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Beaty Heart

Paris, Point Éphémère - 23 octobre 2014

Live-report par Baptiste Elman

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Jeudi 23 octobre, une nouvelle soirée au chevet des musiques actuelles pour le Point Éphémère, avec à l'affiche deux groupes relativement originaux dans le spectre de la scène indie : Beaty Heart et Kishi Bashi. Et c'est bien sûr, pour les premiers, sujets de sa majesté Elisabeth II que nous sommes là.

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Mais avant tout, impossible de passer sous silence la performance singulière de la première partie. Ainsi, alors que la salle se remplit peu à peu, voilà un barbu jovial qui débarque sur scène avec pour seul instrument un banjo. Visiblement, il ne s'agit pas de Beaty Heart, à moins d'un lifting radical du groupe ces derniers jours. Tous les ingrédients de l'ouverture poussive semblent être réunis... Le type se met à jouer, et là miracle, la magie de la musique fait son effet ! Le voilà qui, contre toute attente, à grand renfort de pédale loop enchaîne des chansons étonnamment pop. En véritable homme orchestre, il enregistre des beats furieux, martelant la caisse de son instrument avant de se déchainer dessus et d'enchainer refrains, couplets et solos tout en posant au dessus du champ de bataille une voix claire et assurée. Qui aurait pu se douter du potentiel rock d'un banjo ? Strident, indomptable, incisif et précis... si Jimi Hendrix avait choisi cet instrument, il y a quelques décennies, peut-être que l'évolution des musiques amplifiées aurait été radicalement différente... Mais sûrement pas moins bonne ! Dès le second titre, le public est conquis et il le fait savoir bruyamment. Le dénommé Mike Savino s'avère être un bien meilleur porte-parole de l'étrange instrument que les centaines de groupes de country US rétrogrades qui, jusqu'à présent, ne nous avaient pas vraiment donné envie d'en savoir plus sur ses capacités mélodiques et scénique. Leçon de la soirée : retourner une salle de concert à l'aide d'un banjo tunné avec des néons colorés, accompagné des bruitages d'un pistolet en plastique… et bien, c'est possible ! Et pour la petite histoire, il s'agit en réalité de l'un des musiciens de Kishi Bashi...

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Après cette ouverture impromptue et captivante, voilà venu le moment pour Beaty Heart de faire leur show dans un Point Éphémère maintenant relativement bien rempli. Difficile de relier cette bande d'ados à casquettes à la cool qui débarque de la banlieue londonienne avec l'un des albums les plus fignolés de la pop anglaise de ces derniers mois. Après la violence joyeuse de Mike Savino, le set des quatre londoniens se démarque par la douceur et la chaleur des textures de leur musique qui submerge maintenant la salle. On se vautrerait bien dedans avec délice comme dans une grosse couette bien moelleuse pour oublier l'hiver qui approche à grand pas. Indolentes, mais surtout pas dénuées de rythme, les chansons de Beaty Hearth sont irrésistibles en live. Le son du groupe, puissant et propre à la fois, surprend dès la première note balancée. En effet malgré l'utilisation de nombreux effets sur les voix et les instruments, les boucles de rythmes préenregistrés et les nombreuses percussions, la maîtrise du son général semble d'emblée totale.

Le combo contrôle parfaitement l'équilibre subtil entre les mélodies et les rythmiques syncopées de cette pop délicate teintée de tropicalisme qui depuis leur début constituent leur marque de fabrique. A l'image du réjouissant single africanisant Kanute's Comin' Round qui résonne désormais, les beats sont tout le long du set judicieusement renforcés par le travail complémentaire des deux complices percussionnistes qui s'échangeront même la batterie en plein milieu du concert. Apportant un nouveau souffle salvateur à de nombreux groupes de blancs becs, la pop tropicale est une véritable tendance depuis quelques années. Et Beaty Heart, au croisement entre les rythmiques d'inspiration africaine de Vampire weekend et les expérimentations vocales d'Animal Collective, semblent avoir parfaitement digéré les poncifs du genre.

Avec la bien nommée Seafood, une ambiance paisible de fonds sous-marins s'installe progressivement dans un Point Éphémère de plus en plus aquatique. Les lignes de basse et les parties de guitare sautillent comme de curieux petits poissons en quête de plancton. Et au milieu de cette magnifique barrière de corail musicale la voix haut perchée du chanteur, Josh Mitchell, renforcée par pas mal d'écho, semble virevolter tel un plongeur qui se laisserait porter par de chauds courants marins. A ce moment du concert, que la prochaine chanson soit une reprise dépoussiérée de l'hymne Sous l'océan de « La petite sirène » ne choquerait personne ! Mais non... Ils laissent le crabe Sébastien tranquille et enchaînent nonchalamment les tubes de l'album Mixed Blessings paru cette année. De Banana Bread à Lekka Freakout, les spectateurs semblent se laisser prendre au jeu des mouvements de bassin lascifs esquissés maintenant par le chanteur guitariste.
Petit bémol toutefois, lié aux nombreux arrangements injouables en live et qui forcent les musiciens à suivre parfois de manière un peu trop métronomique les tyranniques pistes complémentaires lancées au début de la plupart des morceaux.

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Mais voilà venu le moment de remonter à la surface, tête d'affiche oblige... Le public parfaitement chauffé par la musique lascive des anglais bouillonne au moment où débarque la star de la soirée, le virtuose violoniste et multi-instrumentiste américain Kaoru Ishibashi, musicien de scène pour Of Montreal et Regina Spektor. Les étranges pépites pop de son projet solo, Kishi Bashi, après l'élément liquide de Beaty Heart, emmènent toute la salle directement dans les nuages pour un set aérien. Impeccable...