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The Veils

Interview publiée par Pierre-Arnaud Jonard le 1er septembre 2016

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A l'occasion de la sortie du nouvel album de The Veils, Total Depravity, leur cinquième en date, nous avons eu l'occasion de rencontrer Finn Andrews, le leader du groupe, à Paris. Un jeune homme aussi charmant que charismatique qui nous explique la genèse de cet album ainsi que ses futurs projets hors musique aux côtés de David Lynch.

Il s'est écoulé trois ans depuis votre dernier album...

Trois ans, ce n'est pas très long. Comparé à My Bloody Valentine, on peut même dire que ce n'est rien. Ecrire, enregistrer, trouver de l'argent pour le disque prend beaucoup plus de temps qu'autrefois. L'économie de la musique est devenue très compliquée. Aujourd'hui pour enregistrer des disques, il faut vraiment en vouloir. C'est la phase d'écriture au final qui est la moins longue. Elle ne nous a pris que quelques mois.

L'album a été produit dans des lieux aussi divers que Lisbonne, Los Angeles, New-York ou Londres. Est-ce que cela a influé sur les morceaux ?

Pas tant que cela car lorsque nous sommes entrés en studio, les morceaux étaient déjà écrits. Mais je dois t'avouer un peu quand même. Nous étions à New-York en Janvier avec un temps terrible dehors, glacial comme tu ne peux l'imaginer. Il nous était impossible de sortir du studio avec ce temps donc là, oui, cela a influencé le ton des morceaux.

J'écris comme cela vient.

Nombre des morceaux de l'album font penser à une possible bande originale de film. Tu écris avec un esprit cinématographique en tête ?

J'aimerais avoir ce contrôle sur mon écriture mais je ne l'ai pas. J'écris comme cela vient. J'essaie de ne pas trop me prendre la tête au moment de l'écriture. Plus jeune, lorsque j'écrivais un morceau, je me disais « Tiens, là, j'ai un tube potentiel » puis je réécoutais et je me disais « Mais quelle merde ! ». Là, l'album vient de sortir depuis quelques jours donc je n'ai pas encore le recul nécessaire pour l'appréhender de telle ou telle façon.

A propos de cinéma, l'un de vos morceaux, Nux Vomica, avait été utilisé par Sorrentino pour Il Divo. Tu le connaissais ?

Pas du tout. Je ne connaissais même pas ses films. Depuis, j'ai appris à le connaitre et je suis devenu fan de son cinéma. J'ai beaucoup aimé La Grande Bellezza. J'ai adoré la façon dont il a utilisé notre morceau pour Il Divo avec ces images de chevaux courant dans Rome. Ce n'est pas du tout les images que j'avais en tête lorsque j'ai écrit le morceau et c'est cela qui est magique avec le cinéma.

Que ce morceau soit utilisé dans ce film a fait connaitre le groupe ?

Aux Etats-Unis, non, mais en Europe et principalement en Italie, bien sûr. Nombre d'italiens nous ont découvert ainsi.

Pour votre nouvel album, vous avez fait appel à EL-P de Run The Jewels pour la production. C'est étonnant qu'un groupe rock travaille avec un rappeur pour co-produire un disque, non ?

Ça pourrait effectivement paraître comme un choix étrange et souvent le mélange rap-rock ne prend pas mais EL-P était fan de notre musique et voulait bosser avec nous. J'aime beaucoup ce qu'il fait et je me disais que ce serait effectivement bien de collaborer ensemble. J'aime la façon dont il utilise la batterie, de façon très agressive. Tout s'est très bien passé. Cela a été une collaboration facile. On a essayé de prendre les meilleurs éléments de notre musique et de la sienne. Cela a été une collaboration fructueuse et basée sur l'échange.

Nombre de morceaux de l'album semblent tout droit sortis d'un imaginaire de film fantastique : Low Lays The Devil, Here Come The Dead, House Of Spirits, Do Your Bones Glow At Night...

Peut-être, je ne sais pas. C'est une interprétation possible. J'écris avec ce qui me passe par la tête. Des images fantastiques ou religieuses. Le côté fantastique des choses vient des tournées aux Etats-Unis, un pays vraiment étrange comme dans un film de Lynch. Tu vois tellement de choses gothiques aux Etats-Unis. Cela nourrit ton imaginaire.

Le disque parle de Ron Hubbard, de conducteur de camion psychopathe, du Pape, de Ingrid Bergman... D'où te vient tout cela ?

Je dois avoir un imaginaire riche (rires) !

Sur le dernier titre du disque, Total Depravity, tu chantes comme David Bowie. C'est un hommage que tu voulais lui rendre ?

Oui. Le fait que ma voix soit proche de la sienne est évidemment intentionnel. Total Depravity est le dernier titre que nous ayons enregistré pour ce disque et c'était juste quelques jours après la mort de Bowie. Il était important pour moi de lui rendre un dernier hommage.

Je veux toujours aller sur des terres inconnues.

Ton père a été l'un des membres fondateurs de XTC et était le musicien le plus expérimental du groupe. Ce goût pour l'expérimental te vient de lui ?

Je ne sais pas. C'est possible. Je sais que mon père voulait toujours jouer avec plein de gens différents, ne pas faire éternellement la même chose. Ceci nous est commun. J'essaie d'expérimenter sans arrêt, de ne pas répéter des choses connues. Si je faisais cela, je m'ennuierai. Je veux toujours aller sur des terres inconnues.

Le groupe a maintenant quinze ans. Comment vois-tu votre évolution au fil des années ?

Tout n'a pas toujours été facile. Cela n'a pas été un cheminement simple. Lorsque j'ai commencé le groupe, j'étais très jeune. J'avais 18 ans et étais très anxieux. J'étais terrifié à l'idée de monter sur scène. Je voulais faire de mon mieux et je ne savais pas si j'y arriverai. Tu n'as pas trop confiance en toi à cet âge là. Je suis heureux de pouvoir continuer à faire ce que j'aime le plus au monde, de la musique. Tant que je pourrais en faire, je serai heureux.

Tu as grandi en Nouvelle-Zélande, le groupe est basé à Londres. Vous vous sentez comme un « London Band » ?

Non. D'autant plus qu'il y a des gens de partout dans le groupe : un italien, deux néo-zélandais, un allemand...

J'ai vu que tu joueras dans la prochaine saison de la série Twin Peaks de Lynch. Tu peux m'en parler ?

Non, je ne peux pas t'en parler pour le moment. C'est secret. Je ne peux même pas te dire si j'y serai acteur et si nous en composerons la musique. Je peux juste te dire qu'effectivement, je serai de l'aventure.

Tu aurais envie de faire des choses en dehors de la musique ?

Réaliser des films me plairait. J'aime écrire des histoires. J'aime aussi le travail artistique, comme bosser sur les pochettes de disque.

Le groupe marche bien aux Etats-Unis et en Angleterre mais pas tellement en France. Comment l'expliques-tu ?

Notre premier album avait assez bien marché en France mais ensuite notre label de l'époque ne s'est pas trop préoccupé de la France. C'est dommage. Nous aimerions tourner davantage ici. C'est un pays que nous apprécions. Nous jouerons à la Maroquinerie à Paris en octobre. J'espère que ce concert en appellera d'autres.

Qu'as-tu, en tant que citoyen, pensé du Brexit ?

Une vraie catastrophe. L'Angleterre devient de plus en plus raciste avec une phobie de l'étranger. C'est un temps terrible qui s'abat sur toute l'Europe. Et pour les tournées, cela va certainement compliquer les choses. Mais je ne sais pas encore en quoi. Personne ne le sait pour le moment.