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The Charlatans

Interview publiée par Emmanuel Stranadica le 4 avril 2015

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C'est toujours un plaisir de retrouver de Tim Burgess. Malgré une longue carrière derrière lui maintenant, le leader de The Charlatans est resté une personne simple, ouverte et surtout très agréable à rencontrer. Après s'être concentré sur sa carrière solo ces dernières années, le Mancunien est de retour avec un nouvel album avec son groupe. Nous avons pu le croiser lors d'un passage à Paris. Celui-ci nous a parlé avec beaucoup d'émotion de l'enregistrement de leur dernier album, Modern Nature, sans John Collins, batteur du groupe décédé fin 2013. Retour sur cette rencontre.

Quand avez-vous décidé d'enregistrer un nouvel album des Charlatans ?

Nous avons essayé de composer un nouvel album depuis pas mal de temps déjà. John, notre batteur était malade depuis 2010. Il est décédé en 2013. Nous tenions à écrire un album qui l'impliquait, mais ce n'était pas très facile. Nous avons cependant pu faire de petites choses ensemble. L'enregistrement du disque a vraiment commencé fin 2013 juste après les funérailles de John, et le concert que nous avons donné en son honneur. C'était vraiment une célébration et surtout pas quelque chose de triste. Nous avons décidé d'entrer en studio à ce moment-là. Tu sais, nous avons eu le temps d'avoir pas mal d'idées pour ce disque, chacun de notre côté entre 2010 et 2014. Nous voulions tous réussir un disque qui nous rendrait heureux, dont on serait fier. Keep Enough a été la première chanson de l'album que nous avons composée. Nous l'avons écrite au tout début de l'année 2014, le 4 janvier très exactement. Puis dans la foulée nous avons enregistré Talking Tones, So Oh, In The Tall Grass très rapidement et le résultat nous a enthousiasmé. Nous sommes restés trois mois en studio, mais en fait si nous y avons consacré tant de temps, c'est simplement parce que le temps passant les morceaux sonnaient de mieux en mieux.

Il faut avancer dans la peine, sinon on ne vit malheureusement plus.

Le décès de John a forcément été un choc pour toi et l'ensemble du groupe. Comment avez-vous trouvé la force de composer et d'enregistrer cet album après son départ ?

Nous avons connu pas mal de moments difficiles par le passé. On a déjà dû affronter le décès de Rob Collins en 1996. Aussi je voulais que John soit fier de nous, qu'il puisse se dire que ses amis parviennent à continuer sans lui tout en conservant sa formidable image en eux. De toute façon, nous n'avons pas vraiment le choix. Il faut avancer dans la peine, sinon on ne vit malheureusement plus. La vie est remplie d'épreuves. Ceux qui restent doivent les traverser et continuer.

Comment était l'ambiance en studio ?

Elle était vraiment très bonne, très intime. Nous voulions enregistrer un album avec un concept totalement différent de ce que nous avions pu produire par le passé. Ce qui à mon sens est une superbe idée car cela casse les habitudes et il fallait vraiment le faire de par l'absence de John. Ce disque devait être rempli de soleil, être lumineux. Il était hors de question de sombrer dans les ténèbres. Comme c'était le début de l'année, il faisait plutôt froid mais c'était très ensoleillé et les rayons pénétraient dans le studio et nous apportaient une énergie folle. Et je pense que le fait d'avoir été éloignés pendant aussi longtemps et de se retrouver après cette terrible épreuve dans ces conditions a été quelque chose de magnifique et de bénéfique pour tout le groupe.

Comment avez-vous procédé pour recruter un nouveau batteur ?

C'est John qui l'a choisi en fait. Nous avons eu une centaine de contacts en vue de son remplacement. Peter Salisbury qui a officié dans The Verve a finalement été retenu. Mais ce disque a été un travail encore plus collectif que d'habitude surtout en ce qui concerne la batterie. Mark Collins, notre guitariste, joue sur un morceau, Gabriel Gurnsey de Factory Floor en joue sur plusieurs, Stephen Morris de New Order contribue à une des compositions de l'album également. Ce fut un vrai bonheur de pouvoir collaborer avec eux.


Est-ce facile pour toi de repasser de ta carrière solo dans laquelle tu as été très impliqué ces dernières années à celle de The Charlatans?

Oui, c'est facile. J'adore vraiment ma carrière solo et je suis très heureux avec. C'est pourquoi le disque de The Charlatans se devrait d'être bon. Il devrait être conforme à ces idées qui se trouvaient dans ma tête.

Talking in tones, le premier single de l'album, est très mélancolique. C'était important pour toi de sortir cette chanson en tant que premier extrait du disque ?

Je tenais absolument à ce que cette chanson débute l'album. Pas mal de personnes voulaient qu'on le sorte en single. J'aurai préféré que ce soit Come Home Baby à la place. Mais c'est ainsi. D'ailleurs Talking In Tones n'a pas été un grand hit. Au final cette chanson est assez pensive, mais s'avère optimiste. Je ne sais pas si elle représente vraiment l'album mais je l'aime beaucoup pour de nombreuses raisons.

Les trois premiers morceaux de Modern Nature (Talking In Tones, So Oh et Come Home Baby) sont tous sortis en singles. Comptez-vous sortir les onze chansons de l'album en singles?

(Rires) Oh non! Nous allons en sortir un quatrième mais nous ne devrions pas aller plus loin.

Peut-on savoir quel sera le titre choisi ?

Bien sûr. Ce sera Let The Times Be Never Ending.

Est-ce que certains titres sont suffisamment bons pour être sur le disque ?

Sur l'édition Deluxe de l'album, on trouve Walk With Me, la dernière chanson enregistrée avec John Collins. Pourquoi ne figure-t-elle pas sur l'édition simple de l'album?

Elle aurait pu figurer dessus, mais la chanson ne collait pas assez avec les autres compositions de Modern Nature, à mon sens. C'est toujours le même problème lorsque plus d'une dizaine de chansons sont enregistrées pour un album. Quels sont les morceaux qui doivent figurer sur l'album et quels sont ceux qui ne doivent pas y figurer ? Est-ce que certains titres sont suffisamment bons pour être sur le disque ? Est-ce que cette chanson est cohérente avec l'ensemble de l'album ? Toutes ces questions se posent très régulièrement. En définitive Walk With Me figure bien sur l'album, même si elle est un peu en annexe. Cette chanson ne collait pas vraiment avec les autres et c'est pour cela qu'elle n'a pas pu se retrouver avec les onze titres qui forment Modern Nature. C'est une démo que nous avons enregistrée avec John. Cette chanson ne devait pas rester au stade de la démo afin qu'elle puisse être inclue sur Modern Nature. Mais nous avons réécouté la chanson après le décès de John et on ne se sentait pas suffisamment à l'aise pour retoucher quoi que ce soit. En définitive, j'aime beaucoup l'idée d'avoir conservé la version rythmique que John avait pu entendre. Nous avons donc décidé d'abandonner l'idée de production sur Walk With Me en studio sans John. Très simplement, nous y avons ajouté quelques instruments. Martin y joue de la basse, Tony du clavier et Mark de la guitare. La batterie de la démo ajoutée à ces instruments donne un résultat vraiment super et nous ne sommes pas allés plus loin. Ce fut une décision difficile de l'inclure ou pas dans le tracklisting du disque. Ce qui nous importe vraiment au final, c'est d'avoir réussi à terminer la chanson sans avoir altéré le jeu de batterie de John.


Comment est survenue la collaboration avec Stephen Morris ?

Je connais Stephen et Gillian Gilbert depuis pas mal de temps déjà, via New Order qui est un de mes groupes préférés depuis que je suis tout petit. Je l'ai croisé chez un disquaire et lui ai demandé s'il était partant pour faire quelque chose avec nous. Il m'a répondu oui spontanément, d'autant que nous n'avions jamais travaillé ensemble malgré que nous soyons originaires de Manchester tous les deux. C'est aussi simple que ça. C'est vraiment un super batteur et une personne adorable.

Sais-tu déjà s'il ne sera plus possible pour vous d'interpréter sur scène certaines chansons des Charlatans sans John ?

Non, je ne pense pas. J'aimerai te dire oui, d'une certaine manière. Par exemple, Sproston Green sans sa patte, ça semble inimaginable. Mais, tu sais, nous serons inévitablement un groupe différent maintenant. Nous avons d'ailleurs déjà joué Sproston Green avec Pete Salisbury, alors que John était malade. Évidemment la version n'est pas la même. Mais nous ne cherchons pas à reproduire ce que nous faisions avec la formation antérieure des Charlatans. Ce ne sera plus jamais pareil, mais les chansons restent.

Est-ce que tu vas revenir jouer en France ?

La dernière fois que je suis venu en solo, c'était lors du Disquaire Day en 2014. Pour ce qui est des Charlatans, je ne sais pas encore. J'aimerai vraiment revenir jouer ici, car j'adore Paris, mais l'avenir nous le dira.