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SOHN
Arthur Beatrice
Deptford Goth

Paris, Boule Noire - 9 novembre 2013

Live-report par Cyril Open Up

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Malgré les critiques qui ont pu lui être adressées concernant l'absence de réelles têtes d'affiche, on peut reconnaître au Festival les inRocKs la belle prise de risque d'avoir programmé en ce samedi soir une soirée avec trois artistes anglo-saxons qui joueront chacun quarante minutes (il n'y aura donc pas de jaloux) et dont le point commun serait d'avoir mis le côté vocal en avant dans leur production.

C'est tout d'abord à l'anglo-autrichien SOHN de monter sur scène sur les coups de vingt heures à peine passées devant une assemblée encore clairsemée, même si la soirée se joue à guichet fermé. Ce dernier avait ouvert pour James Blake en juillet dernier à la Cité de la Musique dans le cadre du festival Days Off et avait déjà fait forte impression. Pour le moment, le jeune garçon et ses deux musiciens n'ont qu'un EP et deux singles à son actif et l'on attend avec une certaine impatience la sortie d'un album.
Ils prennent place en position assise derrière leurs instruments et les nombreux câbles qui jalonnent toute la scène. Leur musique assez minimaliste à mi-chemin entre James Blake et le M83 des débuts pourrait parfaitement illustrer un long travelling sur une route déserte dans un film de science-fiction. La voix de SOHN représente une grande part de l'attrait pour le groupe mais il ne faut pas non plus négliger toutes les parties instrumentales à bases de beats électroniques syncopés et hypnotiques. Il n'y a certes rien de spectaculaire lors de leurs concerts, le fait qu'ils soient tous assis y est certainement un peu pour quelques chose, mais on est surtout là pour rêver, frissonner, frémir et laisser la chair de poule nous gagner. L'ensemble fonctionne à merveille, quelques notes à la guitare sèche viennent sublimer certains titres.
Si l'on peut facilement rester hermétique à l'aspect statique de la prestation, il semble cependant difficile de ne pas se laisser emporter par la beauté de morceaux tels que Lessons ou The Wheel joués astucieusement en fin de set. La réaction des spectateurs semble assez unanime, Sohn le bonnet vissé sur la tête et ses deux musiciens repartent en coulisses le sourire aux lèvres donnant l'impression d'avoir conquis de nouveaux adeptes.

La tête encore sur un petit nuage, il n'y a même pas le temps de se remettre qu'arrive le tour de Daniel Woolhouse, lequel se cache derrière le pseudonyme de Deptford Goth. Il y a quelques mois, l'anglais jouait au Silencio accompagné de son amie Rose au violoncelle. C'est seul, assis derrière une table, qu'il se produira ce soir, au milieu de la scène, qui paraîtra pour le coup bien grande. Toujours aussi peu loquace, il gratifiera le public de quelques mercis en français mais n'ira pas beaucoup plus loin.
D'emblée, Objects Objects pose les bases de sa musique. Austère, calme et avec une forte base électro-acoustique, elle n'est pas forcément facile d'accès, mais, quand elle se laisse apprivoiser, elle se révèle être un pur délice. Le personnage est doté d'une certaine dextérité, jouant d'un clavier Korg d'une main et d'un Roland de l'autre, tout en assurant le chant sur le titre éponyme de son premier album Life After Defo. Il est important de souligner qu'à l'occasion de son passage sur scène, l'artiste-compositeur a pris soin de retravailler tous les titres par rapport aux versions studio, il faut bien l'avouer certainement en partie par obligation. Certains comme Guts No Glory en ressortent presque méconnaissables. Les premiers rangs se laissent porter par les mélodies. On entend cependant légèrement les discussions s'activer dans le fond de la salle. Un spectateur interpelle Daniel à la fin d'un morceau non présent sur l'album d'un sifflet de protestation ou de joie (on ne saura jamais trop), ce dernier y répondra de la même manière lui coupant ainsi l'envie de recommencer. Captivantes et exigeantes, les chansons de Deptford Goth auront fait leur petit effet. La sobriété s'est ainsi trouvé un public amateur et les applaudissements fournis n'auront été qu'entièrement mérités.

Dernier groupe à se produire aujourd'hui, les anglais d'Arthur Beatrice ne sont pas totalement étrangers du festival contrairement aux deux précédents puisqu'ils devaient y jouer l'année dernière et qu'ils avaient annulé, la chanteuse s'en excusera d'ailleurs ce soir en cours de concert, pour mieux se consacrer à l'enregistrement de leur album qui ne verra finalement le jour qu'en début d'année prochaine.
Ils sont quatre sur scène et semblent reprendre un schéma de groupe un peu plus classique que les précédents avec une chanteuse qui s'occupe également des claviers, un guitariste, un bassiste et un batteur mais il n'en est rien puisque le groupe a la particularité de s'offrir deux leaders vocaux sous les traits d'Ella Girardot et d'Orlando Leopard et d'ainsi mettre en avant la femme ou l'homme ou bien de mêler les deux pour mieux multiplier les possibilités vocales. Le style du groupe est ainsi multiple et si certains pourraient passer à s'y méprendre pour des compositions de The XX, d'autres pourraient tout aussi bien avoir été signés par Wild Beasts. De bien belles références qui verront leur confirmation tout au long de la prestation.
Par instants, en cas de besoin, les frères Barnes, Elliot à la batterie et Hamish à la basse, jouent les choeurs et le résultat est à la hauteur des espérances que l'on avait pu placer en eux via les singles et EP que l'on avait pu entendre jusqu'à présent. Le temps pris ne semble ainsi pas l'avoir été inutilement et les nouveaux morceaux laissent bien présager un album de qualité. Carter et Grand Union, déjà très appréciables sur disque, prennent une tournure enjouée prolongée par un déferlement sonore que l'on attendait pas forcément d'eux et qui nous laissera avec l'envie de vouloir rapidement les revoir pour nous laisser encore happer par leur pop à la sensualité exacerbée.

Aucun doute là-dessus, ce samedi soir à La Boule Noire aura été une totale réussite accentuée par des réglages sonores de grande qualité. On repart donc conquis et heureux d'avoir partagé ces instants avec trois belles promesses dont on devrait reparler dans les mois à venir et dont il faudra guetter les éventuels passages dans une salle près de chez soi.