 5 février 2015

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Kitty Daisy & Lewis, c’est un peu l’histoire de trois frères et sœurs qui se mettent à taper sur des pots à l’heure d’arborer leurs premières couches-culottes, tout ça sous le regard bienveillant des paternels. Depuis, les petits ont fait du chemin, allant jusqu’à sortir leur troisième album... toujours accompagnés par papa-maman (et Mick Jones aussi) !
Nous voilà donc partis écouter ce qu’ils ont à nous raconter, dans le salon de leur hôtel du 9ème arrondissement de Paris. Il est tard, et je crois qu’ils ne vont pas tarder à aller au lit. Une fratrie à Paris, c’est pour vous, et c’est en-dessous !

Vous êtes frères et sœurs, si bien qu'on vous considère souvent comme une seule et même entité familiale. Aujourd'hui, j'aimerais que vous me parliez de vous individuellement, de vos parcours singuliers, intérêts personnels (autres que la musique bien entendu)...

Daisy : Personnellement, j'adore travailler le cuir, jouer à la tailleuse. J'apprécie beaucoup le style « western », et c'est moi qui ai conçu cette ceinture (ndlr : celle qu'elle portait sur elle à ce moment-là) ! J'ai aussi essayé d'en vendre au merchandising, mais il faut croire que peu de gens étaient disposés à les acheter (rires). Ça et puis sortir.

Quand on grandit ensemble, on fréquente souvent le même établissement scolaire, lieu d'initiation à la vie en société. A l'école, comment conciliez-vous vos tempéraments distincts ? Et lors du retour à la maison, comment ça se passait ?

Daisy : Oui on allait à la même école. Cela dit, je ne pense pas que ce soit là-bas que j'ai appris à me sociabiliser... C'est plutôt venu avec les sorties. Quand on était petits, nos parents nous emmenaient souvent avec eux jouer au pub. C'est comme ça qu'on s'est forgé.
Lewis : Ce n'est pas tellement qu'ils nous emmenaient avec eux : on choisissait de les suivre. Et ils étaient d'accord...

Vos instrumentations se veulent variées, comment qualifieriez-vous les apports de chacun, qui se montre plus sensible à quoi ?

Daisy : Je dirais qu'on se relaie à notre façon. Par exemple, nous jouons tous de la batterie mais de manière très différente. Lewis aura un touché plus jazzy alors que je suis plus simple et brutale avec cet instrument.
Lewis : Aussi, nous écrivons tous. On réunit nos chansons, et c'est surtout là que les personnalités se révèlent.
Kitty : C'est vrai que c'est à ce moment là que ça joue : quand tu écris une chanson, c'est là que les idées d'accompagnement te viennent. Telle phrase que j'écris va donner envie à Daisy d'y rajouter un peu de piano. Toutes nos chansons sont faites de ces mélanges.

Vous aimez le vin ?

Tous : Oui !
Daisy : Pourquoi le vin ? (rires)

Je ne suis pas d'accord avec la doctrine du « plus c'est vieux, meilleur c'est ».

Tout simplement parce qu'il est ainsi fait qu'une bonne bouteille devient meilleure avec l'âge. Votre musique puise délibérément toute sa substance dans l'ancien. Pensez-vous que re-goûter au rockab' après tout ce temps soit aussi jouissif qu'un bon millésimé ?

Daisy : A vrai dire, je ne suis pas d'accord avec la doctrine du « plus c'est vieux, meilleur c'est ». On écoute plein de genres différents, pas seulement de l'ancien. On essaie vraiment de calquer notre musique sur la vie en général.

Vous ne pouvez pas non plus nier que votre son actuel reste encore pleinement coincé dans cette veine. Et ce malgré le fait que d'autres s'y soient auparavant aventurés, y laissant parfois des dents. Je pense aux Stray Cats il y a trente ans. On a tourné leur anachronisme en ridicule alors qu'ils étaient plus contemporains du swing que vous. Quel est votre secret vous éviter de choir dans le « kitsch » qui a décimé tous les néo rockab' depuis le Gun Club ?

Kitty : je ne pense pas que nous ayons jamais rien fait de comparable à l'œuvre des Stray Cats. Ce sont deux styles complètement différents que les nôtres. Et puis je trouve qu'ils convenaient parfaitement à leur temps. Ce qu'ils jouaient était tout de même très novateur.

Je peux vous rejoindre volontiers cette position à propos d'autres groupes plus précurseurs pour l'époque, comme les Cramps ou le Gun Club. Mais les Stray Cats ne se sont jamais vraiment démarqués de qui que ce soit, sur leurs premiers opus tout du moins. Exactement comme les reprises de blues aux grands débuts de la British Invasion, une phase de copie diminuée qualitativement... C'est mon point de vue en tout cas.

Lewis : Pour moi, le rockabilly, c'est un emsemble de types comme Carl Perkins, Sonny Burgess... Pas les Stray Cats. Et je pense qu'ils auraient été aussi agacés que nous d'être catégorisés ainsi. Chacun a son style, et toute cette réputation n'est due qu'à une association du look au genre.

C'est pourtant tout l'inverse qui s'est produit. Brian Setzer était musicien new wave, puis a changé d'image, la réadaptant à ses véritables influences, celles qu'il a voulu remettre au goût du jour à l'heure de la domination « post-punk/new-wave ». Au moins, ils assumaient l'étiquette qu'ils s'étaient eux-mêmes collée. Pourquoi ne pas faire de même avec votre côté oldie ?

Lewis : Disons qu'on essaie d'assembler un peu tout ce qui nous a baigné depuis petits : reggae, ska, be-bop, blues, soul, funk... Aussi, on ne touche pas à tout ce qui est synthés ou boîtes à rythme, ce qui peut faire passer notre son pour plus daté qu'il n'y paraît. Parce qu'on pourrait aussi parler des musiciens électro comme des nostalgiques des 70s...


Quelle intention se cache derrière vos morceaux ? Qu'essayez-vous de susciter chez votre auditeur ?

Lewis : Je dirais qu'on se contente d'écrire des chansons, le plus simplement possible, comme on a toujours appris à le faire : on s'assoit et on joue. On ne cherche à rentrer dans aucune case...

Sans vous parler de genre, quelles émotions souhaitez vous retransmettre par votre musique ?

Daisy : Les mêmes que celles qu'on éprouve en jouant. Nos morceaux sont divers, et nous aurions du mal à définir pleinement ce qu'on en attend. On se contente de les vivre, et il nous serait bien difficile d'envisager les sentiments d'autrui à leur écoute. On espère quand même que les gens y prennent autant de plaisir que nous.

Faire danser ou réfléchir ?

Lewis : Les deux pour moi !
Daisy : On n'attend rien de notre public. Libre à lui de prendre la chose comme il le souhaite du moment qu'il s'y retrouve d'une façon ou d'une autre, que ce soit au niveau du groove, de la mélodie, des paroles...
Kitty : Je pense que ce qui fait un bon album, c'est la balance entre le fun véhiculé par certains morceaux et le côté plus sombre, plus triste d'autres. On aime ce melting pot.
Lewis : On essaie vraiment de se donner à fond dans nos chansons. Et c'est vraiment cette vibration que, personnellement, j'espère faire ressentir au public.

Nos parents font partie du groupe ! Ils nous accompagnent partout, sur scène comme en studio.

En général, les jeunes cherchent à s'émanciper de l'influence parentale. C'est une sorte de rébellion créatrice, qui apporte beaucoup à toutes les composantes artistiques de part une certaine affirmation subjective. Les votre vous accompagnent sur scène ! Faut-il vous tenir la main ?

Daisy : Nos parents font partie du groupe ! Ils nous accompagnent partout, sur scène comme en studio.
Kitty : On a toujours procédé ainsi. Avant de former le groupe, on se réunissait tous les cinq : depuis l'enfance, on joue comme ça, ensemble, pour s'amuser.
Lewis : Je pense que s'ils nous y avaient forcé, nous ne serions jamais venus à la musique. Ils ne nous ont jamais obligé à rien, on a juste perçu tout le ludique de la discipline dès le départ. Et si un jour on ne voulait pas jouer, eh bien ça en restait là...

Et justement, quels étaient les premiers artistes à vous être tombés sous la main à cette époque ?

Daisy : Notre père ! Le premier musicien qu'on n'ait jamais entendu. Il nous jouait des morceaux qu'il interprétait déjà avec sa famille. Pas spécialement pour nous, mais le fait est qu'il y avait de la musique à la maison, et qu'on en profitait !

Et vos premiers instruments, vous qui touchez un peu à tout ?

Kitty : J'ai commencé par la batterie et le banjo ! J'ai de petites mains, alors la guitare s'annonçait un peu compliquée pour moi. Et puis comme on avait des bongos à la maison, j'ai vite souhaité m'orienter vers un kit complet.
Lewis : Moi c'était le banjo, et aussi le piano.
Daisy : Je ne dirais pas que j'ai débuté par quelque chose, vu que même quand je joue du piano, j'adopte un style assez rythmique. J'ai beaucoup tapé sur des bongos, je ne sais pas pourquoi, j'ai toujours eu l'image d'un petit singe à la vue de cet instrument. Disons que j'ai toujours eu un gros attrait pour le rythme.

Comment avez-vous rencontré Mick Jones, ancien guitariste des Clash et votre producteur actuel ? L'avez-vous démarché, vous a-t-il repéré, ou vous connaissiez vous mutuellement avant l'enregistrement ?

Daisy : On le connaissait, on avait déjà joué ensemble auparavant. Un jour, on s'est dit qu'il serait sans doute plus judicieux de trouver un producteur, et nous avons directement pensé à lui. Il était fait pour le job : très cool et pas rigoriste pour un sou dans sa façon de faire. Enregistrer avec lui, c'était comme jammer autour d'un verre avec un ami.


La sortie d'un album et la fin d'une tournée c'est aussi un moment essentiel pour se ressourcer avant le prochain essai. Qu'envisagez-vous pour retrouver l'inspiration après tout ce tumulte ?

Kitty : Toute les chansons que j'ai écrites pour cet album, je les accumulées au fil du temps. Jamais on ne se concerte pour se dire : « Maintenant, il faut avancer, au boulot ! ». On se contente de vivre et d'essayer de capter le moment.
Daisy : Puis on rassemble le tout pour concrétiser l'album. Somme toute, nous sommes assez fainéants. (rires)

On connaît tous le train-train post-sortie : tournées, visites promo comme aujourd'hui... Le milieu du rock implique un mode de vie aux antipodes de la vie familiale qui vous a vu grandir. Comment vivez-vous la chose ? D'un certain côté, vous avez moins à concilier, non ?

Daisy : C'est vrai qu'on reste très solidaires...
Kitty : Pour autant, il ne nous est jamais arrivé de nous retrouver dans un bus de tournée avec d'autres personnes que les membres de notre famille. Ce mode de vie, nous y sommes habitués. Mais je suppose que si j'avais eu à tourner avec des amis, ç'aurait aussi été très sympathique.
Lewis : Et puis on a aussi le staff, ça nous fait voir un peu de monde.

Vos enfants seraient-ils susceptibles de jouer dans le groupe ?

Daisy : Ça, c'est à eux de voir !


Pour rappel, les Durham seront en concert le 19 février à la Maroquinerie de Paris. D'ici là, on leur souhaite de bien dormir, pour nous revenir en forme.