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Is Tropical

Paris, La Gaîté Lyrique - 23 novembre 2013

Live-report par Xavier Turlot

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Is Tropical est un groupe qui a une relation particulière avec la France. Signé sur Kitsuné, ayant joué au Festival des Inrocks et aux Transmusicales de Rennes en 2010 avant même la parution de leur premier album, on peut sans trop s'avancer les qualifier de « chouchous » des importations françaises de groupes britanniques. Et les programmateurs avaient misé sur le bon cheval. Le trio de Bournemouth s'est donc produit en terrain ami samedi dernier dans le cube de la Gaîté Lyrique.

On a confié au groupe français Divine Paiste le soin de débuter la soirée. Originaires de Tours, les quatre jeunes musiciens ont inondé YouTube de douze clips donnant corps à leur album sous la forme d'un moyen-métrage à l'atmosphère étrange et glaciale. La disposition scénique est inhabituelle : le batteur est la pièce maîtresse de la formation, le chanteur principal étant disposé tout au bord derrière un synthé. Le groupe attaque sans attendre un math-rock calé au millimètre, aux lignes de guitare abruptes, surplombées par des pistes électroniques assurées et une batterie métronomique gérée avec une technique irréprochable. Le son prend aux tripes et les rythmiques changent en permanence, Divine Paiste n'est pas là pour s'ennuyer et ne veut pas ennuyer son public.
Le chant est scandé, à la mode britannique et dont les auditeurs retrouveront eux-mêmes le nom des inspirateurs. Les membres intervertissent parfois les rôles, le bassiste se fait claviériste, le claviériste se fait guitariste... tout cela crée une énergie visuelle qui aguiche et empêche de détourner le regard. Le morceau Strobe Love est digne des plus grands du genre et appelle une carrière. Le chanteur invite le public à danser en levant les bras, réunit quelques personnes pour faire un slam, revient miraculeusement au moment exact où il doit reprendre son rôle et finit la chanson comme si de rien n'était. Disposant deux tomes devant les retours pour former un triangle imaginaire, ils entament à la fin du set un délire de percussions avec le batteur, une véritable artillerie de rythmiques tribales qui marquera l'esprit des personnes qui ne les connaissaient pas encore.

Les trois membres d'Is Tropical débarquent sous les acclamations de leurs fans, blouson de cuir sur les épaules, avec cette dégaine improbable de métalleux qui leur est si chère. Derrière leurs lueurs rouges démoniaques et leur logo en lettres de feu, ils débutent immédiatement leur prestation avec Mexico, une piste assez méconnue de leur EP Flags. Le volume de la sono confirme que ce n'est pas un concours de poésie, pourtant Simon Milner explique rapidement que son tympan droit a « fondu » hier soir et qu'il doit porter un genre de prothèse pour le concert. Pas d'inquiétude, il n'y a pas de formation acoustique à l'horizon, et le trio enchaîne deux grandes chanson de I'm Leaving, Cry et Lover's Cave. Rappelons que le changement de trajectoire artistique du groupe entre ses deux albums a pu perturber les fans de la première qui avaient encensé un Native To très axé sur l'électro. Le second opus fut nettement plus pop, assagi et plus au service du chant. Si les morceaux d'Is Tropical sont presque tous excellents, les deux chanteurs ne sont pas du tout à l'aise avec leurs voix, lesquelles manquent toutes les deux de précision et de coffre. Milner se bat avec sa lanière pendant cinq minutes, laissant Gary Barber se débrouiller avec Toulouse, qu'il chantera dans une mauvaise tonalité pendant deux minutes. On pourrait craindre le concert catastrophe, mais les Anglais ont de l'humour et ne s'attardent pas sur ces déboires, enchaînant sur LE single The Greeks, condensé d'électro-pop exceptionnelle aux basses surpuissantes. Les fans aiment et dansent.

On passe vite sur l'interprétation chancelante de Yellow Teeth, lente ballade au trémolo très sixties, pour se diriger rapidement vers un set « cassage d'enceintes » imparable. La furie ludique de The Land Of The Nod et I'll Take My Chance confirme le potentiel monstrueux de ces morceaux qui respirent la bonne humeur et le talent. Ces mecs savent se servir d'un synthétiseur, et les voix hésitantes se sont fait oublier. Les titres du dernier album sont définitivement plus introspectifs et se rapprochent assez de ce que Metronomy avait fait sur The English Rivieira ; ils viennent le rappeler avec Video et All Night, titres plus sombres et moins brutaux marquant une pause dans leur folie sonore.
Les deux leaders ne cessent jamais d'alterner entre leur guitare et leurs séquenceurs, et ont cette particularité d'intégrer leurs riffs dans les pistes électroniques avec un naturel qui nous fait presque croire que cet instrument a été inventé pour ça. La mélodie de xylophone de Sun Sun marque une parfaite transition vers l'électro de stade de Lies, qui ne manque pas une nouvelle fois de déclencher l'approbation non dissimulée du public venu faire trembler le sol du cube. Is Tropical aiment se faire désirer et les trois membres baisseront la tête pendant une bonne minute, complètement immobiles, avant d'en arriver au refrain final de ce morceau anthologique.

La formation nous rappelle pourquoi ils ont signé chez Kitsuné en nous envoyant un Seasick Mutiny bestial et primaire, leur piste la plus résolument électronique. Cette mélodie a été conçue pour s'imprimer à vie dans nos cortex cérébraux. Le dernier rappel voit l'apparition d'Ellie Fletcher, venue poser sa voix sur l'ultime piste Dancing Anymore, à la fraîcheur estivale. Elle invite alors le public proche de la scène à venir la rejoindre, et quelques minutes plus tard ce sont une bonne quarantaine de personnes qui ont envahi la scène devant le regard paniqué des régisseurs. Le concert se termine dans cette ambiance de joyeux foutoir, sous les acclamations nourries d'un parterre de fans toujours aussi motivés pour soutenir ces OVNI chevelus qui naviguent entre pop et électro.
setlist
    Mexico
    Cry
    Lover's Cave
    Toulouse
    The Greeks
    Yellow Teeth
    Land Of The Nod
    What ???
    I'll Take My Chance
    Video
    Oranges
    All Night
    Sun Sun
    Lies
    ---
    Seasick Mutiny
    South Pacific
    Dancing Anymore
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