logo SOV

Tricky

Paris, Trianon - 9 avril 2016

Live-report par Déborah Galopin

Bookmark and Share
Tricky, c'est le genre d'artiste avec lequel il vaut mieux être averti avant de s'aventurer dans la salle, au risque de repartir illico presto à la limite de l'apoplexie ! « Qu'est-ce qu'il y a ? Tout va bien ? » vous demanderait le quidam et vous lui répondriez encore un peu sous le choc : « Non, c'est rien, j'étais juste à un concert de Tricky ». C'est à peu près ce qui m'est arrivé samedi soir au Trianon.

Tricky était venu nous présenter son nouvel album Skilled Mechanics qu'il a composé en Allemagne. L'âme berlinoise se ressent à travers des sons technos, à tel point qu'on pourrait presque visualiser son architecture droite et quelque peu austère. On ressent cet album comme une traversée obscure dans l'esprit de son artiste. Sur un titre comme Boy il se confie sur son enfance difficile. Les douze autres titres sont emprunts de cette même souffrance.

SOV
Quelques rares morceaux viennent dégager leur lumière comme Bother, joué en piano-voix. Elle est faible, fragile, mais on les apprécie d'autant plus. Le lancinant Daving Away était parvenu à me convaincre, tout comme le punchy et caractériel Beijing To Berlin. C'est donc plutôt confiante et enthousiaste que je me suis rendue au Trianon pour découvrir sur scène cet artiste qui semble-t-il avait pas mal de choses à nous livrer.

Tricky arrive donc accompagné de ses deux musiciens : un batteur et un guitariste, une formation plus restreinte que lors de ses précédentes tournées. Malgré ses nombreuses collaborations sur Skilled Mechanics, comme avec Corey Taylor le chanteur de Slipknot, ou DJ Milo, il n'y a pas de guests sur scène, occultant une partie de ce qui fait sa richesse. Durant cette introduction, Tricky est dos à son public, au milieu de la scène, sans qu'on ne sache exactement ce qu'il y fait. Et de dos, il le reste ! De temps en temps, il se met de profil, histoire de varier un peu.

SOV
Plongés dans des lumières tantôt rouges, tantôt bleues, il nous est difficile de distinguer autre chose que des silhouettes à moins d'être collé à la scène. Cela aurait pu être un parti pris intéressant d'occulter totalement l'aspect visuel d'un concert, s'il nous permettait de nous concentrer sur la musique. Si seulement musique il y avait... La forte présence des basses nous empêche de distinguer un titre d'un autre. Tricky prend deux microphones pour déverser ses vers, cependant, je me demande encore à quoi ils pouvaient bien lui servir puisque le son de sa voix se fait difficile à entendre et « difficile » est un euphémisme. À plusieurs reprises, le public hurle « plus fort Tricky ! ». Les seules voix qu'on parvient à entendre sont celles déjà enregistrées ou son batteur sur Diving Away. On se demande un peu où Tricky est passé tant le camouflage visuel et auditif est absolument parfait ! Quand il s'excite un peu, il se meut sur scène avec force et vigueur, mais cela ne suffit malheureusement pas à rattraper le reste.

L'univers du concert y est anxiogène, presque dérangeant. Le Tricky que j'ai vu sur scène ne correspondait pas à celui que j'ai entendu dans ma sono. C'est un artiste, oui, mais peut-être pas un artiste de scène. À moins que je n'étais juste pas là au bon endroit, ni au bon moment...