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Slow Club

Paris, Point Éphémère - 26 octobre 2014

Live-report par Xavier Turlot

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Et si au lieu d'être le pire jour de la semaine pour donner un concert, le dimanche était le meilleur moyen de conjurer le mauvais sort de la routine ? C'est ce que laisse à penser le duo de Slow Club, descendu au Point Éphémère pour nous présenter Complete Surrender, un troisième album au parfum orchestral.

C'est à Lonesome Leash, musicien solitaire venu de la Nouvelle-Orléans, que revient la mission d'ouvrir la soirée. En homme orchestre accompli, il n'éprouve pas la moindre difficulté à assurer seul les parties de batterie, d'accordéon et de trompette. Parfois les trois à la fois. Il a réduit la configuration de sa batterie au minimum, ne gardant que la grosse caisse, un charley et un tambourin, qui lui permettent quand même d'assurer une base rythmique suffisamment solide pour ne pas créer de sensation de vide.
L'Américain a une manière plutôt inhabituelle de chanter, étrangement assez proche du ragga, très impulsive et peu mélodique. Plus que loquace, il digresse à foison sur sa tournée en Europe, son plaisir à jouer ici et sa joie de bientôt rentrer chez lui. Le public rentre vite dans son univers esthétique, et même si le fait d'être seul avec tant d'instruments rend l'ensemble très monolithique, on tient sans peine la grosse demi-heure de valses et de fusion des époques musicales qu'il nous livre. Le dernier morceau sera riche en intensité grâce à la technique des touches d'accordéon scotchées et à un jeu de trompette particulièrement inspiré.

Rebecca Taylor et Charles Watson déboulent avant même que la tension ait pu monter, entament avec un batteur et un bassiste la théâtrale Tears Of Joy, l'un des flambants singles de Complete Surrender. Le morceau est éminemment soyeux, à l'image de l'intégralité du disque, et le changement de positionnement depuis le très folk Yeah, So est décidément frappant. Le look frappe : Charles arbore une sorte de veste rugueuse de prisonnier trois fois trop large pour lui et Rebecca joue immédiatement de toute sa sensualité, affublée de noir et très loin de la gentillesse innocente de ses débuts. Les voix des deux jeunes musiciens de Sheffield jaillissent avec puissance et assurance, ce sont toujours les pièces maîtresses de leur musique.

Charles sort sa vieille Gibson noyée sous la réverbération pour lancer la belle Never Look Back, un bijou de pop british qui finit sans bouder sa violence, prouvant l'aisance des deux chanteurs lorsqu'ils tirent sur leur voix. Le public est très nombreux et n'est pas venu parce qu'il y avait de la lumière. Le groupe explique qu'il s'agit du plus important concert qu'il ait donné à Paris jusqu'ici puis Charles passe derrière un orgue pour lancer Complete Surrender, sur laquelle Rebecca se retrouve quasiment toute seule sur scène à devoir assurer les falsettos du refrain en se trémoussant sans retenue. L'Anglaise a beaucoup d'humour et un tempérament agité, elle parlera souvent entre les chansons, présentant brièvement le disque avec un fort accent du nord. Elle assure régulièrement de petites parties de guitare, comme sur If We're Still Alive qui part mélodiquement très loin et surtout sur la sublime Not Mine To Love où elle se retrouve toute seule à chanter. Entre murmures et explosions, elle interprète le morceau avec une concentration et une sincérité impressionnantes, n'hésitant pas à pousser sa voix dans les derniers retranchements de son énergie. Ce soir, Rebecca Taylor captive et assomme son auditoire.

C'est ensuite au tour de Charles d'occuper l'attention avec le premier rôle qu'il joue dans Number One. Les deux Anglais arrivent à jongler entre morceaux calmes et énergiques avec aisance et habileté, rendant impossible la moindre trace d'ennui. Certains morceaux piquent même carrément les oreilles quand les deux guitares sont jouées dans les aigus stridents comme sur Beginners, mais le groupe en revient quand même vite à ses fondamentaux de délicatesse pop, avec un slow de qualité, The Queen's Nose, puis un très beau Wanderer Wandering à nouveau dirigé par Charles, plus que jamais dans son élément sur ces ballades hors d'âge.
Quand Rebecca annonce la dernière chanson, elle rajoute juste derrière qu'en réalité ce n'est pas tout à fait vrai puisqu'il y aura évidemment un rappel mais qu'elle doit quand même faire semblant et demande au public de faire comme s'il n'avait rien entendu. Voyant la boule à facettes du Point Éphémère suspendue devant elle, elle demande au technicien lumière s'il est possible de s'en servir, essuie un refus et attaque Two Cousins, le buzz de Paradise lié à son vidéo clip.

Une belle première conclusion dans l'euphorie, avant le rappel annoncé de Suffering You, Suffering Me, morceau plus pêchu et plus mélodramatique encore. Les cuivres initiaux ne sont évidemment pas présents, mais l'absence d'arrangements trop sophistiqués aura probablement aidé l'ensemble du concert à être si efficace et si sincère. Les violons, pianos et vents auraient sans doute rendu la prestation guindée et inaccessible, alors que le show de ce soir est direct, franc et intimiste. D'ailleurs le tout dernier morceau du set, la ballade folk Hackney Marsh, sera joué au beau milieu du public, qui forme vite un cercle pour laisser les deux Anglais interpréter à la perfection ce subtil exercice d'écriture et de chant.

Ce soir, le public a eu son moment de musique et a pu s'arracher au cours des choses pendant une heure. Slow Club croient en ce qu'ils font et ce qu'ils font est beau.
setlist
    Tears Of Joy
    Never Look Back
    Complete Surrender
    If We're Still Alive
    Not Mine To Love
    Number One
    Beginners
    Our Most Brilliant Friends
    The Queen's Nose
    Everything Is New
    Wanderer Wandering
    Two Cousins
    ---
    Suffering You, Suffering Me
    Hackney Marsh
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