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Minor Victories

Interview publiée par Emmanuel Stranadica le 14 juin 2016

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Minor Victories ou l'histoire incroyable d'une collaboration entre quatre artistes renommés du milieu indie. On n'aurait jamais imaginé que Justin Lockey d'Editors, Rachel Goswell de Slowdive, Stuart Braithwaite de Mogwai et James Lockey de Hand Held Cine Club concevraient un disque ensemble. Le résultat est d'ailleurs au-delà de nos espérances. C'est donc avec un véritable plaisir que nous avons pu rencontrer Justin et discuter de la genèse de ce nouveau groupe.

Tu es à l'origine de Minor Victories. Peux-tu nous expliquer comment tout a commencé ?

Rachel et moi avons le même manager pour Editors et Slowdive. Lorsque Slowdive s'est reformé, le manager m'a conseillé de me rapprocher d'elle Je lui ai envoyé une chanson qui figure sur l'album, Out To Sea. C'est la première chanson sur laquelle nous avons commencé à travailler ensemble. Ce fut assez incroyablement simple de la terminer. Rachel a enregistré les parties vocales et me l'a renvoyée. J'ai trouvé ça vraiment super ! Mais je devais travailler sur l'album d'Editors. Tous les deux nous nous sommes retrouvés très occupés car elle tournait avec Slowdive. Rachel a continué d'enregistrer les parties vocales de trois autres chansons. A côté de cela, elle tenait absolument à en finir d'autres et j'étais d'accord avec elle. A la fin de la tournée de Slowdive, elle m'a envoyé un texte, en me demandant ce que j'en pensais et j'ai cru qu'elle était saoule ! (rires) Mais j'ai accepté sa proposition. J'avais besoin de trouver un autre guitariste pour terminer complètement cette chanson. Par chance, je me suis retrouvé près du studio où Mogwai enregistraient lors d'un festival auquel participait Editors. Je lui ai envoyé Out To Sea et Stuart a trouvé ça génial et a accepté ma proposition. Mon frère nous a ensuite rejoints. Il joue de la guitare et de la basse pour Minor Victories. Du coup nous avons travaillé sur plus de chansons qu'initialement prévu et ça a très bien fonctionné. Aussi nous avons décidé d'aller jusqu'au bout et de sortir un album.

Nous avons travaillé pour ce disque sur un bon rythme sans aucune pression.

Comment l'écriture des mélodies et des parties instrumentales s'est-elle déroulée ?

En fait, James et moi avons confronté de petites idées que nous avions eu chacun de notre côté. J'ai récolté l'ensemble et reconstruit les chansons à partir de cela. Nous avons revu les chansons jusqu'à ce qu'on en soit satisfaits. Lorsque la musique était en place nous l'envoyions à Rachel. Nous avons travaillé pour ce disque sur un bon rythme sans aucune pression. Nous avons vraiment pu faire ce que nous voulions faire. Et comme le résultat des premières chansons nous paraissait si bon, nous avons décidé de continuer à fonctionner de la sorte. D'autant que nous avons enregistré ce disque sans raisons véritables. C'est juste un disque que quatre personnes ont fait ensemble.

Il règne une atmosphère très cinématographique sur ce disque. D'ailleurs certaines vidéos qui illustrent vos chansons sont là pour accentuer ce sentiment. Le début de A Hundred Ropes, par exemple, me rappelle les musiques de John Carpenter. Tu es d'accord avec ça ?

Absolument ! J'ai composé la majeure partie de cette chanson. La basse, la batterie, les claviers... A un moment j'écoutais pas mal de krautrock alors que nous étions en train de terminer le dernier album d'Editors. De ce fait, ce sont les mêmes sons qu'on retrouve sur l'album de Minor Victories. Et oui, c'est définitivement cinématographique ! C'est vraiment l'essence que nous désirions capturer pour le disque.

Le son de l'album est très particulier. Il y a beaucoup de distorsion et le son est très sale. Vous étiez vraiment à la recherche de ce type de son ?

J'ai travaillé sur pas mal de morceaux avec un son très propre dans le passé. Parfois tu as besoin de faire exactement l'opposé de la dernière chose que tu as faite. C'est le cas pour moi. Je voulais faire un disque bruyant et j'ai trouvé des personnes pour le faire.


Comment la collaboration avec Mark Kozelek a-t-elle pu aboutir ?

C'est un morceau très étrange musicalement et lyriquement parlant. J'ai écrit la partie musicale du début et cela sonne comme du Philippe Glass. J'ai cherché à reproduire une mélodie très minimaliste avec simplement deux notes sur lesquelles j'essayais d'apporter des variations musicales. Ça ne voulait pas sortir au début mais c'était encore et toujours dans ma tête. D'autant que cela ne collait pas avec le reste du disque. J'en ai discuté avec James et il a trouvé que c'était très répétitif et que ça s'approchait du hip-hop. Quand Rachel a entendu la musique, elle a immédiatement pensé à Mark Kozelek pour chanter également dessus. A l'époque nous étions à la recherche d'autres personnes avec qui nous pouvions travailler. Mark a rendu sa partie vocale dans la même semaine. Rachel a ensuite enregistré la sienne. C'est très étrange car cela ressemble à une chanson très personnelle entre deux personnes, comme une discussion téléphonique. Nous sommes très fiers de l'avoir sortie.

Je ne sais pas si tu vas être d'accord avec moi. Cela concerne la partie vocale de Scattered As Ashes. J'y vois une ressemblance avec Dancing In The Dark de Bruce Springteen. C'est quelque chose de volontaire ?

Je ne l'avais pas remarqué jusqu'à ce que quelqu'un m'en parle. Mais en réfléchissant bien en effet, il y a une vraie similitude. C'est une bonne chanson de toute façon (rires).

Il y un EP du groupe Lanterns On The Lake qui s'intitule Misfortunes & Minor Victories. Existe-il un rapport avec le nom de votre groupe ?

Oui. Je suis très ami avec les membres de Lanterns On The Lake. Nous habitons dans le même coin de Newcastle. Hazel Wilde est une de mes meilleures amies. Lorsqu'ils ont sorti cet EP il y a cinq ou six ans, je lui ai dit qu'il portait un super nom et qu'un jour je lui volerai. Paul Gregory (ndlr : membre de Lanterns On The Lake) a d'ailleurs mixé notre disque. Du coup, oui, la relation est forte avec ce groupe. Hazel a fini par accepter mon emprunt car elle a trouvé l'album très bon (rires).

Au final, cela vous a pris combien de temps pour terminer l'album ?

Je pense qu'entre le premier morceau envoyé à Rachel jusqu'à la fin de l'enregistrement, il a du s'écouler dix-huit mois, deux ans maximum. Mais si tu considères uniquement le temps consacré au disque, il a dû nécessiter quatre à cinq mois. Les dernières parties vocales ont été enregistrées lors du dernier nouvel an. En janvier, le disque était mixé et terminé. Il a pris du temps car tous les membres de Minor Victories sont relativement occupés avec leurs groupes respectifs.

Il y a une édition spéciale de l'album qui sortira chez Rough Trade. Cela veut-il dire que vous avez enregistré bien plus que dix morceaux ?

En fait, il y a beaucoup de cordes sur le disque. J'ai toujours été intéressé par les sonorités orchestrales. Lorsque nous avons terminé l'album, j'ai décidé de reproduire l'intégralité de celui-ci comme un disque orchestré. Ça ne ressemble pas du tout à l'album. Il y a des petites phrases mélodiques du disque qui viennent se glisser dans de grandes pièces orchestrées. La première partie de cet enregistrement se trouve sur le CD bonus de Rough Trade. La seconde partie se trouve sur l'édition japonaise (ndlr : il semblerait qu'elle soit disponible via un lien téléchargeable joint avec l'achat du CD au Japon). Pour la dernière partie, je ne sais pas encore sous quelle forme elle sortira. Cela sera probablement disponible sur un disque dans son intégralité, un jour. Je suis très fier de cela. J'ai passé énormément de temps dessus.

Ce n'est pas un projet parallèle, mais un vrai groupe.

La plupart des projets parallèles restent au stade du studio, mais vous avez décidé de faire de la scène...

En fait, ce n'est pas un projet parallèle, mais un vrai groupe.

Avez-vous eu le temps de répéter tous ensemble, et était-ce facile de jouer enfin ensemble, puisque tout l'album s'est construit morceau par morceau un peu chacun de son côté ?

On s'est enfin vus tous ensemble pour la première fois lors des répétitions. Ce qui est un peu dingue. Ce fut incroyable de jouer tous réunis car ce fut vraiment simple. Nous voulons tous la même chose et donc que les morceaux sonnent superbement bien sur scène. Le son est devenu encore plus fort que sur le disque. Il y a toujours de superbes moments mais dynamiquement le son prend une autre dimension en live.


Y a-t-il d'autres personnes à qui tu avais pensé pour collaborer ?

Au début j'ai pensé à de nombreuses personnes mais finalement lorsque les chansons se terminaient, cela sonnait définitivement comme nous, sans besoin supplémentaire d'invités. On s'est donc dit que cela déséquilibrerait le disque si nous ajoutions d'autres personnes. L'album devait sonner naturellement aussi il n'était pas nécessaire d'aller plus loin. Nous aurions pu collaborer avec untel et untel et untel... Mais le résultat final n'aurait pas été aussi bon que le disque.

En quoi ton travail avec Minor Victories s'est-il révélé différent de celui avec Editors ?

Il n'y avait pas d'attente ou de pression dans tout ce qu'on a entrepris pour Minor Victories. On s'est juste concentrés sur le disque et on s'est fait plaisir. C'est pour cela qu'on est vraiment fiers de cet album.

Est-ce qu'au final tu penses que ce disque aurait pu ne jamais sortir ?

Peut-être. Il nous a fallu un peu de chance. On aurait très bien pu se dire qu'on avait tous envie de travailler ensemble, de prendre notre temps et tout laisser à ce stade. Mais le destin en a décidé autrement. Rachel a probablement su pousser la porte au moment où il le fallait. Et comme il n'y a aucun problème d'ego dans Minor Victories, nous avons été capables d'accomplir ce dont on rêvait tous.