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James

Interview publiée par Emmanuel Stranadica le 9 septembre 2016

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Cela faisait vingt-trois ans que James ne s'étaient pas produits en France, c'est dire l'émotion à l'idée de retrouver le groupe sur la scène du Trabendo à Paris en juin dernier. Cerise sur le gâteau, Sound Of Violence a obtenu l'exclusivité de rencontrer Jim Glennie et Saul Davies, respectivement bassiste et guitariste du groupe. Bavards et espiègles, les deux mancuniens nous ont parlé de la reformation de James et de l'enregistrement de leur dernier album. Retour sur cette belle rencontre.

Pourrait-on savoir ce qui vous a donné l'envie de reformer James ? D'ailleurs aviez-vous vraiment splitté ?

Jim : Nous avions bien splitté. L'année qui a précédé notre séparation, il y avait un réel dysfonctionnement dans le groupe. Nous rencontrions beaucoup de problèmes relationnels entre nous. En même temps, l'album Pleased To Meet You était une forme de processus de guérison pour nous. Mais en fait, l'idée de nous retrouver à l'écart de James nous paraissait comme quelque chose de horrible et de particulièrement désagréable. Aussi, nous avons travaillé là-dessus pendant des années en laissant de côté ce qui nous desservait. Bien sûr, ce ne fut pas une partie de plaisir, mais il était nécessaire que nous prenions de la distance afin de panser nos blessures. Nous avons beaucoup changé suite à cet éloignement. Le fait d'avoir des enfants pendant ce temps nous a été très bénéfique. Je pense que nous apprécions maintenant James d'une manière différente. Nous étions dans le groupe depuis longtemps avant de splitter. Lorsque nous nous sommes reformés, nous avions l'idée d'écrire de nouvelles chansons. Ce que nous avons d'ailleurs fait. Musicalement, nous avions d'emblée des choses à dire, mais nous n'étions pas certains que les relations entre nous fonctionneraient aussi facilement. C'était primordial que ces deux points fonctionnent pour envisager cette reformation. Nous avons travaillé très dur sur ce second point, pour nous assurer que la communication entre nous soit enfin bonne.
Saul : J'aimerai revenir sur la manière avec laquelle cela a fonctionné entre nous. En fait, à un moment donné, chacun d'entre nous avait des choses à dire, mais le fait de les dire n'aurait pas permis d'aller dans le bon sens. Avant 2007, nous étions un peu dans une situation où chacun pensait de l'autre : "Toi tu es un con, toi tu es un con, toi tu es stupide, toi tu es un alcoolique, etc...". Et à partir de 2007, chacun d'entre nous s'est montré bien plus précautionneux. Nous sommes devenus davantage responsables. Et je dirai que les relations au sein du groupe n'ont jamais été aussi bonnes, probablement même davantage qu'au début du groupe, dont je ne faisais pas partie à l'époque, lorsque vous étiez encore de jeunes mecs !
Jim : Tout à fait ! Et nous ne voulons plus de frictions entre nous. C'est très différent des années 90.
Saul : Occasionnellement, Jimmy et moi allons faire un tour en moto, pour nous évader quand on sent qu'un peu de tension monte, mais ce n'est jamais vraiment houleux. Et puis ça donne la possibilité d'aller boire une tasse de thé (rires). Etre dans un groupe, c'est se retrouver entre amis mais c'est également notre travail. Nous devons travailler avec notre cœur. Peut-être que tu n'es pas ami avec les gens qui travaillent avec toi, et tes amis ne sont pas les personnes avec qui tu travailles. Mais dans un groupe c'est différent. Lors d'une séparation, tu perds des amis et tu perds ton travail. Nous sommes liés. Trente ans ensemble ce n'est pas rien. Nous verrons dans le futur si tout s'arrête naturellement ou pas, si quelqu'un meurt accidentellement par exemple, ou si malheureusement nous ne sommes plus capables de nous retrouver ensemble et sommes contraints de nous séparer. Mais en ce moment, nous sommes heureux ensemble et nous sortons des disques qui sont les meilleurs que nous ayons sorti. De plus les gens se montrent réactifs à notre musique, ce qui est super ! Du coup, sauf, si nous nous mentons les uns aux autres, incluant les journalistes et les fans (rires), il n'y a aucune raison que nous arrêtions de sortir des disques. Après trente-cinq ans de carrière, ce serait une catastrophe que tout soit basé sur un résidu de mensonges. Les réactions sont très positives sur nos concerts et nos nouvelles chansons. Aussi nous continuerons peut-être encore pendant dix ans ainsi, peut-être même davantage, qui sait ?
Jim : Cela fait presque dix ans que nous nous sommes reformés et pourtant j'ai l'impression que c'était hier. Tout est passé à une vitesse phénoménale.
Saul: Je signerai bien pour dix années supplémentaires mais en même temps je me sentirai probablement trop vieux. J'aurai alors plus de soixante ans. As-tu vraiment envie d'être sur scène à cet âge-là? (Il mime une vieille personne sur scène). Pas du tout ! (rires)
Jim : Je vais te dire un truc. Nous avons signé un contrat de trois albums avec BMG, notre maison de disques. Nous avons donc deux autres disques à sortir chez eux. Pour y parvenir, ça pourrait prendre cinq ou six ans, voire plus. Au final, ce n'est pas loin des dix ans dont tu parles.
Saul : Et ensuite, ce sera la tournée d'adieux, le Best Of final, le retour final, etc... C'était la première question, nous allons rester là toute la nuit ! (rires)

Durant cette période de séparation, Tim a sorti un album solo. Mais j'ai l'impression qu'il n'a jamais souhaité être reconnu en tant que tel, que reformer James lui semblait être une finalité, à la différence de Morrissey qui ne reformera jamais The Smiths...

Jim : C'est difficile de répondre à sa place...
Saul : Tim pourrait bien entendu te répondre. Il a sorti pas mal de choses en solo. Il a composé pour des films, il a participé au spectacle Manchester Passion, il a fait du théâtre, il a sorti des disques, etc... Je ne pense pas que Tim ait été particulièrement concerné par le fait de devenir une star. Il voulait sortir un ou deux disques mais n'a jamais été déterminé à ce que ceux-ci rencontrent du succès. Nous pensions que lors de notre séparation, nous avions définitivement splitté, mais notre présence ici est bien la preuve que ce n'était pas le cas. Mais il parait impossible que les Smiths se reforment un jour car ils se détestent les uns les autres !
Jim : Il y a eu énormément de problèmes au sein du groupe. C'est maintenant une affaire classée. Quand nous avons splitté, ça allait sans plus entre nous, mais nous ne nous sommes jamais retrouvés au tribunal ! Je ne crois pas que notre retour fut une réelle surprise. Je pense également que ce groupe mérite de s'arrêter sur une bonne note et non pas sur des tensions extrêmes entre nous. Je n'ai pas envie d'aller à la radio et cracher sur les autres membres de James une fois l'aventure terminée. Je suis heureux dans ce groupe et je n'ai qu'une envie c'est que cela reste ainsi jusqu'à la fin.

Parlons un peu musique, le nouvel album est...

Saul : Nul ! Fin de l'interview, merci ! (rires)

Lorsque nous nous sommes reformés, nous savions exactement vers où nous voulions aller.

Le disque le plus électronique que vous ayez sorti, à l'exception de Wah Wah, qui est un disque un peu à part dans votre discographie. C'est une évolution naturelle de votre musique qui a voulu ça ?

Jim : Lorsque nous nous sommes reformés, nous savions exactement vers où nous voulions aller. Hey Ma est un classique de James. Puis nous avons sorti deux mini-albums qui étaient un peu plus mélodieux. Alors on s'est demandé ce qu'on allait faire ensuite, quelle direction nous allions prendre ? Nous ne savions pas exactement ce qu'on ferait. Aussi, nous avons expérimenté en studio. C'est finalement ce qu'on a souvent fait au sein de James.
Saul : Nous sommes souvent partis d'une idée de quelqu'un du groupe et nous avons travaillé autour de celle-ci.
Jim : Pour Hey Ma, il n'y avait pas de plan originel, mais nous étions de nouveau vraiment très proches. Comme à chaque fois on s'est dit que cet album serait le dernier. Et puis il y a eu La Petite Mort et maintenant Girl At The End Of The World. Nous essayons après chaque album de réagir par rapport au disque précédent, de faire quelque chose de plus sonique, de vraiment différent. Pour Hey Ma, nous ne pouvions pas nous référer à l'album antérieur car il était bien trop ancien puisqu'il datait de notre séparation. Considérons que c'est un disque de James relativement classique. Pour La Petite Mort, nous désirions vraiment quelque chose de différent. Il y avait à cette époque ce retour vers les années 80 et nous étions en plein enregistrement du disque. Max Dingel, le producteur de l'album, nous a apporté un son très massif et nous a poussés à travailler avec de nombreuses boucles musicales. Nous avons pris un plaisir fou à faire ce disque. Cette manière de travailler nous a donné envie de retourner en studio rapidement et d'utiliser le même processus dans le même studio toujours avec Max. Mark, notre claviériste, a donné une sacrée identité à La Petite Mort et à James d'une manière générale. Il a toujours été présent mais je pense qu'il s'est probablement perdu pendant pas mal de temps dans notre son et on ne le remarquait plus vraiment. Sur cet album, nous avons essayé de lui donner davantage d'espace et nous avons beaucoup aimé cela. Aussi, nous avons renouvelé l'expérience pour Girl At The End Of The World.
Saul :Pour ce qui est des éléments électroniques, ils étaient déjà très présents sur Gold Mother. D'une manière très simple, mais c'était déjà là. Je pense que sur ces deux derniers disques, on est un peu devenus comme New Order. Nous avons énormément de différences avec eux : l'esthétique, les vêtements, les pochettes de disques, le chanteur, les paroles... Mais à côté de cela, il y a une réelle similarité avec nous. Les instruments que nous utilisons, notre bassiste qui ne joue pas des parties de basses traditionnelles, Jimmy fait des dj-sets parfois. Ce sont deux groupes de Manchester qui se ressemblent énormément au final ! (rires)

De qui parle Tim dans la chanson qui ouvre l'album, Bitch ?

Saul : Il parle de lui-même. Le terme bitch est une manière très américanisée de parler de soi en se plaignant. C'est l'idée de la chanson.
Jim : Il n'hésite pas à se ridiculiser pour se moquer de la manière de s'exprimer des américains.


Je ne sais pas si vous vivez toujours en Angleterre, mais le fait que Tim vive en Californie a-t-il pu influencer votre musique ?

Saul Je pense que c'est le cas car nous ne nous voyons plus autant qu'auparavant. Aussi, lorsque on se retrouve, pour écrire par exemple, ces moments sont vraiment intenses. Cela a tout changé, surtout notre son, mais dans le bon sens du terme. Lorsque on est tous ensemble pour écrire des chansons, tu imagines l'intensité qu'il peut régner dans le studio ! Et bien entendu, notre manière de vivre et l'endroit où nous habitons jouent un rôle dans notre manière de composer, de jouer même. Quand nous nous sommes séparés, cela a créé de la distance entre nous, mais cette distance fut également bénéfique. Il y a des moments où j'adorerai que nous vivions tous ensemble, un peu comme des singes en communauté (rires). Cela nous permettrait de travailler très souvent ensemble, mais la distance a permis de réévaluer nos rapports ainsi que notre musique.
Jim :Nous avions besoin de ce break. Quand on vit ensemble, on n'arrête pas de travailler à 5 heures du matin le dimanche, et on se retrouve le lundi matin. C'est la vie ensemble en permanence, sept jours sur sept, pendant des semaines ou des mois, et au final, tu en as marre. Tout le monde connait ce genre de situation. La géographie de nos lieux de vie respectifs nous oblige à être davantage disciplinés, consciencieux. Nous gardons le contact entre nous de façon très régulière, mais nous possédons cet espace dont chacun de nous a besoin.

Alvin est chanté en français par Tim. C'était son idée ?

Saul : Lorsque nous avons composé la chanson, nous étions en studio en train de jammer, d'improviser. Et Tim s'est mis à jammer des mots. Ces mots sont venus avec la mélodie. Mais au final, si ces mots sont en français, la chanson ne sonne pas vraiment de la sorte ! Alvin fait référence à Alvin Stardust, un chanteur de rock'n'roll britannique. Il est mort il y a quelques années de cela. Le rythme de la chanson est très rock, comme le chant d'Alvin Stardust. D'habitude nous n'écrivons pas ce genre de chansons. C'est un peu drôle, un peu effronté, et Tim a voulu y ajouter une couche supplémentaire en incorporant des éléments de français. Et bien entendu à chaque fois que nous la jouons, nous nous disons : "Il faut qu'on revienne en France !" (rires).

Au final, qui se cache derrière la Girl At The End Of The World?

Jim : Spécifiquement, la chanson est liée à un événement survenu près de l'endroit où Tim vit. Il y a beaucoup d'accidents de voitures par-là, notamment à cause de vents violents. Lorsque tu es sur le point de mourir, on raconte que tu vois ta vie défiler devant tes yeux. Tu revois tous ces moments positifs qui ont fait partie de ton existence. Girl At The End Of The World c'est la dernière fraction de seconde que tu vois à ce moment-là, cette toute dernière image. Tim pourrait t'expliquer cela mieux que moi, mais c'est ce qu'il entend par là.
Saul : Tu peux également faire ta propre interprétation du titre. Cela pourrait être la toute fin d'un arc-en-ciel. Un peu comme sur la pochette de l'album.