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South Central

Paris, Cigale - 10 octobre 2008

Live-report par Arth

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Voilà dix ans que le festival Factory s’installe à la Cigale pour y fêter le temps d’un week-end prolongé la musique sous toutes ses représentations. The Knife, Aloe Black, Medeski, Martin & Wood, The Matthew Herbert Big Band ou La Caution ne sont mentionnés qu’à titre d’exemples. Vendredi, la salle n’était pas pleine, elle était même un peu vide pour accueillir les australiens de Pivot, un groupe à écouter sur scène. Aucune négociation n’est envisageable. Maintenant que les règles sont posées, parlons.

En se référant à leur page Myspace, Pivot composent de la musique dans un style « autre/autre/autre », alors si eux n’ont pas réussi à qualifier leur style, personne ne s’y aventurera. Auteurs d’un dernier album intitulé O Soundtrack My Heart, comprendre Soundtrack Of My Heart, le trio se classe dans la catégorie des groupes qui écrivent des chansons faites pour être transmises sur scène, des chansons progressives, expérimentales et touchantes à l’image de Sing Your Sinners dont les chœurs ne peuvent pas vraiment vous laisser indifférent. Leurs références en la matière sont Kraftwerk, Jean Michel Jarre, Talking Heads, Pink Floyd ou Tangerine Dream, influences qu’on retrouve dans des titres comme dans le frénétique Epsilon. Nul doute que mes impressions sur l’universalité sonore de leurs chansons aient été bonnes. Pivot ne peuvent que s’éclater à jouer encore et encore sur scène, mais qui ne le ferait pas avec ces titres ? Il y a tout : l’entrain, la profondeur, les élans purement techniques qui contribuent à l’image féérique que tous les musiciens se font de la scène, le droit de crier dans un micro de batterie, la satisfaction de plaire au public avec des chansons écrites à trois et apparaissant aujourd’hui comme les « patrimoines musicaux de la planète Terre ». A la manière de Fuck Buttons et leurs flèches invisibles, Pivot provoque de doux conflits entre corps et âmes.

Aptitude qu’on ne peut pas accorder à South Central, le deuxième groupe de la soirée. Constat visuel à dresser : le chanteur ressemble à Jared Leto, le bassiste est un Jonas Brothers, le guitariste est un vampire asthmatique, seul objet intéressant à observer, le batteur a dû jouer au golf dans le petit club de Brighton avant de commencer à traîner avec les autres, et le DJ est un ex « teufeur » de mauvais goût reconverti. Le concept, sur scène, c’est « capuche, mèche, slim ». Jeune groupe tendu lors de ses premiers pas sur scène, nouveau phénomène très underground qui a son public secret de fans, certes jeunes, très jeunes, South Central a tout pour déplaire et pourtant... Malgré leur incapacité à faire décoller un morceau autrement que par un classique passage « j’enlève la basse, quand je la remets tout le monde saute d’accord ? Je fais 1 2 3 pour que vous compreniez... », leur incapacité à jouer proprement, l’incapacité du chanteur à me faire oublier qu’il est Jared Leto, et leur incapacité à se retenir de mixer le vulgaire We Are Your Friends de notre duo national préféré, on reste dans la fosse, fasciné par ce groupe taillé pour sortir de British Idol un peu comme Steve Estatoff a pu sortir de la Nouvelle Star en faisant croire à tout le monde qu’il savait écrire une chanson. Le personnage reste fascinant. Chez South Central, qu'on pourrait décrire comme les Whip des adolescents qui cherchent à se démarquer des autres en écoutant des groupes peu connus, chaque note est un mauvais choix, la rythmique n’a pas changé une fois en quarante minutes, et les mèches n’ont pas frisé, mais une cohérence s’en dégage, provoquant mon admiration. Les choix étaient tous tellement mauvais que j’étais fasciné, pas par méprise infantile mais par curiosité pour la maîtrise du style.

Pour clore la soirée, Poni Hoax. Groupe d’électro-pop français sur lequel les a prioris se sont multipliés au fil du temps, sans aucune raison, sans avoir écouté une seul fois. Alors c’est non sans peine et avec une pointe d’excitation que j’attends le groupe sur scène. Arrivée faite dans un nuage synthétique annonçant quelque chose de bon goût, mais voici alors cinq pas jeunes français, habillés comme si ils sortaient du boulot, secteur tertiaire, et qui envoient une rythmique fade, un riff fade, une chanson qui tourne dans le vide en réalité. Même en accordant à ces messieurs quelques titres supplémentaires, c’est un ennui mortel qui s’empare de moi. La voix et le charisme de yaourt de « Laurent » ne dégagent aucune tension, les chansons s’enfoncent dans une masse amorphe et on quitte la salle sans regret. Dehors ça balance la clope au bec « ils n’ont pas de chansons, on dirait du Depeche Mode joué par un Pentium 2 mal formaté ».

Ce vendredi soir chez Factory ne laissera pourtant pas le goût amer de la déception créée par Poni Hoax et le goût étrange, comme lorsque l’on s’étonne d’être attiré par le sexe qui ne nous attire pas généralement, de South Central. Pivot l’emporte ainsi haut la main et sauve cette soirée grâce aux sensations encore présentes provoquées par l’interprétation grandiloquente de titres frissonnant.