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WU LYF

Paris, Bataclan - 8 mars 2012

Live-report par Julien Soullière

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Je ne saurais jamais si Herb Diamante ont eu l’occasion de fouler les planches ce soir, mais lors de mon arrivée au Bataclan, en retard cela va de soit, ce sont les français de Apes & Horses qui battent la mesure. Et c’est bon, foutrement bon. C’est même tellement bon que j’éprouve un mal fou à me rentrer dans la calebasse qu’ils sont de chez nous. Et puis, une bizarrerie arrivant rarement seule, figurez-vous que le son qu’expulsent les enceintes est d’une redoutable clarté. Si, si. Une belle profondeur sonore, une bonne acoustique générale, des basses puissantes autant que lumineuses, le tout, au Bataclan. Oh oui, je peux mourir tranquille maintenant.

A bien regarder la ferveur avec laquelle le public accueille les morceaux du quatuor parisien, on en oublierait presque pour qui nous sommes venus ce soir. Des premières parties de ce type, ça vaut de l’or, et pour celles et ceux qui n’étaient là, et qui voudraient néanmoins juger, de leur propres yeux, de l’impression laissée par nos chers compatriotes, qu’ils aillent prendre connaissance des commentaires laissés sur le mur Facebook du groupe. C’est sans appel. WU LYF, car ce sont ces derniers qui ont choisi les Français pour les accompagner sur cette tournée européenne, ont définitivement bon goût.
Le tout ressemble autant à du Ghinzu qu’à du... WU LYF, le côté « spirituel » compris. Par moment, ça braille comme pour mieux nous rappeler qui est la tête d’affiche du soir. A d’autres, pourtant, on en revient à des choses plus calmes, quasiment aériennes, et se dévoile alors le schéma devenu un classique, qui consiste à brasser en un même morceau vigueur et accalmie. Pour une formation, c’est là aussi une manière intéressante, même si involontaire, de juger de son succès : dans le cas présent, ce sont ainsi des torrents d’applaudissements qui accompagnent les nombreux breaks portés par un groupe, qui pourra alors se laisser porter par ces marques d’affection dans un silence instrumental à deux encablures de la perfection. Le rideau tombe, le thermomètre grimpe, et l’attente commence.

Et puis, parce qu’il fallait bien que cela arrive, voilà donc qu’Ellery James Roberts et ses sbires arrivent sur scène, dans un boucan de tous les diables. Parler d’euphorie reviendrait sans doute à sous-estimer la réalité, car, à ce moment précis, et jusqu’en fin de set pour ainsi dire, les acclamations et autres signes de la main ne sont pas le fait des seules groupies du premier rang. Quelques secondes suffiront, en fait, pour prendre pleine mesure de l’aura dont fait preuve formation mancunienne, et on pense alors au peu de temps qui lui aura fallu pour mettre l’écosystème rock indépendant à genoux. Tout bonnement impressionnant.
Tout le contraire de ce qu’auront été les premières minutes du show WU LYF : morceaux redondants, performance vocale en demi-teinte, l’entrée en matière n’augure en effet rien de bon. Seulement voilà, le groupe peut compter sur la dévotion sans limites de ses fidèles, et se targuer d’être l’un des groupes les plus charismatiques de sa génération. Les performances de WU LYF ont grandement contribué à faire naître la légende, et certains moments nous le rappelle sans détour, comme lors des premières mesures de Dirt, ou les chamailleries entre effets stroboscopiques et jeu de batterie saccadé auront justifié à elles seules que l’on se déplace. Si le set gagne indéniablement en qualité dans sa seconde moitié, certains s’accorderont malgré tout à dire que l’intensité ne sera ce soir pas aussi forte que lors des précédents faits d’armes parisiens du groupe.
Par ailleurs, chose assez rare pour être soulignée, chez WU LYF, et même si ça n’enlève rien au fait qu’Ellery est le vrai patron du groupe (ceci principalement parce qu’il est « trop beau », si l’on en croit les dires de la grande majorité des jeunes femmes croisées ce soir), l’ensemble de la formation donne de sa personne, tellement d’ailleurs que j’en oublie tous ces pieds de bassiste vissés au sol, tous ces guitaristes autistes et fascinés par leurs seules Converses. On prend réellement plaisir à suivre un groupe qui trouve à s’amuser dans une ambiance pourtant lourde, faite d’orgue d’église et de beuglements désespérés, et sait ce qu’implique le passage du vinyle au live, même si la touche de suffisance affiché par nos quatre gringalets à de quoi faire grincer quelques dents. Pourtant, beaucoup diront avoir croisé les membres du groupe avant et après le concert, et témoigneront, auprès de qui le veut bien, de leur grande facilité d’accès. En fait, lorsqu’un groupe déclenche tellement de passion, il devient bien compliqué de discerner le vrai du faux, l’objectivité du fantasme.

Me concernant, si je ne repars pas complètement conquis, je quitte néanmoins la salle convaincu d’une chose : le concert de ce soir, ode véritable à Go Tell Fire To The Moutain, aura regorgé de suffisamment de bons moments pour ne pas avoir envie de pinailler. Les choses, parfois, ne sont bonnes qu'à être appréciées en l'état.