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Peter Doherty

Paris, Le Tigre - 19 novembre 2011

Live-report par Anne-Line

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« Gardez bien le reçu, comme ça s'il ne vient pas, on vous rendra votre argent ».

Dès l'entrée, Adrien Wend, directeur artistique du Tigre, annonce la couleur et assure ses arrières. Le Tigre (« Maison de Nuit Rock'n'Roll ») fête ses deux années d'existence ce soir, et, pour marquer le coup, invite le plus imprévisible des chanteurs anglais, en annonçant sa venue le jour-même. Depuis peu officiellement parisien, l'Anglais chapeauté est déjà un habitué des lieux; on se souvient notamment d'un set chaotique en début d'année accompagné par les Spark Shyver. Il est 20 heures et sur le trottoir de la rue Molière, dans le quartier tranquille entre le Louvre et l'Opéra, l'attente fébrile va commencer.

Ayant sans doute tiré les leçons des fois précédentes où l'on avait frisé l'émeute, les programmateurs n'ont annoncé la soirée que quelques heures avant l'ouverture des portes. Le nombre de personnes faisant la queue est donc raisonnable, et c'est tant mieux. Comme l'on se trouve ici dans une « boîte de nuit » et non pas dans une salle de concert traditionnelle, l'entrée se fait quelque peu à la tête du client. Il vaut mieux avoir fréquenté l'endroit auparavant pour que l'organisateur vous reconnaisse, et vous fasse rentrer avant le commun des mortels, qui fait la queue sagement, en attendant de se faire délester de dix petits Euros. À l'intérieur, les heureux élus discutent tranquillement, au son de classiques des Beatles et autres reprises de chansons Motown en espagnol. Le premier groupe, un collectif nommé Monster Children, monte sur la petite estrade au fond de la salle, et commence son set.

Leur musique est pour le moins... intéressante. Deux guitares électriques crachent des riffs incertains pendant que la chanteuse appuie sur un mini-clavier en braillant telle une Walkyrie enragée. Pas de batteur mais une boîte à rythme sur un ordinateur, et une bassiste qui de toute évidence ne manie la 4-cordes que depuis le soir-même. L'espace fumeur sur le trottoir est étonnamment rempli. Après ce set qui paraît interminable, les deux silhouettes qui prennent le relais sur scène sont familières aux adeptes les plus assidus d'Albion.
Les modestement nommés Miggles Christ, alias Michael et Johann, sont des habitués des premières parties dohertiennes. Leurs univers, fait de ballades romantiques, sombres et désabusées, se marie bien avec le décor façon boudoir années 20 du lieu. Johann, habituellement à la basse, a troqué son instrument contre une guitare électrique pour la soirée, alors que Michael n'a pas changé d'un iota sa conception très nonchalante du jeu de scène. Ils enchaînent les morceaux sans avoir prévu de véritable setlist, ayant pour instruction de continuer à jouer jusqu'à l'arrivée hypothétique de la star de la soirée. Au bout d'une demi-douzaine de morceaux, Ô miracle, un chapeau noir aux larges bords fait son apparition et traverse la salle pour se réfugier dans les loges. Il est déjà minuit.

C'est un Peter Doherty au tour de taille épaissi (et donc sobre ?) qui apparaît et démarre directement sur une chanson des Libertines, pour la plus grande joie de l'assistance, qui reprend les paroles gaiement. L'ambiance est étonnamment civilisée, surtout si l'on considère que le public a patienté là en buvant pendant quatre heures. La chaleur monte, Peter paraît de bonne humeur, esquisse une reprise des Smiths à la fin du morceau À rebours. Bien que montrant quelques signes de fatigue – il s'assoit souvent sur le canapé en fond de scène, et ira même jusqu'à s'allonger dessus tout en jouant – Peter semble présent et est attentif à ce qui l'entoure. Il s'enquiert de savoir si des amis qu'il a convié ont réussi à entrer. Il repère une personne qu'il connaît et incite la foule à lui chanter un Happy Birthday.
Adrien Wend jubile : sa soirée est une réussite. L'ex-Libertines, sans doute conscient qu'à ce point de sa carrière il est attendu au tournant, se met à jouer un tout nouveau morceau. Malheureusement pour lui, et pour les membres les plus curieux de l'assistance, la plupart des spectateurs vont marquer un désintérêt assez flagrant pour ce morceau inconnu, trop occupés à tweeter qu'ils sont en train de regarder une légende plus ou moins vivante. Las, il ne finira pas la chanson, et terminera son set sur un Can't Stand Me Now endiablé.

Au vu des nombreuses annulations de concerts récentes de sa part, on aurait pu croire que le bonhomme avait jeté l'éponge, mais c'est un Doherty plein de bonne volonté qui s'est présenté cette nuit au Tigre. Il lui reste à négocier la délicate étape d'un nouvel album, réclamé par une moitié de ses aficionados tandis que l'autre moitié le supplie de reformer son ancien groupe, et l'on peut se demander quel serait l'intérêt de continuer à tourner sans rien à promouvoir. À trop vouloir bâtir leur propre légende, les Libertines se sont enfermés eux-mêmes dans un piège de cristal aux couleurs de l'Union Jack.
setlist
    The Boy Looked At Johnny
    À Rebours/There Is A Light That Never Goes Out
    Bollywood To Battersea
    What A Waster
    There She Goes (A Little Heartache)
    Lost Art Of Murder
    Beg, Steal Or Borrow
    New song
    Can't Stand Me Now
photos du concert
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