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Biffy Clyro

Interview publiée par Fab le 4 juillet 2016

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Après avoir vu leur popularité se décupler ces dernières années tant en Europe qu'au Royaume-Uni, notamment lors de la sortie du double album Opposites, les trois Écossais de Biffy Clyro sortent cet été un septième album pour le moins attendu, Ellipsis. Un disque marquant l'ouverture d'un nouveau chapitre que ces derniers évoquent pour nous.

Vous avez travaillé durant environ deux années sur votre nouveau disque, le septième. Comment avez-vous cherché à continuer à être ambitieux après avoir publié un double album ?

Ben : Simplement en explorant de nouvelles directions. Il aurait évidemment été plus simple de nous reposer sur nos acquis et les choses que nous maîtrisons, mais notre ambition passait par de nouveaux horizons. La sortie d'Opposites et tout ce qui a suivi se sont avérés très excitants pour le groupe. Nous avons connu beaucoup de réussite, avons donné des concerts aux quatre coins de la planète, et cette période était sans doute la plus fructueuse que nous ayons connue. Il était malgré tout important de changer des choses, et c'est pour cela que nous avons pris nos distances durant quelques temps pour recharger nos batteries.

Combien de temps avez-vous concrètement consacré à ce nouvel album ?

Simon : Je pense que nous avons pour la première fois testé de nouvelles idées en 2014 mais nous avions encore beaucoup d'engagements et la tournée n'était pas finie... Nous avons vraiment débuté le travail sur le disque en début d'année 2015. Le fait d'avoir été pendant une longue période en tournée a été très inspirant pour notre expérience en tant que groupe mais nous en étions arrivés à un point où nous n'étions plus bons qu'à jouer sur scène ! Donner des concerts ou satisfaire une foule sont des choses très différentes par rapport à l'enregistrement de chansons en studio. Les quelques mois de pause que nous nous sommes accordés nous ont permis ensuite de partir de l'avant et renouveler nos ambitions. Après un projet aussi important qu'avait pu l'être Opposites, en termes de nombre de chansons, d'artwork ou plus simplement de son, nous voulions cette fois-ci aller vers des choses plus modestes, avec un disque plus direct et plus simple. Nous voulions aussi récompenser toutes les personnes qui avaient eu le courage d'écouter et aimer Opposites dans son intégralité ! (rires)

Nous avons pris l'habitude, une fois entrés en studio, d'explorer chacune des idées que l'un de nous peut émettre.

Après avoir incorporé une cornemuse sur une des chansons d'Opposites, vous avez cette fois-ci par exemple travaillé avec une chorale d'enfants pour Friends And Enemies...

Simon : Nous avons pris l'habitude, une fois entrés en studio, d'explorer chacune des idées que l'un de nous peut émettre. Nous n'écartons jamais rien. La version initiale de Friends And Enemies était très différente, mais après avoir travaillé dessus durant des semaines, nous avons fini par réaliser que l'approche n'était pas la bonne. C'est alors que l'idée d'y ajouter une chorale d'enfants nous est venue subitement. A la base, cela semblait vraiment stupide, mais en y réfléchissant un peu plus l'idée a commencé à faire sens. Nous ne sommes pas allés kidnapper des enfants dans la rue, ce sont les enfants de connaissances ou amis à nous que nous avons sollicités ! (rires) Parfois, les idées les plus folles sont celles qui au final sont les plus sensées. La seule limitation à notre travail en studio est au final notre propre imagination. Nous ne cherchons plus à retranscrire sur disque le groupe que nous sommes devenus en live, nous avons dépassé cette idée. Peu importe si ce que nous enregistrons en studio ne peut être reproduit à l'identique sur scène par la suite, ce n'est pas que nous recherchons.

Y a-t-il malgré tout des idées que vous vous êtes refusé à exploiter pour une quelconque raison ? Des limites que vous vous êtes fixées ?

Simon : Lors de l'écriture et l'enregistrement de ce nouvel album, j'écoutais beaucoup de black metal, et l'influence de ce style sur la version initiale de Friends And Enemies n'a pas fonctionné au final. J'avais très envie que certaines de nos chansons incorporent du « blast beat » mais ça ne fonctionnait pas. J'aurais pourtant adoré présenter au mode ma vision du reggae metal ! (rires) Je crois que cinq des chansons de l'album ont été travaillées progressivement, sans que nous ne les jouions à proprement parler ensemble dans le studio...
James : Même si nous étions tous les trois ensemble dans le studio, le fait de travailler les chansons d'une manière différente nous a permis de nous remettre en question. En partant par exemple d'une guitare acoustique et de la voix de Simon, nous espérions arriver à des résultats différents, ce qui a été le cas.

Quand avez-vous réalisé que le travail sur l'album touchait à sa fin ? Que le résultat se rapprochait de vos attentes ?

Simon : Lors de l'enregistrement de tous nos autres disques, nous avions toujours fixé une date précise pour notre sortie du studio, mais pour la première fois, quelques jours avant la fin, nous n'avions pas conscience que nous étions prêts. Je pense que cela est lié en partie à notre collaboration avec Rich Costey. C'est une personne au fonctionnement « illogique », il ne fait rien dans un ordre classique. D'habitude nous commencions par la batterie, puis la basse, le chant et ainsi de suite, mais Rich nous a poussés à procéder de manière très différente. Presque à l'envers. Wolves Of Winter est la première chanson à avoir été enregistrée, mais ce n'est qu'après l'avoir terminée que nous avons commencé à nous pencher sur la suivante.
James : De par le passé, il nous arrivait souvent de revenir sur une chanson pour la modifier après avoir enregistré de nouveaux éléments. Le fonctionnement que nous avons adopté pour ce disque nous a donné une plus grande ouverture d'esprit. Une fois qu'un titre était enregistré, nous décidions volontairement de ne plus revenir dessus et d'aller de l'avant.
Simon : Nous sommes des perfectionnistes et dès lors que nous étions concentrés sur une chanson donnée, nous cherchions donc à l'améliorer par petites retouches. Rendre la batterie ou la basse meilleure, chanter différemment... Le processus s'est révélé beaucoup plus vivant. Je pense que nous continuerons de cette manière pour les deux prochains disques, pour aller plus loin avec Rich Costey. Nous apportons les chansons et les idées et lui excelle pour l'architecture du point de vue musical, il nous permet d'appréhender notre musique d'une nouvelle manière. Nous cherchons vraiment à casser les règles et routines que nous avons mises en place au fil des années. Au début cela nous semblait difficile, il fallait faire preuve d'une grande patience, laisser les chansons se dévoiler... Nous n'avons pas choisi les chansons, les chansons nous ont choisis ! (rires)

Après une longue collaboration avec Garth Richardson, pourquoi avoir choisi de vous tourner vers un nouveau producteur, à savoir Rich Costey ?

Simon : Je pense que la décision de changer de producteur date de l'enregistrement d'Only Revolutions. Nous savions déjà que nous n'irions pas plus loin qu'Opposites avec lui. Un nouveau producteur nous pousse au changement, à rester éveillés et désireux de continuer à apprendre. Avec Garth, nous savions où nous allions, son profil correspondait à nos envies du moment. Le travail réalisé sur Puzzle, Only Revolutions puis Opposites était global, comme une œuvre en elle-même. Pour ouvrir un nouveau chapitre, il nous fallait un producteur différent avec de nouvelles méthodes de travail. Nous cherchions quelqu'un nous permettant d'aller à l'opposé... d'Opposites ! (rires) Rich n'est pas à proprement parler un producteur dédié au rock, il est très ouvert. Nous aimons autant ce qu'il a pu faire avec Fiona Apple que The Mars Volta, Muse ou même Mew. C'est d'ailleurs son travail avec ces derniers que nous apprécions le plus. Il a même travaillé sur du jazz ou du hip-hop durant sa carrière, c'est ce genre de petits détails qui a piqué notre intérêt. Nous sommes un groupe de rock, je pense que nous sommes doués pour ça, et nous n'avions donc pas besoin d'un producteur spécifique au genre pour nous expliquer quoi faire de ce point de vue. Rich a été très important dans sa manière de nous apprendre à mieux utiliser le studio et les outils à notre disposition.
James : Rich nous présentait sans cesse de nouvelles choses, de nouveaux outils. Cette découverte constante durant l'enregistrement était fantastique, c'est quelque chose que nous n'avions encore jamais connu jusqu'à maintenant.
Simon : Garth m'a permis de réaliser des choses dont je rêvais lorsque j'avais quinze ans. C'était génial mais cela n'aurait eu aucun intérêt de le réitérer encore sur un disque de plus.

Nous sommes revenus à la base de nos travaux. Une sorte de renaissance pour tous les trois.

Quelle est la signification du titre de ce nouvel album, Ellipsis ?

Simon : Il faut ici comprendre le mot « ellipsis » comme la série de trois points à la fin d'une phrase. Nous avons consacré environ dix-huit mois de nos envies à donner naissance à ce disque, et nous en sommes arrivés au moment où nos fans vont pouvoir découvrir notre travail, où le disque va prendre vie. Nous existons en tant que groupe mais à la base nous sommes trois individus, trois points en quelque sorte. Il m'est difficile d'expliciter concrètement le sentiment qui nous habite par rapport au titre et à la pochette que nous avons choisis pour ce disque, mais je pense que nous sommes revenus à la base de nos travaux. Une sorte de renaissance pour tous les trois, ensemble, sans artifices. Je pense que l'artwork illustre mieux cette idée que des mots. Nous avons adoré travailler avec Storm Thorgerson pour nos visuels de par le passé, mais suite à son décès il nous semblait inenvisageable de chercher à recréer ses travaux avec une autre personne, nous avons choisi une voie différente.

Les quelques concerts donnés ces dernières semaines vous ont permis de présenter une partie du disque sur scène. Quel a été votre ressenti par rapport à l'interprétation de ces nouvelles chansons et aux réactions du public ?

Simon : Il ont tout détesté ! (rires)
Ben : D'où j'étais situé, les réactions m'ont semblé plutôt bonnes ! (rires)
James : Lorsque tu joues des chansons pour la première fois, tu es très concentré sur ta façon de jouer pour ne rien louper. Il nous faut nécessairement un peu de temps pour nous rôder et faire honneur aux nouvelles chansons. C'est pour cela que nous sommes impatients de pouvoir donner le plus de concerts possibles, pour progresser.
Simon : Nous vivons comme un nouveau départ. C'est une chose que d'enregistrer des chansons en studio, mais commencer à les jouer ensuite en public sur scène en est une autre. Je ne m'attends pas à ce que le public soit immédiatement conquis par les nouvelles chansons, il faut du temps pour les découvrir et appréhender, mais en un sens je trouve cela plutôt excitant. Ce nouvel album va de toute manière nous guider et accompagner durant les deux ou trois prochaines années.

Vous allez consacrer l'été aux festivals au Royaume-Uni ainsi qu'en Europe, notamment avec une seconde apparition en tant que tête d'affiche à Reading et Leeds en août...

Simon : C'est fantastique ! Les organisateurs des festivals de Reading et Leeds ont fait preuve d'une incroyable confiance en nous en nous programmant en tête d'affiche à nouveau. La dernière fois, notre venue coïncidait avec la fin de près de deux années de tournée, mais cet été notre nouvel album ne sera sorti que depuis quelques semaines ! Retourner là-bas si rapidement est assez bizarre, nous avons l'impression de tricher en quelque sorte ! (rires) Cela reste malgré tout un festival que nous connaissons par cœur. J'ai énormément de souvenirs de concerts vus là-bas, par exemple At-The Drive-In ou Mogwai. La dernière fois nous étions plutôt nerveux, mais cette fois-ci nous allons beaucoup plus en profiter en parallèle à notre propre concert. Nous avons joué une fois en tête d'affiche désormais et nous savons que nous avons les épaules assez larges pour le faire une seconde fois.