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Temples

Paris, Maroquinerie - 29 mars 2014

Live-report par Xavier Turlot

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En ce samedi soir, la Maroquinerie est archi-bondée et déjà suffocante pour accueillir l'un des derniers phénomènes du rock anglais indépendant : Temples. Faut-il encore présenter ce groupe néo-psychédélique dont la moyenne d'âge s'élève à vingt-deux ans et qui voue un culte absolu aux expérimentations sonores des années 1960 ?
Les quatre très jeunes Anglais ont franchi les frontières du sérail des amateurs pointus et se sont ouverts à une audience beaucoup plus large, celle des nostalgiques d'un lointain passé musical foisonnant d'idées nouvelles et de désirs de transgression. Beaucoup seront probablement venus ici pour satisfaire leur frustration inconsciente d'être nés bien trop tard pour vivre cette période faste, et d'avoir dû se contenter des VHS foireuses de Pink Floyd à Pompeii ou d'une cassette vermoulue du Revolver des Beatles.

La première partie programmée deux heures à l'avance est assurée par deux Américains, dont Corey Beaker, qui interprèteront une petite dizaine de titres folk bucoliques, élégants mais qui ne se démarquent pas franchement les uns des autres. Guitare acoustique ou pedal steel nous emmènent brièvement dans le sud des Etats-Unis, mais la cohérence de la programmation est dure à suivre car rien ne rattache ces deux formations.

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La foule se fait lentement plus dense encore, il n'y a plus un endroit où se mettre et certains en sont réduits à tendre la tête, bloqués derrière les piliers en béton de la salle. La chaleur suffocante participe à faire monter la pression, et quand les quatre membres de Temples arrivent sur scène, ils sont acclamés par un brouhaha d'applaudissements et de cris.
James Bagshaw, avec sa crinière qui n'est pas sans rappeler le Robert Plant des débuts, sa silhouette famélique et son maillot de corps sorti d'un magasin de fripes de Camden, attrape sa Danelectro et entame Colours To Life. Sa voix n'est pas toujours parfaitement juste mais cela ne pèse pas lourd face à l'ensemble du morceau qui, immédiatement, plonge le public dans un nuage moite de douce euphorie auditive.

Les Temples font vraiment dans la reconstitution historique. Employant déjà du matériel d'époque, leur compositions et arrangements sont bluffants d'anachronisme : les échos, les chœurs, le jeu de batterie, les harmonies orientales... Tout est mis en oeuvre pour coller au plus près du son d'époque. Mais on ne peut pas les réduire à des archéologues, car à l'arrivée de Sun Structures et Mesmerize, on se rappelle que les chansons qu'ils ont écrites sont foncièrement de grande qualité. Le riff brillant et étincelant de cette dernière, qui rappelle furieusement les tout premiers albums de Status Quo, accompagne la basse qui est d'une lourdeur et d'une présence insoupçonnées. Thomas Edison Warmsley, avec sa coupe au carré assez osée, martyrise son instrument et en sort des lignes métalliques qui mènent la barque avec précision. L'arrivée de The Golden Throne, single aux sonorités de maison hantée visitée sous LSD, provoque une petite hystérie dans l'audience. Ce morceau passe aussi bien sur scène que sur disque, avec sa courte ritournelle de synthétiseur, et offre une mélodie élaborée à la perfection.

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Les personnes présentes ce soir ne sont pas venues parce qu'elles ont vu de la lumière, la preuve quand le leader annonce l'interprétation d'une face B, Ankh, que presque tout le monde semble connaître. On est loin de l'engouement de façade, les fans plutôt jeunes se sont penchés consciencieusement sur ce phénomène qui tire tous ses codes d'une époque que 5% du public a pu connaître. L'histoire musicale est faite de circonvolutions étonnantes.
Viennent Move With The Season et Keep In The Dark, jouées avec un supplément instrumental bienvenu qui transporte un peu plus longtemps encore dans cet univers qui alterne entre mélodies bancales et refrains pop accrocheurs. Le son tachant de Sand Dance prend beaucoup à l'Orient fantasmé, comme l'avait fait George Harrison il y a quarante-cinq ans, même si les Beatles n'ont pas laissé leur génie s'y attarder. Le batteur, Sam Toms, à l'allure encore plus juvénile que ses potes, a gardé les rythmes simples, une résonance d'époque un peu brouillonne et les descentes de tomes à gogo. On dirait du Mitch Mitchell, qui était aussi peu avare en coups de cymbales que lui. La formation s'éclipse après ce long jam hors d'âge, et le public redouble d'applaudissements vigoureux et de cris en tous genres pour faire revenir les Anglais, qui ne se font pas prier longtemps avant de revenir interpréter Shelter Song, l'une des chansons phares de l'album.

L'ouverture de leur album Sun Structures vient conclure ce concert sur une touche plus fraîche, achevant notre gavage de psychédélisme réactionnaire et aussi séduisant qu'éculé.
setlist
    Colours To Life
    Sun Structures
    A Question Isn't Answered
    Mesmerize
    The Golden Throne
    Ankh
    Move With The Season
    Keep In The Dark
    Sand Dance
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    Shelter Song
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