Eugene McGuinness

C’était une soirée qu’il ne fallait pas manquer. La célèbre marque aux lauriers Fred Perry conviait le Tout-Paris à fêter son soixantième anniversaire avec style, et en musique, à la Flèche d’Or. Et ils n’ont pas lésiné sur le budget.

Tout d’abord, pour rafraîchir la mémoire des personnes qui seraient venues en touristes, les convives sont invités à regarder sur un grand écran le film documentaire « Subculture », réalisé par Don Letts, autrement dit une légende vivante du mouvement punk et reggae. Letts est loin d’en être à son coup d’essai dans cet exercice puisqu’il a notamment réalisé des documentaires sur les Clash et la scène punk qui font aujourd’hui référence. « Subculture », co-produit par Fred Perry, fait le lien entre tous les phénomènes culturels des années 50s à nos jours nés en Angleterre, par le biais de la musique et des vêtements.
À la fin de la projection, Don Letts en personne monte sur scène et s’adonne à l’exercice du question-réponse avec le public. De toute évidence, il n’a absolument pas perdu le feu sacré et répond aux questions avec une assurance qui serait presque de l’arrogance. Pendant ce temps, la salle se remplit peu à peu et les invités profitent du bar qui distribue boissons et petits-fours à titre gracieux. Il n’y a pas à dire, les Anglais savent y faire en matière d’organisation.

Bientôt c’est au premier artiste de monter sur scène. C’est le fameux Lescop, ancien chanteur du groupe Asyl, dont l’album solo agite le petit monde de la critique musicale dernièrement. Entouré de ses musiciens, il délivre sa cold-wave en se rêvant héritier de Joy Division, mais n’est pas Ian Curtis qui veut, et l’impression donnée est plutôt celle d’un Étienne Daho du pauvre. Heureusement, Fred Perry ont tout prévu, et ceux que le Rochelais n’inspire pas peuvent s’occuper en profitant des tables de ping-pong à disposition dans la cour, estampillées du logo au laurier jusque sur les balles et les raquettes.



La salle est désormais bien remplie, et comme toujours dans cette situation la Flèche d’Or devient une véritable fournaise. Le champagne qui coule à flot y est aussi sans doute pour quelque chose...
Lorsque enfin Eugene McGuinness monte sur scène, accompagné de ses musiciens habituels, dont son frère Dominic, l’atmosphère n’est plus du tout à la contemplation studieuse comme c’était le cas pour Lescop. Il n’y a sans doute plus aucun esprit sobre dans toute la salle, et c’est un set des plus énergiques qui va se dérouler.
L’ambiance festive des morceaux du nouvel album The Invitation To The Voyage (Harlequinade, Japanese Cars...) porte ses fruits, et la Flèche d’Or se transforme en dancefloor. C’est le dernier album dans son intégralité qui va être joué, à l’exception du morceau Concrete Moon, remplacé par Fonz, extrait de son disque éponyme de 2008.



L’association avec Fred Perry est réussie ; si l’on considère que la marque est symbole d’élégance alors elle a trouvé en Eugene McGuinness un bien bel ambassadeur. Comparé à la dégaine qu’il pouvait avoir il y a quelques années, sa transformation en dandy aux cheveux gominés en arrière et pantalon à pinces impeccable lui va à ravir. Sur scène, il fait désormais montre d’une assurance et d’un charisme indéniables, et ce ne sont pas les hordes de jeunes filles hystériques au premier rang qui diront le contraire. De simple pion sur l’échiquier surpeuplé de l’indie anglaise, Eugene est passé au statut d’acteur majeur sur lequel il va falloir désormais compter.

La soirée se termine alors en apothéose lorsque les groupes live sont remplacés par des DJs confirmés de la scène Mod ; et un set endiablé des membres du Trojan Soundsystem, accompagné d’un MC qui harangue la foule dans le plus pur esprit des soirées jamaïcaines. Les danseurs ondulent sous le regard circonspect de Don Letts, qui n’a sans doute jamais imaginé qu’un jour, ce petit coin lugubre du XXème arrondissement de Paris puisse faire concurrence aux endroits les plus chauds de Kingston, Jamaica. Pour sûr, cet anniversaire de Fred Perry fait partie des soirées dont on se souviendra longtemps.