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Esben And The Witch

Paris, Espace B - 17 octobre 2014

Live-report par Xavier Ridel

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La silhouette de l'Espace B se profile au travers d'un crachin hivernal. Déambuler dans les rues en écoutant les gouttes se fracasser sur les trottoirs parisiens ne suffit plus, nos oreilles ont besoin de leur dose de décibels, et ça tombe bien, Esben And The Witch jouent ce soir dans le sombre bar du 19ème arrondissement. Le groupe anglais, emmené par la charismatique Rachel Davies, a forgé sa réputation sur des albums de pop gothique très solides, et vient aujourd'hui défendre son dernier opus, A New Nature.

On ne peut pas dire que le public se presse devant la salle de concert. Quelques âmes perdues trainent ça et là, protégeant le bout de leurs cigarettes de la pluie qui tombe et annihile toute envie de sortir de son confort quotidien. Le vin bon marché est néanmoins là pour réchauffer les esprits déprimés par les températures hivernales. Et puis il y a le concert à venir. C'est un groupe originaire de Maison-Alfort, Chaos E.T. Sexual, qui se charge d'ouvrir pour les anglais. Et le résultat est assez pitoyable. Tous les mauvais cotés du shoegaze 2.0 sont réunis dans ce groupe. Une noirceur simulée, des instruments torturés sans but aucun, une boite à rythme qui assène des beats martiaux à la pelle, nous avons somme toute affaire à une caricature de groupe à la recherche du chainon manquant entre le black metal et My Bloody Valentine. Pas de chant, pas de mélodies, une simple cacophonie, un mur de son traversé de quelques larsens. Les musiciens semblent heureux d'être là : tant mieux pour eux, mais cette joie est loin d'être partagée par le public.

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Leur dernier morceau sonne le glas et les quelques spectateurs s'empressent d'emplir leurs poumons du bon air parisien, entassés sur le trottoir au milieu d'une mare de mégots. Voici venu le temps des véritables hostilités, car la tête d'affiche est prête à en découdre face à une fosse étonnamment remplie. Esben And The Witch débutent leur set par Press Heavenwards!, extrait de leur nouvel album. Le son est excellent, les musiciens ne le sont pas moins. Et puis cette voix. On a souvent comparé Rachel Davies à Siouxsie ou à PJ Harvey, mais la chanteuse a véritablement quelque chose de différent. Un mur de fragilité enveloppe des cordes vocales qui tremblent et ploient sous les assauts du vent, mais jamais ne rompent. Les yeux de chacun se ferment naturellement, comme si les murmures d'Esben And The Witch nous enjoignaient à les rejoindre dans un voyage introspectif.

Dig Your Fingers In confirme leur talent, tout comme la plus violente No Dog et sa guitare fracassée, atomisée par les paroles de Davies (« I am no dog, but I'm alive, and I am no dog, but I'm a wolf »). L'intensité du concert atteint ici son paroxysme. Ce qui fait le talent d'un groupe, c'est de faire découvrir à son public des cordes sensibles jusqu'alors insoupçonnées. Et c'est ce qu'arrivent à faire Esben And The Witch tout au long de leur set, jusqu'au dernier titre, le très bon Smashed To Pieces In The Still Of The Night, extrait de leur album de 2013, Wash The Sins, Not Only The Face.

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Loin de nous l'idée de dire qu'Esben And The Witch est un groupe qui révolutionnera la musique. Il s'agit simplement d'un trio à la sincérité époustouflante. Aucun masque, aucun artifice, les anglais et leur chanteuse exhibent leur âme à leur public sans chercher à se dissimuler. Et c'est cela qui compte et fait défaut à tant de groupes : la sincérité. Ni plus, ni moins.