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Richard Hawley
Smoke Fairies

Paris, Théâtre des Bouffes du Nord - 6 juin 2012

Live-report par Olivier Kalousdian

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Étrange combinaison et programmation en cette date de fin du jubilé de nos amis Anglais. Le Théâtre des Bouffes du Nord qui a vu passer les pièces les plus contemporaines depuis 1876 – il se nommait alors Théâtre Molière – notamment sous l’impulsion de son directeur, Peter Brook, a fait le choix, depuis 2008 et le retrait de ce dernier, de programmer des artistes musicaux dans un quartier réputé difficile.
Difficile d’accès, difficile pour son vacarme automobile extérieur incessant, difficile par sa foule bigarrée et malaisée vivant à proximité. Le tout, compensé par un théâtre d’une très grande beauté classique. Dans le cadre du Festival Fragile, les Smoke Fairies et Richard Hawley sont ainsi invités à se produire dans ce cadre culturel, parmi les plus beaux de Paris.

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Katherine Blamire et Jessica Davies sont les deux membres de cette formation, grandement influencées par le blues Américain et le folk Anglais. Le néo folk est devenu leur petite boîte personnalisée où les journalistes aiment à ranger les artistes. Depuis 2010, date à laquelle ces deux Anglaises ont commencé à faire parler d’elles en France et en Europe, Katherine et Jessica ont appris à occuper la scène. La scène, et leurs collègues parfois prestigieux comme Jack White qui, en avril dernier, les aavait conviées à venir jouer en première partie de ses concerts à la Cigale et au Forum, à Londres. Une sacrée marque d’estime et un vrai tremplin pour une musique qui plane entre Violent Femmes et Sixteen Horsepower, l’énergie en moins.
Les Smoke Fairies, vestes et tuniques à franges, et leurs deux comparses mâles s’accommodent finalement bien mieux du Théâtre des Bouffes du Nord que des scènes rock à proprement parler. Les voix des deux amies qui se chevauchent dans une tonalité légèrement différente sur des guitares jumelles, forment l’esprit de ce groupe mélancolique. Un set court pour un public assis ou parfois absent n’auront pas suffi, cependant, à convaincre les fans de Richard Hawley tous acquis à la cause d’un rock plus puriste. Drôle de programmation que cette première partie, peut-être influencée par l'hommage rendu à Roy Orbison il y a quelques années ou par l’homonymie du titre Hotel Room qu’elles partagent avec Richard Hawley mais qui peine à chasser la pénombre. Entracte. La lumière revient.

Des câbles et quelques photographes courent pour se placer. Le sol de la salle se confond avec celui de la scène, celle-ci n’est guère surélevée et le public du parterre s’y sent à la hauteur. La niche où trônent les instruments est immense, elle est entourée de colonnes sur toute sa hauteur. La lumière est discrète et racinienne, l’audience assise et le poulailler comme la corbeille affichent complet bien que quelques places isolées restent vides. Jarvis Cocker arrive en retard, il se pose sur une marche ; vais-je lui laisser mon siège ? Il n’est pas tout seul, le noir revient, les musiciens pénètrent l’antre : un fauteuil roulant les suit, Richard Hawley est assis dedans en raison d'une cheville cassée avant de prendre place sur un tabouret. Il s’excuse d’avoir trébuché à Barcelone, s’amuse d’être sous drogues contre la douleur et perd la mémoire des titres mais pas celle de sa musique.
Richard allume sa Stratocaster, Standing At The Sky's Edge s’élance et illumine le dôme en stuc. Le temps se fige, les nerfs se relâchent, tout reprend son sens et les mots se réorganisent dans les esprits, même les plus torturés.

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La catharsis est à l'origine d'une méthode qui consiste à faire tomber les barrières psychologiques du patient par hypnose pour réveiller les souvenirs enfouis, à l'origine de troubles, générant ainsi une décharge émotionnelle à valeur libératrice. Il est des concerts, des artistes et des dates qui provoquent une certaine catharsis. Aristote disait que certaines personnes avaient recours aux mélodies qui transportent l'âme hors d'elle-même, remises d'aplomb comme si elles avaient pris un remède et une purgation.
Plus d’une heure et demie durant, et au travers de l’exploration musicale de sept albums et douze années, Richard Hawley, Colin Elliot, Jon Trier, Shez Sheridan et Dean Beresford alimentent les théories du célèbre Grec antique. Ils aimantent les âmes présentes, rapprochent les générations et participent au grand tout tel que défini par la relativité générale, dans une valse rock puisée à la source de la musique subversive telle que la définissait les parents du baby boom dans les années 60s.
Tournoyants autour de nous, sans que la gravité n’ait rien à voir là-dedans, Coles Corner, Don’t Stare At The Sun ou Soldier On prouvent l’existence de la physique quantique, celle qui met le chaos et l’ordre au même niveau. En ultime douceur distillée à un public debout, battant le rappel à l’unisson, l’inévitable Ocean qui, s’il est le hit que Richard n’a peut-être jamais voulu ou calculé, frissonne et résonne à travers les rangées du théâtre jusqu'à s'élever si haut qu’il hésite entre les portes de Saint Pierre et celles du Purgatoire, à l’image du noir héros de ce soir qui glane la plus aveuglante luminosité dans les plus sombres recoins de sa personnalité.
Sans ne jamais oublier cette théorie du tout que même les physiciens d’aujourd’hui n’ont pas réussi à mettre en équation, Richard Hawley sait qu’elle ne peut exister sans ce public qui semble délayé, fusionné, unifié pour un moment qui n’a ni début ni fin. Chaque titre est l’occasion pour lui de l'en remercier en lui contant un récit personnel passé.

Jarvis Cocker ne s’en tirera pas comme ça, d’ailleurs il ne le veut pas. Lumières revenues dans une salle encore tuméfiée, il reste un moment posé là, le regard portant sur la scène pourtant vide. « Je l’aime ce mec tu sais, je tenais vraiment à voir Richard jouait dans un lieu pareil. Je suis là à chaque fois qu’il joue à Paris ».

Nous aussi...
setlist
    SMOKE FAIRIES
    Non disponible

    RICHARD HAWLEY
    Standing At The Sky's Edge
    Don't Stare At The Sun
    Hotel Room
    Seek It
    Tonight The Streets Are Ours
    Soldier On
    Lady Solitude
    Leave Your Body Behind You
    Before
    Open Up Your Door
    Remorse Code
    Time Will Bring You Winter
    Down In The Woods
    ---
    For Your Lover, Give Some Time
    The Ocean
photos du concert
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