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Splashh

Paris, Espace B - 20 octobre 2013

Live-report par Baptiste Elman

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Dimanche 20 octobre, peu avant 20h30, au nord-est de la capitale... A l’heure où le jeune parisien normalement constitué repasse consciencieusement sa chemise de bobo consultant et se prépare sa box de spaghettis bolognaises pour la pause déjeuner du lendemain, quelques dizaines d’irréductibles, seuls survivants de quarante-huit heures de sorties franciliennes effrénées, patientent sagement devant l’Espace B. Il y a deux semaines, sa majesté Elisabeth II y avait expédié le mélancolique folkeux Neil Halstead, dont la musique si douce convenait parfaitement à l’ambiance nostalgique des fins de week-ends et aux fêtards éreintés du dimanche soir. Changement de programmation cette fois-ci ! C’est au tour des sales gosses de SPLASHH de faire le job. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que leur méthode, un poil plus musclée, est diamétralement opposée !

Le garage qui fait office de salle de concert à l’arrière du café de l’Espace B sent la vieille remise de Papy... Murs d’amplis superposés, guitares old school posées çà et là, synthé abandonné dans un coin, éléments de batteries brinquebalants... Sur scène un innommable capharnaüm !
Sans transition les membres de la première partie, Albinos Congo, se frayent un passage jusqu’à leurs instruments respectifs. Quatre coups de baguettes et là... on comprend que Papy était en fait en train de bricoler une fusée artisanale dans son garage : dans un vacarme assourdissant de cymbales, synthés et guitares repiqués dans une bonne dizaine de pédales d’effets, les quatre extraterrestres du groupe vont faire décoller l’engin. C’est parti pour une petite ballade interstellaire psychédélique rythmée par le ronronnement des réacteurs atomiques de la curieuse guitare pailletée en forme d’étoile et les éructations du guitariste/chanteur. Et même quand ce dernier profite d’un calme relatif entre deux chansons pour indiquer de sa voix d’Alien emplie d’échos et d'étranges effets qu’ils viennent de Nantes, on ne tombe pas dans le panneau ! Il s’agit - bien évidemment - de dangereux martiens venus tenter une fois de plus d’envahir la planète bleue...
Mais si les mélopées bruitistes déroulées au pas de course sont plutôt efficaces et hypnotiques, elles resteront assez hermétiques à suivre dans la durée. Vous en conviendrez, pas évident d’écouter un disque de rock psyché (même un très bon Pink Floyd) avec un casque de cosmonaute sur la tête dans un cockpit qui fend le vide intergalactique à la vitesse de la lumière. Après une petite demi-heure de concert, l’OVNI retro-psychédélique-garage disparait aussi vite qu’il était arrivé pour laisser la place aux british de la soirée, peut-être une espèce encore plus curieuse et exotique que tous les extraterrestres de la galaxie.

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Quelques minutes de répit pour permettre aux pauvres paires de tympans martyrisés de se remettre de leurs émotions cosmiques en sirotant l’un des fameux rhums arrangés de la maison et voilà que débarquent Sasha Carlson, Jacobe Moore, Toto Vivian et Thomas Beale. Le temps pour les londoniens de ré-accorder leurs instruments et « SPLASHH »... Un déluge de son déferle sans prévenir sur l’Espace B... mais juste pendant 15 petites secondes, avant de se stopper net sur demande du chanteur ! Faux départ... Le temps de régler quelques considérations techniques, et c’est reparti pour un plongeon dans le grand bassin avec une deuxième tentative qui sera la bonne.
« Mais à quoi bon s’être arrêté ? », serons-nous, après coup, tentés de nous interroger tellement la tornade sonore à base de saturation délicieusement foireuse et d’échos brinquebalants emporte tout sur son passage, surtout le bon goût. Pas de place pour de veines subtilités ! L’expression musicale consacrée « shoegaze » ne pouvait ainsi être plus visuellement parlante que ce soir. A voir ces quatre ados attardés arborant avec majesté cheveux longs et gras pour les uns, casquette de pécheur déglingué pour les autres, t-shirts informes pour tous et balancer furieusement leurs riffs de guitares sursaturés, les yeux rivés sur leurs chaussures, l’illusion est totale. Nous voilà plongés dans un pub miteux de Detroit au cœur des 90's ! En envoyant Washed Up en ouverture, le ton est donné pour l’heure de concert incandescent qui va suivre. Imparable, implacable...
Gentiment shoegaze sur leur premier album, Comfort, SPLASHH se révèle être une machine de guerre grunge diaboliquement efficace en live. Et sous l’éclairage rougeoyant, façon « sous-marin nucléaire » de l’Espace B, ces neveux de Kurt Cobain, rapidement dégoulinants de sueur, sont là pour imposer leur style de pirates de la musique indé d’outre-manche.

Avec bien peu de considérations pour les bonnes mœurs, ils enchaînent furieusement les premières chansons du set, quasiment sans un regard pour le public dominical parisien. Et si ce dernier, au début, donne l’impression d’être un peu estomaqué par cette gifle sonique, le voilà qui retrouve ses esprits. Les têtes commencent à dodeliner maladroitement, les applaudissements au début clairsemés s’affirment et sont de plus en plus fournis dans les rares moments de répit que le groupe octroie.

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Très vite, arrive l’hymne Vacation et son refrain ravageur. Dans les premières lignes du champ de bataille, un pogo embryonnaire tente même de voir le jour, sans réel succès. So Young se charge ensuite d’accélérer encore le rythme de cette machine infernale que rien ne semble pouvoir arrêter. Pas la moindre ballade, aucun moment de respiration ne ponctuera ce concert sans concession où il valait mieux faire preuve d’un minimum d’endurance pour espérer en sortir plus ou moins indemne. Des rythmiques galopantes de la batterie aux lignes de basses millimétrés, en passant par les lourds riffs de guitares et les nappes de synthés dégoulinantes, pas moyen de savoir qui mène la danse. Portée par la sublime cacophonie ambiante, la voix de Sasha Carlson se pose ça et là, tour à tour étonnamment douce ou particulièrement râpeuse et abrupte. Enfin c’est l’apothéose et avec les singles Need It et All I Wanna Do, lesquels mettent tout le monde d’accord, même le ténébreux Carlson qui, face à l’enthousiasme de la salle, daignera décrocher quelques sourires !

Mais aussi vite qu’il était entré en scène le combo s’éclipse et les lumières se rallument. Pas de rappel cette fois-ci pour prolonger encore un peu le week-end dans ses derniers retranchements. Il ne reste plus aux jusqu’au-boutistes du dimanche soir qu’à se hâter pour ne pas rater le dernier métro tout en fredonnant, nostalgiques, les paroles si à propos de l’un des tubes de SPLASHH : « I need a long vacation, some place to clear my mind ! ».