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TOY

Interview publiée par Olivier Kalousdian le 28 novembre 2016

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Après un léger changement de line-up (Alejandra Diez remplacée par Max Oscarnolds aux claviers) et plus d'une année de tournée suivant la sortie de leur deuxième album, Join The Dots, le quintet de Londres nommé TOY revient au devant de la scène avec Clear Shot.

Sélectionnés pour une apparition dans L'Album de la Semaine de Canal+, Dominic O'Dear (le plus prolixe), Charie Salvidge (le plus perché) et Max Oscarnolds (le plus nouveau) nous reçoivent aux studio 210 de la Plaine Saint-Denis, nouveau lieu de villégiature pour les enregistrements live de la chaîne cryptée.

C'est votre premier live pour l'Album de la Semaine sur Canal+. Est-ce que la chaîne rayonne encore outre-Manche ?

Dominic : Canal+ reste la chaîne qui investit dans de nombreuses productions cinématographiques d'envergure. Donc, oui, je pense que c'est encore une chaîne qui est très importante en Europe et dans le monde entier. Que Canal+ fasse confiance à un jeune groupe pour jouer en live plusieurs titres de son album – quasiment un concert en entier ! - démontre leur souci de la culture et de la nouvelle scène rock, en général.
Charlie : Pratiquement aucune chaîne d'Angleterre n'a désormais de programme basé sur la musique. Et quand il y en a encore, ils n'acceptent que deux ou trois titres au maximum comme dans le TV show de Jools Holland.

Vos deux premiers albums sont sortis plutôt rapidement, à un an d'écart. Mais le troisième, Clear Shot, vous a pris trois ans. Que s'est il passé pendant ses trois années pour TOY ?

Dominic : Nous avons été en tournée pendant plus d'un an et demi après la sortie de Join The Dots. Nos vies s'en sont trouvées assez chamboulées, du même coup. Mais elles ont également pris une voie qui est de plus en plus intéressante.

Nous ne pouvons pas nous arrêter de faire des démos et de penser au prochain album.

Vous avez réussi à prendre un peu de temps pour vous après ces quatre premières années très intensives ?

Dominic : Nous n'avons jamais cessé de sortir tous ensemble et de discuter de l'avenir du groupe tout en nous occupant de nos vies respectives.
Charlie : Nous ne pouvons pas nous arrêter de faire des démos et de penser au prochain album, mais la période de live après le deuxième disque a vraiment été intensive. Etre en tournée pendant une année entière, c'est assez fou comme agenda !
Dominic : Pour le quatrième album, je pense qu'on fera comme avec les deux premiers. On n'attendra pas très longtemps avant de sortir notre nouveau disque...

Ce qui implique qu'un quatrième album est déjà en route ?

Dominic : Oui. Nous avons déjà pas mal de titres de prêts.
Max : Nous avons de nombreux titres, issus des sessions de Clear Shot, que nous aimerions rapidement sortir sur un nouvel album.
Dominic : Nous avons enregistré près de trente titres pour Clear Shot. Mais nous n'en avons retenu que dix pour ce troisième album. Pour garder une atmosphère hétérogène au disque.

La dernière fois que nous nous sommes rencontrés, vous jouiez en première partie de Placebo dans ce qui était encore la salle de Bercy à Paris. Depuis, vous avez donné de nombreux concerts. Quel est votre meilleur souvenir de live après cette tournée d'un an ?

Charlie : Il y a en eu beaucoup... Mais je crois que jouer dans le sud est de l'Asie fut une vraie claque pour nous. Nous avons joué à Hong Kong, Tokyo, Taipei... Ce sont vraiment des endroits différents pour nous, européens.

Est ce que le public est aussi différente qu'on le dit dans cette partie du monde ?

Dominic : Je crois que oui. Quand nous avons joué au Summersonic à Tokyo, le public devenait complètement dingue à chaque concert de groupe non asiatique, peu importe qui ils étaient ou s'ils connaissaient le groupe en question. En Europe, le public, même ardent, sera toujours moins dingue qu'en Asie !
Charlie : Au plus tu t'éloignes de l'Angleterre et au plus le public est passionné. Même si le londonien est et restera notre meilleur public, quoi qu'il en soit. Néanmoins, ils sont témoins d'un très grand nombre de groupes naissants ou confirmés et ont un choix que les asiatiques n'ont pas. Ceci expliquant aussi cela.

Vous avez nommé ce troisième album Clear Shot. Pourquoi ? Pensez-vous que ce soit votre disque le plus lisible, le plus précis ?

Dominic : Je ne sais pas si c'est notre disque le plus « précis », mais ce qui est certain, c'est que c'est une image précise de ce qui se passait dans nos cerveaux respectifs à ce moment précis. Ce qui est le cas avec tous les disques, tu me diras... Nous avons cherché à représenter, musicalement, ce qui se passait émotionnellement et artistiquement entre nous à ce moment-là.

Il existe un lien entre des morceaux comme Dream Ochestrator et des anciens titres issus du prog rock des années 70...

Charlie : Pour ma part, je pense plutôt que c'est un des titres de l'album les plus modernes ! Mais, si tu penses à des groupes comme Soft Machine et leur jazz futuriste, alors je suis d'accord.
Dominic : Nous ne sommes pas vraiment attirés par le prog rock, en règle générale. Spécialement si tu penses à des groupes comme Yes (rires) ! Nous sommes plus attirés par les vieux sons psychédéliques des années 60 et 70 et, il est vrai que certains sons de ces années là ont donné naissance ou se rapprochent des sons prog rock qui sont nés ensuite.

Dans quelles émotions, et dans quelles influences, étiez-vous plongés pour l'écriture et l'enregistrement de Clear Shot ? Est-ce que vos méthodes de travail ont changé depuis Left Myself Behind ?

Dominic : Nous essayons d'avoir constamment un regard neuf tout au long des années et nous nous sommes concentrés sur d'autres influences musicales pour la création de Clear Shot. Cela se passe souvent sur la route, dans le Van qui nous transporte...
Charlie : Je pense que nous avons gardé les mêmes habitudes en ce qui concerne nos méthodes d'écriture. Souvent, nous nous rendons chez Tom ou Maxim pour écouter des démos qui viennent de chacun d'entre nous et nous travaillons tous dessus. Ce qui a changé pour Clear Shot, c'est l'enregistrement. Nous avons travaillé avec un producteur différent. Dan Carey qui était aux manettes pour nos deux premiers albums est et reste notre ami, mais nous voulions changer notre production.

Précisément. Pourquoi ne pas avoir refait confiance à Dan Carey, votre ami et avoir choisi David Wrench à la production et Chris Coady au mixage ?

Dominic : Nous avons rencontré David Wrench via Jeff Barret de Heavenly Recordings. C'est lui qui nous a suggéré ce producteur. Nous avons discuté avec lui et il nous a semblé en phase avec la direction que nous voulions prendre tout en nous apportant sa grande expérience, que ce soit en tant qu'artiste lui même ou producteur pour des groupes talentueux. Il a fait un excellent travail avec Julian Cope, par exemple.

Quel a été son apport pour Clear Shot ?

Dominic : Il a apporté beaucoup d'effets que nous n'avions encore jamais expérimentés. Il est très compétent en tant que producteur. Quant à Chris Coady, il a assuré le mixage de l'album et a appliqué nos idées en apportant sa touche personnelle. Nous avons beaucoup échangé avec lui sur différents titres qu'ils nous envoyaient de Los Angeles à Londres pendant la phase de mixage.

Pour le quatrième album, j'aimerais qu'on soit encore plus expérimentaux.

Quelle est la différence majeure entre les titres de Join The Dots et ceux de Clear Shot ? Avez vous pensé ces nouveaux titres pour le live ?

Max : Comme tu le sais, le line-up a changé, ainsi que notre producteur. Ces deux facteurs sont déjà de lourds changements dans le son et les titres du nouvel album. Bref, Clear Shot est différent de Join The Dots (rires).
Dominic : Pour le quatrième album, j'aimerais qu'on soit encore plus expérimentaux et qu'on ait, par exemple, notre propre studio pour pouvoir y travailler quand nous le voulons.

Vous avez dit des textes de Clear Shot qu'il faut les voir comme un rêve de Salvador Dali...

Dominic : (rires) Qui a dit ça ?
Charlie : C'est Tom. Mais, en fait il répondait à une question portant sur nos influences respectives et il a dit : "J'ai été largement inspiré par la séquence du rêve de Salvador Dali dans le film d'Alfred Hitchcock, Spellbounds".

Merci pour la précision... D'où viennent les influences des textes, notamment pour Clear Shot ?

Charlie : Tom écrit à propos de la vie qu'il voit. Que ce soit celles de ses amis ou la sienne. Mais le mieux serait que tu lui demandes...

L'un d'entre vous a également fait référence à l'auteur Thomas de Quincey et son livre Confessions d'un Mangeur d'Opium Anglais. Considérez-vous votre musique comme hallucinogène ?

Max : Oui, on peut dire ça comme ça... Nous aimons créer des atmosphères très particulières et hypnotiques, pour le moins. Ce qui peut être vu comme une attirance vers des trip hallucinogènes (rires).
Charlie : Je pense que nous avons été, par le passé, bien plus hallucinogènes qu'aujourd'hui. Notre son, aujourd'hui est plus lourd. Il se rapproche plus, notamment au niveau des guitares de Sonic Youth ou des Stooges. Notre son devient plus clair, avec le temps.

Vous êtes maintenant un groupe scruté et attendu et les médias sont nombreux autour de vous après les succès de TOY et Join The Dots. Quels sont les changements majeurs pour un jeune groupe quand le succès est au rendez vous ?

Dominic : En tout cas, cela n'a rien changé à la perception que nous avons de nous-mêmes ou de notre groupe. Je pense que nous avons su rester humbles. Bien sûr, comparé aux galères des débuts, nous avons gagné en confort, artistiquement parlant. Nous n'avons plus besoin de trimbaler nos instruments dans des taxis pourris ! Le niveau que nous avons atteint est très intéressant et satisfaisant à la fois. Mais nous continuons, fort heureusement, à apprendre tous les jours. Pour, peut-être, atteindre le niveau plus haut.

Justement. N'est-ce pas là le « bon niveau » ? N'est-ce pas implicitement dangereux pour un groupe comme vous d'atteindre un niveau au dessus ? Au risque de perdre un peu de son identité et de son étique ?

Max : Nous n'avons aucune prétention à devenir le meilleur groupe de l'univers ! A partir du moment où notre musique nous permet de vivre et de manger, nous sommes au bon niveau.

Accepteriez-vous d'écrire une bande son pour un film d'angoisse ou d'horreur ? Auxquels votre musique se prêterait relativement bien...

Dominic : Absolument ! On adorerait faire ça. Mais, au delà de la bande son nous aimerions également réaliser notre propre film et jouer notre musique par dessus.

L'un d'entre vous pourrait réaliser un film ?

Charlie : On a tous des iPhones (rires) !

Le Brexit est devenu réalité en Angleterre. Quels sont vos ressentiments à ce sujet ?

Charlie : Je me sens vraiment mal par rapport à cette situation. C'est tellement triste de voir l'Angleterre si divisée à ce sujet. De voir comment certains on manipulés les électeurs et leur ont fait peur avec de faux sujets. Cela m'affecte particulièrement tous ces mensonges qui ont été distillés et puis, une fois l'élection passée, tous ces politiciens qui ont déclaré « je n'ai jamais dit ça ! ». Faire ressentir à une partie du monde qu'ils ne sont plus les bienvenus en Angleterre alors que nous sommes en partie responsables pour la situation actuelle au Moyen-Orient, je trouve cela dégueulasse ! Je peux te garantir que le Brexit affecte beaucoup d'Anglais.
Dominic : Nous avons fait un pas en arrière, du coté négatif. Le pire c'est de voir à quel point les jeunes ont été manipulés et ont voté pour le Brexit. Bien sûr, l'Europe n'est pas la panacée et sa bureaucratie à largement joué et influencé les mensonges que nous avons entendus durant la campagne. Il faut que l'Europe arrête de favoriser les gros au détriment des petits. C'est le sentiment général, en tout cas. Mais, dans l'ensemble l'Europe est une bonne chose pour les jeunes générations qui n'ont pas connu autre chose. Et le message envoyé par le Royaume-Uni est très triste.

Et en ce qui concerne les artistes, plus particulièrement, qu'est-ce que cela va changer ?

Charlie : Tout va devenir plus difficile. Il nous faudra peut-être des visas pour aller jouer ailleurs qu'au Royaume-Uni ! Et même pour la sortie de disques à l'étranger, cela peut changer pas mal de choses, en négatif. Quand un groupe européen veut aller jouer aux USA, il doit demander un visa et c'est à la fois difficile et cher pour les jeunes groupes.
Dominic : Nous sommes venus le plus tranquillement du monde par l'Eurostar, de Londres à Paris, directement. Et nous voulons que cela reste de la sorte. Et inversement, nous voulons que les autres résidents d'Europe puisse venir à Londres pour partager avec nous.
Max : Ma petite amie est suédoise. Est-ce qu'elle va devoir demander un visa pour venir me voir et inversement ? C'est une catastrophe au niveau des échanges, quels qu'ils soient.