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Georgia

Interview publiée par Jean Duffour le 30 juillet 2015

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C’est dans les locaux de Domino Records à Paris que Georgia, qui sort tout juste d’un shooting photo, nous accorde sa dernière interview, épuisée par une longue journée de promotion. Vêtue d’un long gilet noir qui la recouvre entièrement, elle nous accueille souriante, mais la voix mal assurée, quelque peu crispée par un exercice qu’elle découvre encore. La jeune musicienne nous relate sa popularité naissante, ses souvenirs de footballeuses ou encore ses incroyables expériences avec les taxis.

A propos de ce premier album, tu l'as produit et enregistré toute seule, chez toi uniquement ?

Oui exactement, je l'ai enregistré entre ma chambre et mon home studio.

Combien de temps y as-tu consacré ?

Un sacré bout de temps ! Enfin pas si longtemps, ça a commencé il y a deux ou trois ans. Je jouais dans un groupe et je travaillais chez Rough Trade (ndlr : un disquaire à Londres), mais je composais à côté. Puis un jour une de mes amies, qui travaillait dans la musique, m'a demandé de lui faire écouter. C'était la première personne à qui je faisais écouter mes compositions. Elle m'a dit : “C'est super bien, c'est hyper intéressant, mais il faut que tu améliores encore ça”. Ça a été le moment déclencheur pour moi. Donc pendant un an et quelques j'étais en studio non-stop pour travailler, enregistrer et arranger mes chansons.

As-tu eu de l'aide ou des avis extérieurs ?

Oui, tout-à-fait ! Il y a un moment où c'était bien que je rencontre des gens, il y a eu Cherrys et Cathy, de chez Kaka Records avec qui j'ai sorti mon premier EP. J'ai vraiment apprécié et pris en compte leur avis, c'était super d'avoir cette relation où je pouvais leur envoyer mes chansons pour qu'elles m'aident. Puis soudain, je me suis dit qu'il me fallait une équipe pour m'entourer, m'orienter et progresser.

Je travaille le rythme sur ma batterie en amont, car ça reste une partie importante de ce que je suis.

La batterie est ton premier instrument, est-ce que tu l'utilises dans tes enregistrements ou ce sont des beats ?

J'utilise essentiellement un mix de beats programmés et quelques samples. Mais je travaille le rythme sur ma batterie en amont, car ça reste une partie importante de ce que je suis. C'est comme ça que j'ai pu entrer en tant que professionnelle dans la musique, connaître la scène londonienne et me construire un réseau de contacts.

Tu as notamment joué avec Kate Tempest !

Oui, et Kwes aussi, c'était génial de jouer avec ces artistes que j'aime, et qui sont mes amis maintenant !

Et sur scène quel instrument privilégieras-tu maintenant que tu es en solo ?

J'ai un groupe avec moi, il y a un batteur et je jouerai des percussions à côté, tout en chantant. Ce qui est très excitant, parce que c'était mon rêve d'avoir deux batteries sur scène.


Comment as-tu rencontré tes musiciens ? Étaient-ce des amis ?

En fait ce sont devenus mes meilleurs amis. J'en ai rencontré deux en fréquentant le monde de la musique, en les retrouvant partout où j'allais. Je ne voulais pas des gars que je ne connaissais pas. Et eux sont de super musiciens.

Est-ce que tu planifies à l'avance la manière de jouer ou l'alchimie se crée naturellement ?

Ils veulent que ce projet fonctionne, ils sont formidables, donc je n'ai pas vraiment à intervenir, les choses se mettent en place facilement.

A propos de ton passé, j'ai lu que tu avais été footballeuse ?

Oui (rires) ! J'étais dans une équipe pro, j'y ai joué de treize à seize ans. C'étaient trois belles années de ma vie. J'ai beaucoup appris de cette expérience : appartenir à une équipe, se battre pour sa place, être disciplinée et puis se produire en quelque sorte...

Devant beaucoup de gens !

C'est ça, enfin pas devant des stades pleins non plus (rires). Juste les parents sur la ligne de touche (rires).

En France on est persuadé qu'en Angleterre pour chaque match de football, quelque soit l'équipe et son niveau, les stades sont presque toujours remplis !

Il paraît ! Mais là c'était il y a environ huit ans et à l'époque les équipes féminines ne suscitaient pas un tel engouement. On avait du public mais ils ne payaient pas, c'était un loisir du dimanche.

J'ai arrêté de jouer au football parce que je suis partie en école de musique.

Quand as-tu décidé de quitter le football pour la musique ? Tu n'as jamais envisagé de devenir footballeuse professionnelle ?

En fait pour le football féminin il n'y avait que les Etats-Unis comme possibilité pour devenir professionnelle, pouvoir s'entraîner correctement et obtenir une bonne situation financière. Je pense que dans un coin de ma tête je me disais que je pourrais être footballeuse, mais la musique a toujours été prioritaire. C'était dans ce domaine que je voulais me lancer. J'ai arrêté de jouer au football parce que je suis partie en école de musique et je ne pouvais plus combiner les deux activités. Traverser tout Londres pour rejoindre l'entraînement après les cours... C'était impossible.

Ça reste un très bon choix !

Oui clairement (rires) !

En parlant de choix, comment ça s'est passé pour Domino Records ?

C'est venu un peu des deux côtés. Lawrence, le boss de Domino, est venu l'an dernier à un concert que j'avais organisé pour inviter tous les gens de l'industrie musicale, le truc classique. Et il a complètement adoré, il voulait venir me voir en studio. Ce qu'il a fait, quelques semaines plus tard. On a parlé de musique, de Domino, du fait d'être dans un bon label, puis le lendemain il m'a proposé un contrat. Domino a toujours été ma cible car c'est une maison de disque indépendante, leurs enregistrements sont incroyables. Ils traitent aussi super bien leurs artistes, ils les soutiennent beaucoup dans l'organisation de leur carrière et les encouragent à évoluer, ce qui est rare.

Tu es beaucoup comparée à M.I.A, c'est une vraie influence pour toi ?

Ah oui (rires) ! Complètement, une énorme influence même. J'étais une jeune adolescente lorsqu'elle a émergé. Quand on a entendu Galang (son premier single sorti en 2003, NDLR) c'était tellement représentatif de la vie d'une fille londonienne. Londres est une ville cosmopolite, cette chanson était écrite pour nous. Elle m'a beaucoup influencée, mais elle a aussi eu un fort impact sur toute ma génération. Elle signifie beaucoup, avec son image et son discours.


Cette comparaison est donc un véritable compliment ?

Mon dieu, oui, je suis aux anges !

A propos de tes autres influences, on retrouve beaucoup de sonorités rap dans ta musique aussi...

Oui clairement ! En fait dans ma chambre j'ai énormément de disques et je les écoute tous en boucle puis quand j'ai une idée, une inspiration, je me mets à composer.

Il paraît que la chanson Kombine t'a été inspirée par un chauffeur de taxi, c'est vrai ?

Oui, tout à fait, c'est vrai. J'étais assise dans un taxi en revenant d'un concert parce que malheureusement quand tu es batteur tu as un matériel hyper lourd (rires). Je me souviens même de ma mère me demandant pourquoi je n'avais pas choisi le violon plutôt (rires). Donc je rentrais fréquemment en taxi, et ce soir-là le chauffeur a mis ce qui est probablement l'une des plus belles chansons que j'ai entendue dans ma vie. C'était de la musique Qawwalî, du Pakistan probablement. Pendant longtemps je suis restée dans mon studio à essayer de trouver un moyen pour utiliser un sample que j'avais créé à partir de cette chanson. Et une fois, alors que je travaillais sur le beat de Kombine et le sample sur mon clavier, tout a fonctionné.

C'est une excellente anecdote à raconter pour ta biographie...

C'est sûr (rires). Mais en fait mon inspiration vient beaucoup des taxis. J'y passe tellement de temps en revenant de mes concerts que c'est une expérience à part entière pour moi, c'est d'ailleurs pour cela que j'ai mis un extrait intitulé Cabe Ride sur mon album. C'était un taxi qui m'avait ouvert son coffre et il y avait des tonnes de cassettes de reggae, de dub ou même de dance hall. On était bloqués dans les bouchons, ce qui arrive fréquemment à Londres, et on en a profité pour explorer tout ce qu'il avait. A chaque fois qu'il mettait un truc, c'était génial.

En France les taxis sont moins appréciés...

Oh oui (rires), c'est complètement différent... Encore que, aujourd'hui, j'ai eu un chauffeur qui m'a mis du jazz américain, il était très sympa !

Est-ce que tu te vois devenir une pop star comme certains médias l'annoncent déjà ?

Ça dépend, la définition de pop star est assez vague en fait. Tout le monde est un peu une pop star, moi ce qui m'intéresse c'est que ma musique plaise à un vaste public et que je puisse continuer à faire ce que j'aime. Mais si c'est ça être une pop star, alors j'aimerais bien être une (rires).

Quel est ton programme pour la suite ? La tournée avec les Hot Chip ?

Oui ! Pour le moment jusqu'à Noël je vais me concentrer sur les lives, sans pour autant m'arrêter de composer. En juillet j'aurai aussi un concert à Londres où je serai la tête d'affiche. J'ai eu beaucoup d'autres offres ailleurs mais je ne pense pas que ça soit le bon moment, ça viendra plus tard.

Pour finir, un conseil culturel que tu aimerais partager ?

Récemment il y a un film français que j'ai adoré, par une réalisatrice française : Bande de filles. C'est l'histoire d'un gang de filles de la banlieue parisienne, qui sort régulièrement à Paris le soir, avant de revenir à leur réalité le lendemain. C'est un film vraiment magnifique.