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TRAAMS

Paris, Cigale - 11 octobre 2014

Live-report par Sarah Pitet

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Après des années à fouler le sol français, le Festival d'Ile-de-France revient pour une 38ème édition sous le signe de l'interdit, du punk et du tabou. En ce 11 octobre, et pour son avant-dernière soirée, il s'installe à la Cigale l'espace de quelques heures en hommage à une musique de « moins que rien ». C'est en effet pour l'événement Back To Punk qu'officient ce soir les russes Messer Chups, les anglais TRAAMS et la tête d'affiche française Cheveu. Un retour aux sources, au garage et aux bonnes vieilles disto serait-il donc prévu pour cette fraîche soirée d'automne ?

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C'est très tôt (à tout juste 19h30) et devant une fosse quasiment vide, partagée entre badauds et festivaliers, que les Saint-Pétersbourgeois de Messer Chups prennent possession des lieux. La mythique salle parisienne peinait en effet à se remplir jusqu'à ce que la ravissante Svetlana « Zombierella » Nagaeva saisisse sa basse et rallie autour d'elle un public masculin visiblement conquis par son jeu. Dès les premières notes, le trio donne l'impression de sortir tout droit d'une session d'enregistrement aux Sun Records de Memphis tant la guitare, la basse et la batterie s'unissent en un son largement inspiré du bon vieux rockabilly des années 50.
Le public, de son côté, ne se fait pas prier et se prête rapidement au jeu du jeté de jambes à la Elvis Presley. Le second morceau démarre et l'on découvre avec plaisir, mais pour la seule fois de tout le set, la jolie voix de la bassiste. Toutes les bonnes choses ont une fin, certes, mais celle-ci était tout de même un peu trop prématurée, dommage. À partir de la troisième chanson, le guitariste amorce le vibrato de sa jaguar et le groupe russe se dévoile dans une veine beaucoup plus psyché. La foule est conquise par ce qui s'apparente à un extrait de la B.O de Pulp Fiction ou à une poursuite à la Bonnie & Clyde. Le concert continue dans cette lignée et les chansons s'enchaînent, révélant des musiciens talentueux qui s'abandonnent à plusieurs reprises à quelques cris de loup diffusés à travers la Cigale. Malheureusement l'heure tourne et le set du trio s'achève sur un bien sympathique solo de l'homme au chapeau assis derrière ses cymbales. Les Messer Chups se retirent, le public semble conquis et les pieds tabassent le sol. Reste à savoir désormais si le plus acclamé lors de cette demi-heure a été le jeu du trio ou la générosité de la bassiste.

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Juste le temps pour l'assistance d'aller chercher une bière, fumer une cigarette ou tout simplement reprendre rapidement ses esprits avant que les trois anglais de TRAAMS ne montent sur scène à 20h30 tapantes. Un look adolescent, une énergie à revendre et une voix mal assurée parsemant de cris un rock primitif et gueulard, voilà ce qui ressort à première vue de la prestation du trio originaire de Chichester. Tout le public n'adhère pas d'emblée et un contraste se crée alors entre un groupe qui semble prendre son pied et des spectateurs sous la réserve.
Quelques morceaux s'achèvent dans une sorte de bordel accéléré, rappelant un certain Velvet Underground qui finissait ainsi des chansons telles que Heroin. Plus le temps passe, plus la foule semble approuver et plus la Cigale se remplit. Le larsen gronde, les corps se bousculent et un pogo voit le jour. Mission accomplie pour TRAAMS qui apprivoisent peu à peu le public parisien. Alors que la fin du set approche, le rythme se fait de plus en plus entrainant, notamment sur des morceaux tels que Flowers. Dans la fosse, on lève sa bière en guise de remerciement à Stu, Adam et Leigh qui battent en retraite en laissant mugir leurs instruments seuls sur scène dans une sorte de « j'men foutisme » appréciable.

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Enfin vient le tour des tant attendus Cheveu. C'est dans une salle chauffée par ses prédécesseurs qu'entre en scène David Lemoine, un microphone dans chaque main –soit- accompagné du guitariste Étienne et du claviériste Olivier. Le chanteur bordelais annonce d'emblée la couleur en sautant sur la sono pour saluer une foule qui se bouscule. Porté par des sons qui oscillent entre le punk, l'éléctro et le garage, il crie à s'époumoner et ce n'est pas pour déplaire à l'assistance. Y débutent d'ailleurs les inévitables mais toujours aussi attrayants crowd surfings des plus éméchés d'entre nous qui permettent à certains de visiter la Cigale avec un tout autre point de vue. Le suspense ne plane plus : c'est bien pour Cheveu que le public parisien a ce soir élu domicile boulevard Rochechouart.
Le trio français ne manque en effet pas d'énergie et continue à en asperger ses fans – car oui on peut désormais parler de fans. Tandis que l'apogée du set semble atteint, la musique cesse et laisse quelques secondes de répit à nos tympans satisfaits mais pas moins souffrants. Entre alors en scène une chorale constituée d'une trentaine de quinquagénaires présageant une suite plus douce. L'une d'entre eux s'installe au piano et donne une bonne leçon de musique aux corps en sueur du premier rang. C'est ce que l'on appelle une agréable surprise. Le groupe reprend les hostilités, secondé par une chorale acclamée, et naît alors un surprenant contraste entre deux univers qui se complètent sans peine. C'est en effet le poing levé que les trente-cinq membres du chœurs accompagnent le groupe et diffusent ainsi à travers la Cigale une marée d'énergie positive. Les verres vides fusent au dessus des têtes d'un public sous acide qui s'offre ce soir aux trois français et à leur armée vocale. L'un d'eux ne manque cependant pas de nous rappeler que leurs 45 tours sont en vente à la sortie – car, oui, on ne vit pas seulement d'amour, de rock and roll et d'eau fraîche – avant que le trio ne nous gratifie d'une dernière chanson. La soirée touche à sa fin c'est acclamés par l'assemblée que se retirent les quarante personnes présentes sur scène. David Lemoine, quant à lui, se retire humblement après s'être fait voler un baiser par la plus courageuse de ses admiratrices.

Cette soirée à ambiance diesel s'achève sur une bonne note et c'est les oreilles sifflantes mais satisfait que le public parisien quitte les lieux. Il suffira enfin au Festival d'Ile-de-France de se déplacer de quelques mètres pour assurer le lendemain sa dernière date au Trianon.