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BirdPen

Interview publiée par Olivier Kalousdian le 26 août 2016

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Début 2016, les partis politiques anglais (et au-delà) battent le pavé et la campagne pour prêcher la bonne parole. Celle qui fera pencher la balance entre le Oui et le Non pour le Brexit. Fins connaisseurs de la politique anglaise et constamment à l'écoute du climat social de leur royaume, Dave Pen et Mike Bird ne se font aucune illusion. Une nouvelle campagne politique pétrie de bonnes intentions, en paroles, mais démagogique pour ne pas dire mensongère, une fois le vote passé. Alors que la tournée de In The Company Of Imaginary Friends bat son plein et en parallèle avec leurs importantes collaborations (Archive, We Are Bodies...), BirdPen va écrire et enregistrer O' Mighty Vision, quatrième et sûrement meilleur album du duo issu de Southampton. « Faisons un album sur le mensonge » proposera Dave Pen à Mike Bird.

Le résultat est un petit bijou de rock atmosphérique, parfaitement taillé pour la scène. Bénéficiant d'un nouveau line-up avec l'arrivée de deux jeunes musiciens, Rob Lee et Yas Clarke, Dave et Mike dont la créativité est au zénith marquent un peu plus profondément de leur empreinte le paysage rock actuel.

Vous voici de retour avec le quatrième album de Birdpen, O' Mighty Vision. En moins de deux ans, Mike et toi vous avez oeuvré aux sorties de deux albums d'Archive, deux Birdpen et un de We Are Bodies (Dave Pen seulement). Comment trouvez vous le temps et l'inspiration pour mener à bien autant de projets ?

Dave : Malgré le soleil et la chaleur qui inondent toute l'Europe aujourd'hui, tu n'es pas sans savoir qu'il a fait un très sale temps en Angleterre ces derniers mois ! Un moment particulier qui appelait une réponse de notre part. Et puis, dans cette industrie particulière qu'est la musique, il ne faut jamais perdre de temps. Quand tu as la chance d'avoir un public intéressé par tes créations, tu te dois de faire ton maximum. Et quand, en plus, tu as l'opportunité de pouvoir sortir des disques, tu n'as pas le droit de laisser passer cette chance. Sans parler du fait qu'en tant que groupes, nous sommes constamment sur le fil du rasoir à l'époque actuelle et il nous faut alimenter notre imagination, notre créativité et nos tournées. Trouver du temps n'est qu'une question d'envie, de motivation et d'organisation.

Votre album, O' Mighty Vision sortira le 26 août prochain, soit le même jour que le nouvel album de Céline Dion !

Dave : Merde ! Ça fait des années que je dis qu'il faut qu'on parle à Céline pour qu'elle évite de sortir ses disques en même temps que nous. Mais, cette fois c'est nous qui allons faire de l'ombre à sa sortie avec O' Mighty Vision (rires) !

Birdpen étaient sur la scène du Batofar à Paris, en avril dernier et, sur scène, il semble que votre line-up était modifié ? Idem sur l'album O' Mighty Vision ; Smiley semble moins présent à vos cotés, contrairement aux précédents disques ?

Dave : C'est vrai. Nous avons pensé que c'était le bon timing pour changer notre line-up sur scène. Rob Lee, qui est bassiste de Friendly Fires en live et Yas Clarke, un bidouilleur d’électronique originaire de Bristol, ont rejoint le groupe. Ce sont deux supers musiciens qui ont très vite compris où nous voulions aller avec Birpden. Smiley, qui a son propre groupe à gérer, ainsi qu'Archive et toutes ses collaborations, est moins présent sur O' Mighty Vision. Il a quand même participé à deux titres de l'album, Trust et The Solution Is The Route Of All My Problems.

Les gens sont manipulés par des leaders qui animent les syndromes de la peur et de l'ignorance.

Tu faisais allusion au Brexit en début d'interview. L'écriture de O' Mighty Vision a eu lieu durant ce référendum et la campagne qui l'a entouré. En quoi cette campagne a pu influencer l'écriture de O' Mighty Vision ?

Dave : Tu sais, c'est toujours la même histoire que nous servent les politiciens. Toujours les mêmes peurs sur lesquelles jouent les plus démagogues. Comme un plan marketing bien huilé, accompagné de promesses qui ne sont que du vent pour inciter les gens à aller voter. Une fois que c'est fait, ils disparaissent avec leurs promesses. Tout cela rend les gens malades ! Ces derniers mois ont été – pour Mike et moi en tout cas – le plus grand bouleversement que l'Angleterre ait connu depuis des décennies. Tu vois tout cela arriver et tu n'y crois pas, au fond. Mais, si. Les gens sont manipulés par des leaders qui animent les syndromes de la peur et de l'ignorance et il arrive le Brexit. Quand nous écrivions O' Mighty Vision, nous ne pouvions pas imaginer que le Brexit arriverait, mais nous avons écrit quelques textes qui anticipaient ce qui pouvait se passer ou qui s'était déjà passé et celui-ci rend certaines de nos chansons encore plus fortes et plus pertinentes dans le contexte d'aujourd'hui.

Tu as déclaré que s'attaquer à la politique, c'est comme s'attaquer à Godzilla ; nous n'avons aucune chance de gagner ! D'un autre coté, tu dis avoir écrit cet album pour s'attaquer au « mensonge » et donner un espoir de changement à ceux qui l'écoutent. C'est assez contradictoire ? Penses-tu que les groupes, de rock notamment, devraient être plus engagés, notamment sur le plan militant, si ce n'est politique dans les temps difficiles ?

Dave : Une partie de moi même pense que oui, car quand on a la chance d'être un porte-voix, il faut le mettre à profit dans le bon sens. Généralement, la musique pousse les gens à réfléchir et à penser par eux-mêmes, loin des manipulation et des jeux de pouvoirs... Cela peut être dangereux, car il ne faut pas que l'artiste lui-même se prenne au jeu d'une politique artistique qui serait trop marquée d'un bord ou de l'autre et il a aussi une responsabilité quant au libre arbitre d'un public, hétéroclite par définition. Mais... au plus j'y pense et au plus je me dis que tu as raison. Merde ! Oui, les artistes devraient s'engager un peu plus pour démonter les thèses puantes qu'on nous sert de plus en plus dans les médias et ailleurs !

Depuis juin, une partie du Royaume-Uni ayant choisi le Brexit, vous avez un nouveau gouvernement qui s'est éloigné de l'Europe. Toi et Mike qui travaillez régulièrement avec des européens comme Jerome Devoise (ingénieur du son d'Archive), Robin Foster (We Are Bodies) et beaucoup d'autres encore, qu'est-ce que ce Brexit va changer pour vous ?

Dave : Je pense que cela ne va rien changer du tout. Par contre, j'espère sincèrement que cela ne va pas rajouter des problèmes aux groupes anglais pour aller jouer ou travailler librement et sans entraves en Europe. Notamment au niveau des visas ou des licences... Pour moi, c'est une grande satisfaction et un grand honneur que de pouvoir, en tant que citoyen anglais, aller jouer en Europe et me sentir un peu chez moi, quelque soit le pays dans lequel je me trouve. On se sent vraiment comme des résidents européens en tant qu'artistes. La plupart des artistes anglais étaient contre ce Brexit, bien entendu. Les artistes sont des penseurs libres. Ils ne veulent pas de ces frontières ! Réaliser que 52% du Royaume-Uni a choisi la voix du renfermement me rend vraiment triste. La seule bonne nouvelle, c'est que comme à chaque coup dur, à chaque recul, cela donnera vie à des créations et des réalisations encore plus engagées et de qualité.

Revenons à O' Mighty Vision. Où s'est déroulé son enregistrement ?

Dave : Dans un endroit appelé The Barn. Ce n'est pas à proprement parler un studio de musique. C'est une sorte de maison d'amis qui appartient à mon beau-père dans la New Forest située dans le Hampshire. Il nous a proposé d'occuper les lieux pour écrire et enregistrer cet album, ce que nous avons fait. C'est situé en pleine nature, avec nos familles toutes proches. Nous nous y sommes sentis tellement bien que nous avons décidé de déménager tout notre équipement sur place pour y enregistrer les sessions studio. Nous avons écrit dix-huit titres en tout. Pour finir avec les huit titres de O' Mighty Vision, au final. Sachant exactement ce que nous voulions, nous avons produit nous-mêmes le disque avec Mike et supervisé tous les arrangements.

Le premier single du disque se nomme The Chairman. Un titre éponyme d'un vieux film d'espionnage avec Gregory Peck...

Dave : A l'origine, le titre se nommait The Chairman Of The Board. Mais c'était un trop long. Encore une fois, ce titre reprend les thèmes dont nous parlions concernant nos sociétés dirigées par la finance et les litanies qu'on nous sert matin, midi et soir sur la politique en général.

Quand tu n'as pas beaucoup de moyens financiers à ta disposition, tu te dois de tout savoir faire.

Le clip qui accompagne ce titre est très percutant et je crois savoir que, là aussi, c'est un travail que vous faites en DIY avec Mike ?

Dave : Effectivement, j'ai assuré le montage du clip moi-même sur des images d'archives. Quand tu n'as pas beaucoup de moyens financiers à ta disposition, tu te dois de tout savoir faire dans un groupe (rires) ! Idem pour l'artwork que j'ai également assumé. Je savais où nous voulions aller et il était presque plus simple pour moi d’assurer ce travail à partir de nos idées. Nous ne sommes pas contre les collaborations, au contraire. Mais, avec un budget si restreint, nous avons choisi de dépenser le peu d'argent que nous avions dans la promotion de l'album plutôt que sur ces postes là.

The Solution Is The Route Of All My Problems, quatrième chanson de l'album, n'est pas seulement le titre le plus long de Birdpen jusque là, avec plus de douze minutes, mais un titre aussi surprenant que réussi. Quel est son sens ?

Dave : Cela parle de frustration, si ce n'est de rébellion populaire ! Quand les gens souffrent et qu'ils se disent : Assez ! Quand les gens ressentent le besoin de liberté et de démocratie – ce qui n'est encore qu'un projet politique. Dans ce titre, nous avons voulu exorciser cette frustration et relâcher la pression qui est ressentie par bien des peuples, aujourd'hui.

O' Mighty Vision symbolise sûrement l'album le plus abouti de Birdpen. Celui qui définit le mieux ce qu'est votre collectif. N'est-ce pas difficile, parfois, de penser, écrire et chanter, de manières différentes pour trois groupes à la fois ?

Dave : Ça peut l'être... Mais ce sont des questions et des problématiques auxquelles je ne me confronte pas particulièrement. Pour parler de Birdpen, la force de ce groupe c'est la très forte relation que nous entretenons, Mike et moi. Les chansons de Birdpen viennent de manière « organique ». Presque facilement je dirais... C'est comme une explosion de nos pensées communes, très rapidement concrétisées et mises sur le papier. Quand j'écris des chansons pour Archive, le concept est si différent que cela m’entraîne vers d'autres modes de pensées. Quand à Robin Foster et We Are Bodies, le ton et les sujets sont assez distants pour que je trouve une autre forme d'inspiration. Dans Birdpen, la pensée est surement plus libre et moins contrainte par une style ou une ligne directrice. Il n'y a que Mike et moi. Il n'y a pas d'autres paramètres artistiques ou humains à prendre en compte.

Il y a une grande tournée d'annoncée pour la sortie de The False Fondation, le prochain album d'Archive, au mois d'octobre 2016 avec un passage à la salle Pleyel à Paris. Quand aurons-nous la chance de voir jouer Birdpen pour la tournée, O' Mighty Vision ?

Dave : Nous allons attendre que l'album s'installe tranquillement après sa sortie. Nous travaillons à une tournée O' Mighty Vision pour début 2017. Ce sera sûrement une des plus grandes tournées que Birdpen ait entrepris, depuis ses débuts.