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Beth Jeans Houghton
S.C.U.M
Big Deal

Paris, Flèche d'Or - 29 juin 2011

Live-report par Julien Soullière

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De l’intérêt d’être en retard un soir de concert à la Flèche d’Or. Rien n’y commence jamais à l’heure. A y regarder de plus près, on jurerait pourtant être en avance tant le quidam se fait rare. C’est donc le plus aisément du monde que l’on atteint le bar, et avec la même et déconcertante facilité que l’on se fait servir une bière bien fraîche. Gorgé d’énergie et d’allégresse, on retourne goûter à la douce fraicheur extérieure, le briquet à la main.

 

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C’est alors que Beth Jeans Houghton, petite nana au visage blanc aspirine à force de fond de teint, nous rejoint sur la terrasse, et ce avec l’idée peu originale de s’en griller une. Elle en aura à peine le temps : un type arrive brutalement à sa hauteur pour lui annoncer que l’heure est à la musique. Beth acquiesce d’un « oh yes ! » délicieusement sur-joué, avant de confier sa clope au gars qui conversait avec elle. Casquette visée sur la tête, l’individu souri, et alors qu’il lance un regard complice à son acolyte, écrase la cigarette à peine consommée sur le cendrier. Un vrai mec, ça fume, mais en aucun cas des slims.
La lumière perçante des projecteurs balaie maintenant la scène sur laquelle Beth, la plus récente signature de Mute, vient de faire son entrée. Soutenue dans son élan par une poignée de joyeux drilles (The Hooves Of Destiny), la jeune femme salue son maigre auditoire et, en un timide et rapide compte à rebours, redonne leur âme aux instruments qui enfin résonnent dans la salle ; de l’indispensable violon aux accents festifs de la trompette, en passant par le côté new-burlesque de la frêle anglaise, tout concourt à donner à la troupe des airs de radieuse fanfare, ce qui n’est pas sans déplaire à un public réduit et poli, mais prompt aux applaudissements.
Enjoués, les morceaux proposés par le groupe vont du nouveau au plus ancien (I Will Return), et si nous n'étions pas nous-mêmes lassés du sempiternel jeu des sept erreurs, on dirait que l’univers de nos cinq gaillards se trouve perdu quelque part entre celui, vivifiant, des Mumford And Sons, et celui, plus pugnace, de la magnétique Anna Calvi. Un mélange savant et parfaitement dosé, qui pousse à croire que la belle, qui a déjà joué aux côtés de Bon Iver, Tuung et Stornoway, devrait aisément trouver son public à la sortie de son premier album (produit par Ben Hillier, l’homme derrière Depeche Mode et The Horrors notamment).

 

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Arrive la pause coutumière. La modeste foule se disperse, et c’est sans surprise aucune que nous réglons nos pas sur ceux de la majorité, cette dernière s’exilant de manière inéluctable vers la terrasse. Pause clope, coutumière elle aussi.
Et c’est donc dans l’indifférence quasi-générale que Kacey Underwood, l’américain, et Alice Costelloe, l’anglaise, prennent leurs aises sur scène. C’est à pas grand-chose près dans la même configuration que les Big Deal débutent leur set, et qu’ils vont le mener à son morne terme.
Car entre les envolées électriques de l’une, et les errements acoustiques de l’autre, il y a un champ qui s’étend, sans limites, où peut s’installer certes de la complicité (entres les deux guitaristes, elle saute aux yeux), mais où il y a également plus de place qu’il n’en faut pour accueillir l’ennui. Cet ennui qui gagne peu à peu la salle, face à deux artistes, raides comme des piquets de tente, et qui n’arriveront jamais, la faute à une timidité écrasante, à dynamiser leur show, à produire cet électrochoc qui aurait pu résulter de la rencontre sur scène de ces deux jeunes gens fragiles, mais encore trop en prise avec leurs démons adolescents.
Après une poignée de titres et autant de tentatives de lâcher prise avortées, Big Deal s’éloignent finalement de la scène et des feux des projecteurs pour goûter à nouveau au réconfort offert par l’anonymat. Ça y est, on y est, c’est terminé. Tout va bien.

 

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On les a vus roder dans la salle toute la soirée. Là, tout près de nous, ils ont été à l’origine d’un flot ininterrompu et éreintant de va-et-vient. Du devant de la scène au bar, du bar vers les loges, des loges vers on ne sait vraiment où. Comme s’ils voulaient s’imprégner du lieu ou bien encore tromper l’ennui, S.C.U.M (Society For Cutting Up Men) arpentent la Flèche comme personne ce soir.
Lumières fortement tamisées et balbutiements stroboscopiques annoncent enfin l’arrivée des londoniens. Un imposant chapeau sur le crâne, Thomas Cohen ne rejoindra pas ses acolytes de suite, signe qu’ici, il y a des musiciens certes, mais aussi un leader, un chef de file. Quelqu’un comme les autres, mais un peu différent quand même.
Le démarrage est pour ainsi dire houleux, et ce malgré une ambiance renforcée par l’utilisation quasi excessive de projections de fumée et autres décharges lumineuses. Noyée sous le déluge sourd et sonore invoqué par les instruments, la voix de Cohen ne parvient pas à s’imposer, donnant à ce dernier, et ce pendant des longues minutes, des airs de pantin désarticulé (le bonhomme étant assez maniéré) plus que de chanteur. Dans la foule, toujours si peu épaisse, on ne sait pas si c’est de l’indifférence polie ou un véritable intérêt pour ce qui se passe sur scène que l’on ressent. Les yeux, en tout cas, ne regardent que dans une seule et même direction.
Amber Hands, Summon The Sound... les morceaux, dont beaucoup feront in fine partie du premier album de la formation (Again Into Eyes, à paraître le 12 septembre prochain), se suivent, et ce dans un contexte malheureusement tout aussi peu stimulant. Un son trop compact, trop brouillon aussi, aura finalement raison de nous, faisant poids avec la fatigue du mauvais côté de la balance.

On se dirige vers la sortie, et loin dans la rue encore, le kraut-rock matiné de new-wave (ou peut-être est-ce l’inverse ?) proposé par les S.C.U.M résonne dans nos têtes. Allez savoir pourquoi !