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King Charles

Interview publiée par Cassandre Gouillaud le 31 janvier 2016

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Si l'on avait gardé le souvenir d'un LoveBlood à la pop acclamée, c'est avec un album qui prend presque son contrepied que King Charles nous revient en ce début d'année. C'est à la faveur de l'une de ses rares escapades françaises, et quelques jours avant la sortie de Gamble For A Rose, que nous le rencontrons pour évoquer un effort qui, s'il est teinté de folk, est aussi synonyme d'un « retour aux racines » pour le londonien.

En dehors de quelques séries de concerts outre-Manche, tu t'es fait plutôt rare ces dernières années. Depuis combien de temps travailles-tu sur Gamble For A Rose ?

J'ai commencé à travailler sur cet album probablement... en 2013 je dirais. Je l'ai enregistré une première fois, mais il se trouve que je n'ai pas aimé le rendu final. J'ai abandonné cette version, j'ai joué quelques concerts, et je me suis mis à travailler sur un nouveau. C'est ce second essai que vous pouvez entendre aujourd'hui.

Comment as-tu réalisé que le premier que tu avais enregistré ne correspondait pas à ce que tu voulais ?

Ce n'était pas le son que je voulais pour cet album. Je voulais le produire moi-même, et travailler sur une forme d'indulgence artistique... mais au final, je me suis rendu compte que cette situation ne me convenait pas du tout. Ça ne marchait vraiment pas.


D'ailleurs, c'est finalement Marcus Mumford qui a produit cet album. Comment vous est venue l'idée de travailler ensemble dessus ?

Mumford & Sons avaient travaillé sur une chanson qui est présente sur LoveBlood, The Brightest Lights, et on a joué plusieurs concerts ensemble il y a quelques années. A la fin de l'un d'entre eux, j'ai dit à Marcus que j'avais envie de faire l'album que j'aurais dû faire au début de ma carrière. Il m'a dit « OK, cool, j'en suis ! ». Il était en train d'enregistrer le troisième album de son groupe [ndlr : Wilder Mind] au même moment. C'était un peu difficile au niveau de nos plannings respectifs, on enregistrait mon album principalement quand il avait des week-ends et des moments de libres. C'était compliqué, mais c'était vraiment excitant et amusant.

Si je reste seul avec mes idées, j'ai tendance à beaucoup m'éparpiller.

Il y a donc eu un moment où tu as travaillé seul, puis un second moment où Marcus t'a rejoint. Qu'est-ce que sa présence a changé dans ta manière de travailler ?

Le seul fait d'avoir des oreilles extérieures change beaucoup de choses. Si je reste seul avec mes idées, j'ai tendance à beaucoup m'éparpiller. Cette fois, Marcus était là pour me demander où je voulais vraiment aller avec ces idées et pour déterminer une ligne directrice. Ensuite, j'intervenais pour ajouter ma touche personnelle ici et là. Je ne voulais pas jouer tous les instruments sur Gamble For A Rose. Je voulais être plus en retrait et juste chanter des chansons, jouer de la guitare. En un sens, ça a été libérateur d'avoir Marcus et ces personnes qui travaillaient autour de moi.

Est-ce que tu te verrais retravailler avec lui plus tard ?

Oui, c'est une possibilité, il faut que je voie comment les choses évoluent avec cet album. Je verrai si j'ai envie d'en écrire un nouveau, si je veux qu'il soit similaire à Gamble For A Rose. Je verrai aussi quel genre de chansons j'écris sur le moment. J'ai apprécié le fait de pouvoir prendre une nouvelle direction avec cet album, et il est probable que j'aie envie de le faire à nouveau. Avec celui-ci, j'ai pu revenir aux sonorités qui m'avaient inspiré en premier lieu. Je voulais revenir à mes racines, à ces sons issus du rock anglais. Mais pour ce qui est de la suite, on verra ce que le futur a en réserve. Je déteste faire des projets longtemps à l'avance. (rires)

J'ai entendu que cet album avait été enregistré dans une ferme. C'est un cadre qui s'oppose totalement à celui de LoveBlood, qui lui a été enregistré dans des studios hollywoodiens.

C'est vrai. C'est Marcus qui voulait que l'on travaille dans cet endroit. C'était agréable, j'ai beaucoup aimé l'expérience. C'était tellement différent vis-à-vis des conditions de Hollywood. Il y avait une ambiance bien meilleure, sans tous ces flashs partout. C'était très rudimentaire, on n'avait même pas de studio d'enregistrement en arrivant. On a dû l'installer nous-même. Pour tout te dire, on a même dû utiliser des matelas pour les prises de voix. Mais quelque part, c'était ce que je voulais pour cet album.


Est-ce que cette configuration t'a permis de travailler différemment ?

Oui, j'étais forcément plus détendu. Il n'y avait pas de manager, pas de label. J'étais en quelque sorte tout seul avec mon producteur. C'est un luxe. C'est l'opposé de Hollywood, où tu as tout le temps plein de gens qui te regardent en permanence et qui te disent quoi faire. J'ai vécu une expérience totalement différente de celle de LoveBlood.

Il y a cette idée commune selon laquelle le second album est celui où l'artiste doit faire ses preuves, tout particulièrement si le premier a été acclamé. Est-ce que tu as ressenti une pression supplémentaire en travaillant sur Gamble For A Rose ?

Non, pas vraiment. Je pense que je ne l'ai pas ressentie, car en travaillant sur cet album, je voulais surtout retrouver le contrôle de moi-même en tant qu'artiste. J'ai d'ailleurs quitté Universal pour travailler moi-même, ce qui m'a permis d'éliminer la pression de l'industrie. Bien sûr, je veux toujours inclure de bonnes chansons sur l'album... mais je voulais aussi qu'elles soient différentes de celles qui étaient présentes sur LoveBlood. Je veux sortir quelque chose dont je suis personnellement fier, et pas quelque chose dont je ne le suis qu'à moitié, même s'il est probable que cela plaise quand même à quelqu'un. Il faut faire attention à cette idée de pression. Il ne faut pas qu'elle devienne un obstacle et qu'elle se mette en travers de ton propre chemin.

On perçoit nettement dans l'album une évolution vers des morceaux plus épurés et moins arrangés. Il semble aussi bien plus personnel que LoveBlood.

Oui effectivement. C'est un album qui est plus ouvert en termes de sonorités. Il y a beaucoup moins de production derrière les morceaux. Ils sont moins pop, plus bruts que ce que j'avais pu faire sur le premier. Après, oui, évidemment, les chansons sont intimes, mais je pense que c'était déjà le cas sur le premier, même si c'était bien plus caché.

Quand j'ai commencé, j'avais en tête l'idée de rassembler à un chanteur de folk.

Pourrais-tu dire d'où est venue cette volonté, presque soudaine, de retrouver ces sonorités que tu avais perdues ?

Ces sons sont ceux qui m'avaient poussé à écrire de la musique dans un premier temps, et ils m'avaient manqué. Quand j'ai commencé, j'avais en tête l'idée de rassembler à un chanteur de folk. Avoir seulement une guitare pour m'accompagner, et évoquer des sujets qui me tenaient à cœur. Mais j'ai fini par m'écarter de ça pendant un moment, jusqu'à ce que je prenne conscience de ce manque. J'ai voulu me souvenir de mes racines, en tant qu'auteur-compositeur, et retrouver une identité artistique qui m'est propre. Je crois que c'est quelque chose d'important à faire, sinon tu finis par te perdre totalement. Quand je travaillais sur LoveBlood, je venais de signer chez une major et j'enregistrais à Hollywood. Je me souviens que pendant un moment, je voulais devenir une star de la pop (rires). Il a fallu que je me souvienne de ce qui m'avait fait rêver et de ce que je voulais faire avant d'en arriver là. Mais j'imagine que ce n'est pas facile pour tout le monde. Il y a certainement des personnes qui ne savent pas quel genre de son elles veulent entendre, et cela complique le processus.

De ce premier album, tu auras quand même gardé une chanson, Coco Chitty, que tu as reprise pour Gamble For A Rose...

Celle-là, je voudrais pouvoir la mettre sur tous les albums. C'est un peu le vieil ami qui évolue en même temps que moi, comme si je pouvais comprendre mon évolution en écoutant cette chanson. Il y en a aussi une autre que j'aime beaucoup, Carry Me Away, qui est l'une des premières chansons que j'ai écrites lorsque j'étais encore à l'école. Elle n'avait jamais encore été sur un album, alors je l'ai remaniée pour celui-ci.

Gamble For A Rose s'articule autour des rapports à l'amour, heureux comme déçu, et des relations de couple. Parmi ces histoires, est-ce qu'il y en a qui te sont personnelles ?

Oui, en partie, mais j'ai aussi beaucoup de sources d'inspiration. Elles viennent aussi de très nombreuses façons. Pour Gamble For A Rose, je me souviens avoir écrit dans un bar, sur mon portable. Je m'inspirais des gens qui étaient assis autour de moi, à propos de ce qu'il se passait à ce moment-là. C'était vraiment sur l'instant. Je n'ai pas non plus d'inspirations fixes. Certaines se développent, changent, d'autres ne sont même pas réelles.

Tu as dit à plusieurs reprises que Gamble For A Rose aurait dû être ton premier album. Est-ce que tu considères qu'il doit exister une forme d'évolution logique dans la carrière d'un artiste ?

Je pense que parfois, tu peux effectivement entrevoir une logique dans la façon dont une carrière se déroule et évolue, mais il arrive aussi que tu veuilles juste rompre ce schéma et faire autre chose. Je voudrais avoir une carrière qui dure, avec de bons albums, mais aussi avec des albums de merde si j'en ai envie. Ça m'arrive de penser à ce genre de choses. Pour Gamble For A Rose, c'est un album qui me donne naturellement l'impression qu'il aurait dû être le premier. Il ressemble à ce que j'étais avant que je me dise « je veux être une star de la pop » et que je fasse un album de pop. Quand j'y repense, ça aurait dû être dans l'autre sens. Mais au final, j'avais cette idée en tête, et je voulais quand même la faire.

On va terminer sur une question plus ouverte – est-ce que tu aurais des recommandations à nous faire, en termes d'artistes et de groupes ?

Alors... oui, il y a un groupe de filles, qui s'appelle Hey Charlie. Elles viennent juste de commencer, et elles sont géniales. J'ai aussi un groupe d'amis qui s'appelle Paves, ils sont bons, tu devrais les écouter !