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The Divine Comedy

Interview publiée par Emmanuel Stranadica le 29 août 2016

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The Divine Comedy est de retour ! Après six longues années d’absence, Neil Hannon sort un nouvel album, Foreverland, et se lance dans une longue tournée européenne. Nous avons eu la chance de rencontrer le britannique lors d’un passage à Paris en tout début d’été. Drôle, distingué et passionnant, Neil Hannon nous parle de son album, de rééditions, de David Bowie et conseille Morrissey.

Pourquoi a-t-il fallu attendre six années pour qu'un nouveau disque de The Divine Comedy voit le jour ?

Ça a pris six ans, mais pendant tout ce temps je ne suis pas resté assis sur le sofa en train de regarder la télévision. J'ai fait d'autres choses, la plupart assez ésotériques, pas vraiment populistes (rires). J'ai gardé les morceaux pop pour mon album.

Tu n'as pas connu le syndrome de Morrissey qui prétend avoir un ou plusieurs albums prêts à sortir, mais n'a pas de maison de disques pour les sortir ?

C'est tout de même extraordinaire. J'ai ma propre maison de disques mais je dois posséder environ 1% de son argent! Sors tes disques, ce n'est pas compliqué ! Va chez PIAS ! (rires)

Est-ce que les chansons de Foreverland ont été composées il y a longtemps de cela, ou est-ce que les compositions sont relativement récentes ?

J'ai commencé à travailler sur ce disque, il y a trois ans de cela. Une seule chanson de cet album est antérieure à cette période. Il s'agit de Napoleon Complex, qui bizarrement est un bonus track sur iTunes de mon précédent album. C'est une version différente. Ne l'écoute pas, c'est horrible ! (rires) Mais j'aimais beaucoup cette chanson et je me suis dit qu'elle méritait mieux que cela et qu'elle devait figurer sur un autre disque. Du coup, je l'ai sauvée. Et je trouve que c'est une belle histoire puisqu'elle termine l'album précédent et elle débute celui-ci (rires). Bref, j'ai donc commencé cet album il y a trois années et j'avais décidé de faire un disque synthétique. Je me suis retrouvé avec quatre ou cinq chansons dans cet esprit et j'ai réalisé que je n'étais pas suffisamment bon pour sortir un album de ce style. J'ai joué une de ces chansons au piano et me suis dit : « Ça sonne bien. Faisons un disque avec orchestre comme d'habitude ! » (rires). A l'époque où j'avais d'étranges idées sur la manière de faire ce disque, c'était un moment un peu mouvementé pour moi. C'est un peu comme pour les écrivains qui se lancent dans l'écriture d'une nouvelle et qui doivent dépasser la peur de la page blanche. Cela nécessite des exercices d'écriture automatique. Pour la musique, c'est probablement la même chose en prenant un instrument dont tu ne sais pas jouer (rires).

Est-ce que l'album a une connotation historique, notamment avec les chansons Napoleon Complex et Catherine The Great ?

Pas exactement. Ce sont plutôt des méthodes de travail à propos de ma propre existence. Catherine The great est à 50% Catherine II de Russie et à 50% Cathy ma petite amie. Napoléon, ce n'est pas Napoléon Bonaparte, c'est quelqu'un de totalement différent. En fait, c'est moi en tant que grand dictateur. C'est un peu comme vouloir suivre une direction musicale et en même temps avoir de grandes idées et refuser que quiconque les contredise (rires). Mais, bien entendu, j'avais besoin de cet orchestre de quatre musiciens pour faire ce disque ! J'ai toujours été assez dictatorial, parce que c'est la seule façon pour que le disque puisse être réalisé. Je pense, d'un point de vue plus personnel, tout le monde essaye de contrôler son environnement et de dicter sa manière de vivre. Ce que j'essaye de dire, c'est que tout cela est vain et futile (rires). Tu dois simplement laisser les choses se dérouler. C'est mon Ziggy Stardust à moi !

Y a-t-il des connexions entre certaines chansons ? Par exemple: How Can You Leave Me On My Own et I Joined The Foreign Legion (To Forget) ? La conséquence de la première entraine la seconde ?

Oui, absolument. Tu as parfaitement compris le message. L'ensemble de l'album suit un fil conducteur. Cela parle de moi et de ma moitié. La chanson qui précède How Can You Leave Me On My Own est To The Rescue. Elle est liée au travail de Cathy qui dirige une association caritative qui sauve les animaux. Ce fut difficile au début car elle se retrouvait tellement impliquée dans son travail que je ne la voyais plus du tout. C'est, grosso modo, l'histoire du reste du disque.

Il est possible de communiquer à travers une multitude de moyens, mais aucun ne remplace le fait de se parler face à face.

Le disque concerne une relation particulière, la tienne, mais comment décrirais-tu les rapports humains à notre époque ?

Il est possible de communiquer à travers une multitude de moyens, mais aucun ne remplace le fait de se parler face à face. Je n'utilise pas vraiment les réseaux sociaux et les autres systèmes de communication. Cela a tendance à réduire notre capacité à nous concentrer. Je ne suis pas très bon en termes d'observation sur les comportements humains mais cela m'inquiète de voir autant ces systèmes se démocratiser. Cela rend les gens tellement égaux et grâce à cela des sales cons peuvent devenir aussi puissants que les autres individus. C'est un peu le chaos, enfin c'est mon avis. Et je m'en fous royalement de ces sales cons parce qu'ils resteront toujours des sales cons et dans tous les cas ils n'achèteront pas mon disque (rires).

Il y a dix-huit ans de cela, tu écrivais Generation Sex. Si tu devais écrire une chanson à propos de la génération actuelle, comment l'appellerais-tu ?

Je suppose que je l'appellerai la génération selfie. Ce serait la génération self !

Pourquoi la chanson Other People s'achève aussi brutalement ?

(Neil Hannon sort son iPhone et me fait écouter l'enregistrement de Other People qui figure dans ses mémos vocaux) Lorsque les mots me sont venus pour cette chanson, j'étais dans un hôtel à Londres. Je l'ai donc enregistrée sur mon iPhone comme bon nombre d'autres choses que j'archive avec. Quand je me suis replongé dedans, je me suis dit: « Super, je n'ai rien d'autre à dire sur ce sujet ! ». Les paroles me plaisaient tout comme le bruit des voitures qu'on entend derrière. Je l'ai donc gardée ainsi et me suis dit que ce serait une parfaite juxtaposition entre la partie vocale et les orchestrations. Toutes les personnes que je connais m'ont dit : « Tu ne peux pas laisser "blah blah blah" à la fin de la chanson ! ». Je leur ai dit d'aller se faire voir et je l'ai fait ! (rires)

On entend des applaudissements au début de I Joined The Foreign Legion (To Forget). Y a-t-il une raison particulière à cela ?

C'est juste un sample. Mais, pour cette chanson j'avais l'image d'un music-hall dans ma tête, et j'aimerai vraiment en faire une vidéo. Mais ça n'arrivera jamais car ce n'est pas un single. C'est un peu l'arrivée de Napoleon Complex dans ce théâtre victorien où ils donnent un concert pour recruter des volontaires qui veulent s'engager dans la légion étrangère.

Comment décrirais-tu The One Who Loves You ? C'est une ode à quelqu'un ou plutôt une manière un peu désespérée de dire à quelqu'un que tu l'aimes ?

Il y a beaucoup de désespoir dans cette chanson. J'essaye de convaincre quelqu'un de mes sentiments. Tu ne peux être trop précautionneux avec les relations, car les vraies histoires n'arrivent pas souvent. Aussi, tu dois t'en soucier et dire les choses ! (rires)

Ce disque est plutôt optimiste ou pessimiste ?

Il y a beaucoup d'honnêteté dans ce que je raconte. De toute façon, je pense que je n'ai jamais sorti de disque pessimiste. Sauf peut-être Regeneration (rires). Je suis plutôt quelqu'un d'optimiste et c'est un disque vraiment optimiste.

Peux-tu nous en dire un peu plus sur la pochette ?

C'est une photo que j'ai trouvée dans un vieux calendrier. Il semble qu'elle représente un ballet des années 1910 en Italie. Mais à côté de cela nous n'avons jamais réussi à trouver qui a peint cette œuvre. D'ailleurs nous ne cherchons plus après. Je suppose qu'un jour quelqu'un va nous tomber dessus et nous dire que nous n'avons pas le droit de l'utiliser (rires). C'est une belle photo mais la véritable raison pour laquelle elle figure sur la pochette, c'est parce que je n'ai pas arrêté de la regarder tout le temps où je préparais ce disque. Elle est donc devenue une partie de cet album. On y trouve d'ailleurs des liens avec les chansons. Il y a plusieurs chameaux dessus, on dirait qu'elle date de l'empire, les danseuses bien entendu... Et puis j'aime ses couleurs.

Liberation est un disque que je peux toujours jouer aujourd'hui. C'est à partir de celui-ci que tout a commencé pour moi.

Ton premier album, Fanfare For The Comic Muse, a maintenant vingt-cinq ans et est assez difficile à trouver. Une réédition est-elle envisageable ?

Non, parce que ce n'est pas un bon disque ! C'était mon premier essai et je ne savais pas quelle voie musicale j'allais suivre. Ce n'est pas que je ne savais pas ce que je faisais, mais je ne savais pas ce que je voulais. Ce disque est assez merdique mais il faut bien commencer un jour. Mais je ne le considère pas vraiment comme le début de ma série d'albums car il a si peu en commun avec mes autres disques... Liberation est un disque que je peux toujours jouer aujourd'hui. C'est à partir de celui-ci que tout a commencé pour moi.

Pas d'éditions Deluxe à venir de tes albums non plus?

On a discuté de rééditions, de coffrets... mais le problème c'est qu'il y a toujours quelque chose d'autre à faire avant. Et la difficulté première c'est que nous sommes une toute petite organisation. Il n'y a que moi et Natalie, ma manager. Nous prenons toutes les décisions ensemble. Ce qu'on a déjà fait a nécessité quasiment l'intégralité de nos vies. Nous ferons quelque chose de cool avec le back catalogue très prochainement. Mais, tu sais, j'ai toujours été davantage intéressé par les nouvelles choses que les anciennes. C'est toujours compliqué pour moi de m'assoir et me replonger dans le passé et de trouver des choses intéressantes qui ne sont pas connues. Si les gens possèdent déjà ce disque, que veulent-ils vraiment savoir de plus à son sujet ?

Tu as enregistré avec God Help The Girl. Tu es ami avec Stuart Murdoch ?

Je suis ami avec Stuart et Melissa, sa femme. On s'est rencontrés lors d'un festival en Espagne. Nous avions tous les deux donnés notre accord pour participer au festival à la seule condition de rester dans un bel hôtel (rires). Nous nous sommes retrouvés au même endroit et avons eu l'occasion de discuter pendant ces deux jours. Nous avons fini par collaborer. D'ailleurs je dois lui rappeler qu'il doit aussi collaborer avec moi sur un de mes disques !

Tu n'as jamais envisagé de sortir un disque sous ton propre nom ?

Je n'ai pas de raison particulière de faire ça. Tout le monde sait que je suis The Divine Comedy. Pourquoi sortirais-je quelque sous mon propre nom ? J'aime ce nom, The Divine Comedy, et j'ai de la chance car je ne savais pas ce que je faisais lorsque je l'ai choisi. J'avais juste besoin d'un nom. Aussi je m'excuse auprès de Dante mais je le garde ! (rires).

Tu as mentionné Ziggy Stardust tout à l'heure. Tu avais repris Life On Mars lors de la Black Session de Yann Tiersen pour France Inter. Comment as-tu réagi à l'annonce de la disparition de David Bowie ?

C'était une idée de Yann que je reprenne cette chanson. Bien entendu, sa disparition fut un choc et m'a attristé. Mais je ne peux pas dire que j'ai été dévasté. Tout simplement parce que ce n'était pas un ami proche. Je trouve toujours étrange que les gens soient en deuil suite à la disparition de quelqu'un qu'ils n'ont jamais rencontré. C'était la même chose avec Diana. Par contre, il a su parfaitement planifier sa mort en en faisant un drame. C'était assez bluffant et j'admire ça. David Bowie m'a toujours semblé être une veille figure. Je n'aime pas particulièrement ses albums mais il a écrit quelques-unes des plus grandes chansons que je connaisse. Il était tellement doué pour les singles... Ashes To ashes, Let's Dance, j'adore cette chanson, je m'en fous de ce que les gens peuvent en penser, car elle est géniale. De toute façon, tout ce que je viens de dire à son sujet n'a aucune importance et n'engage que moi.