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Jake Bugg

Interview publiée par Sarah Pitet le 10 juin 2016

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Dans le couloir des loges de l'émission Taratata, nous distinguons Jake Bugg en train de gratter sa guitare dans l'entrebâillement d'une porte. C'est détendu et sous l'effet du « jet lag anglais » qu'il nous accordera cette interview. On y découvre un jeune musicien modeste, qui préfère parler football plutôt que création avec les artistes qui gravitent chaque jour autour de lui.

A seulement vingt-deux ans tu as déjà foulé le sol des grandes salles européennes et fréquenté des têtes. Comment as-tu géré une renommée si prompte?

J'ai commencé quand j'avais dix-sept ans, cela fait donc désormais cinq ans que je connais cela, et à vrai dire, je ne connais pas vraiment autre chose. J'ai été signé à dix-sept ans, alors cette renommée est ma vie après tout. J'essaie de profiter de chaque jour. C'est l'une des choses les plus amusantes à faire.

Chacun de tes albums sonne plus mature que le précédent. Que signifie ce nouvel opus pour toi ?

Je voulais simplement essayer de nouvelles choses dans cet album, expérimenter. L'album est plus introspectif, au sujet de mon développement en tant qu'écrivain par exemple. Je voulais faire quelque chose de différent des deux albums que j'ai déjà fait. Ce fut une expérience solitaire et amusante à la fois.

Je ne parle pas facilement de ce que je ressens dans la vie en général, donc je l'écris.

Tu essaies de donner davantage de toi-même ?

Oui, c'est une façon pour moi de m'exprimer, une rétrospective des dernières années. Je ne parle pas facilement de ce que je ressens dans la vie en général, donc je l'écris.

Quelles ont été tes principales influences sur cet album ?

Je pense qu'il y a certains éléments sur cet album qui ne figuraient pas sur les précédents. Il y a un peu de dance, de soul, je pense notamment à Bill Withers, ainsi qu'un groupe que j'apprécie nommé War. Un peu de hip-hop également, j'aime bien les Beastie Boys. J'écoute simplement de nouvelles choses que je n'écoutais pas avant.

Il est vrai que les influences hip-hop sont flagrantes dans des chansons comme Gimme The Love ou Ain't No Rhyme...

Oui ! Ce sont les deux qui ont des influences hip-hop.

Tu es considéré comme un véritable parolier. Chacune de tes chansons est très correctement écrite. Quelle importance donnes-tu aux paroles dans une chanson ?

Les paroles sont une opportunité pour parler des sentiments, mais aussi une façon d'en échapper, une sorte d'exutoire. Tu peux y raconter des histoires, t'évader. Je projette mes émotions dans ce que j'écris.


La première fois que j'ai écouté On My One, j'ai directement pensé à Johnny Cash. On te compare souvent à de grands artistes comme lui. Que penses-tu de cette comparaison ?

C'est flatteur, je suis un grand fan de Johnny Cash. Mais il est ce qu'il est. Les gens veulent toujours faire des comparaisons. Je n'essaie pas d'imiter qui que ce soit, j'essaie simplement d'écrire les chansons que je veux écrire. Ce genre de comparaison ne me freine pas pour faire mes chansons comme je l'entends.

Tu as l'air de t'essayer au rap sur Gimme The Love et Ain't No Rhyme. As-tu voulu expérimenter d'autres rythmes ? Modifier ta musique ?

Oui, cet album est différent des derniers que j'ai fait et j'espère que le prochain le sera aussi. Ce n'est pas parce que quelque chose marche qu'il ne faut pas essayer autre chose. Je voulais simplement expérimenter, essayer des choses différentes, qui n'ont pas été faites avant. Faire de la musique est une aventure, tu ne sais pas ce que tu vas faire. Je n'aime pas me pousser à faire les choses d'une telle ou telle matière, je m'assois simplement et je vois ce qui vient. Du rap en l'occurrence pour ces deux chansons.

Tu ne réfléchis pas à quoi cela pourrait ressembler ?

Non, surtout pas, c'est le défis, l'aventure pour moi.

Es-tu à l'origine de tes visuels ? Qu'il s'agisse des pochettes d'album ou des clips vidéo ?

Je ne donnais pas trop d'importance aux vidéos pour le premier album, je n'étais pas très fan de ça. Du coup pour cet album j'ai préféré faire les clips à ma façon. J'ai travaillé avec un réalisateur avec qui j'avais déjà travaillé auparavant, il avait fait quelques unes des vidéos du premier album. On a fait la vidéo de Gimme The Love ensemble, qui est assez différente. En réalité je ne veux pas qu'il y ait d'histoire dans les clips vidéos, de fil conducteur.

Des clips comme celui de Seen It All semblaient avoir une histoire...

Oui, mais je n'aime pas trop cela. Pour moi l'interprétation d'une chanson varie selon les personnes. Mais quelque chose de visuel donne une interprétation. La vidéo de Gimme The Love n'a par exemple aucun rapport avec les paroles de la chanson, mais d'après moi, cela fonctionne quand même avec le titre. On est d'ailleurs en train de travailler sur une nouvelle vidéo de ce genre, sans interprétation précise.

Je n'ai aucun problème avec la musique électronique.

Beaucoup d'artistes de ton âge jouent maintenant avec des instruments purement électroniques. Que penses-tu de cet engouement pour la musique électronique ?

Les gens écoutent cela pour sortir je pense, aller en boîte de nuit ou écouter des DJs. Je n'ai aucun problème avec la musique électronique. J'en écoute d'ailleurs. Rien de très contemporain en ce qui me concerne, mais électronique quand même. Il y a quelques synthétiseurs sur cet album et différents sons.

Et quelle importance donnes-tu aux réseaux sociaux dans la diffusion de la musique et de l'identité musical de chacun de nos jours ? En uses-tu ?

Je ne suis pas beaucoup sur les réseaux. Je ne donne pas trop de ma personne sur les médias, je ne parlerai jamais de mes journées, de ce que je fais, de comment je me sens, parce que tout le monde le fait en fait et je ne veux pas faire comme tout le monde.

Oui, mais il est question des groupes qui jouent avec ces réseaux pour promouvoir leur musique, je pense notamment à Radiohead qui a récemment disparu de la toile pour gonfler l'impact de leur dernier album...

Oui, c'est cool, mais ce n'est pas pour moi.

Sur la chanson On My One, tu écris : « Three years on the road, 400 shows, where do I go home ? No place to go ? Where do I belong ? Oh, I'm so lonesome on my one ». Es-tu à l'aise avec le fait de devoir sans cesse bouger, te donner en spectacle ?

Cette chanson n'est pas au sujet de la solitude sur la route. Je me demandais quelle chanson je voudrais écrire si c'était la fin demain. Tu sais, tous mes rêves se sont réalisés. J'essaie du coup simplement de raconter des histoires parfois, c'est une chanson à double interprétation. C'est au sujet de la peur de la fin, si cela n'avait jamais commencé, être sur la route, faire des tournées…

As-tu de vieilles chansons sur cet album ?

Non, il n'y en a pas. Je les ai toutes écrites en 2015.

Quels sont tes projets pour le futur ?

Je ne sais pas, refaire un album, tourner à nouveau, faire pleins d'interviews. Je n'ai pas trop le temps pour un projet, j'aimerais pourtant.


Tu n'as pas l'air très convaincu, on dirait que tu parles déjà d'une vieille routine !

(Rires) Non ! C'est juste que j'y ai pensé. C'est ma troisième période de promotion et je ne veux pas vivre cette même routine tout le temps. Je veux avoir un projet, quelque chose qui me maintienne intéressé.

Tu as des idées précises ?

Non, c'est bien le problème. J'aimerais juste faire quelque chose qui me plait, différent de ce que j'ai déjà pu faire. Peut-être que sur le prochain album je changerai un peu. Mais je reste malgré tout contraint à faire de la promotion et des interviews !

Tu continues à écrire quand tu es sur la route ?

J'essaie ! A l'arrière du bus avec le groupe.

En parlant du groupe, préfères-tu jouer seul ou avec eux ?

Cela dépend, j'aime les deux. Si je joue dans un club c'est mieux d'être avec le groupe, mais dans des endroits plus calmes, dans des théâtres par exemple, c'est sympa de jouer en acoustique aussi. J'aime quand la foule se rapproche pour écouter. Je me rappelle avoir joué à l'Olympia il y a quelques années et la foule était vraiment sympathique, c'était un bel instant pour une chanson en acoustique.

Où vas-tu tourner ces prochaines semaines ?

On va partir en Amérique puis revenir sur le continent. J'ai hâte de jouer en Europe.

Bonne chance pour l'avenir alors !

(En français) Merci beaucoup.