logo SOV

Eugene McGuinness

Paris, Maroquinerie - 7 mars 2009

Live-report par Kris

Bookmark and Share
Le temps passe vite, et la soirée du festival Minimum à la Maroquinerie de ce soir n’a pas été sans nous le rappeler. Certains disent que l’importance d’un groupe se jauge sur l’influence qu’il aura eue sur les artistes des générations à suivre. On pensait être encore en plein dedans, et pourtant la nouvelle génération est déjà là, sortie tout droit de leurs garages et salles de répèts, fraîchement débarqués et nourris à des biberons pourtant bien actuels. Parfois la reprise en dit plus qu’une compo. Sur son choix, sur son interprétation. Car elle est plus que significative. Elle est primale.

Eugene McGuinness ouvre la soirée, muni de ses deux armes de prédilection : sa guitare folk et sa voix. Dans la lignée de sa précédente prestation à la Flèche d’Or, McGuinness enchante son auditoire par une maîtrise totale de son art et de sa manière. Il varie sans difficulté urgence et délicatesse dans un numéro de voltige, que l’on peut absolument sans trop de risques, absolument unique aujourd’hui. Les temps morts n’en sont finalement pas, tant le personnage fait partie intégrante du pouvoir de fascination qu’il exerce sur nous. Réservé, sensiblement impressionné et peu à l’aise, tout cela disparaît dès lors que sa voix ample conquiert la salle, ne résonnant désormais plus qu’aux ondes malignes de ses superbes compositions, comme Fonz ou Wendy Wonders. McGuinness nous comblera également de deux reprises, toutes deux éloquentes. Jouant Juicebox des Strokes, puis Ask des Smiths, McGuinness exprime par ces reprises, les fondements mêmes de sa culture musicale, conséquemment, les racines de sa musique, entre urgence et délicatesse.

Vint ensuite le faux trublion, Melpo Mene. Maquillé et aux faux airs d’un Kevin Barnes, le Suédois Erik Mattiasson débarque sur scène, seul, muni de sa guitare électrique et de son iPod. Finalement moins fantasque qu’il ne veut bien s’en donner l’air, Mattiasson est un croisement hippie / indie, comme un Bisounours sous speed. Sévèrement loquace, ironisant et sous couverts de blagues, pour masquer un malaise que l’on continue de ressentir au travers de sa musique. Vastes et diffus, les univers sonores de Melpo Mene varient entre électro-pop nourrie à la boîte à rythmes, et errances guitaristiques parfois un poil surannées. Car l’on préfère aisément lorsqu’Erik se rapproche de l’univers de Loney, Dear que de celui de Lynyrd Skynyrd. Melpo Mene fait dans le consensuel, ni se livrant de trop, ni en faisant de trop. D’ailleurs sa reprise de Kids de MGMT, sera à l’image de sa musique, et ne sera ni folle, ni nulle. Elle sera sympa. Mais sans plus. Ni trop de moins.

Têtes d’affiche, les Américains de Locksley ne s’enquiquinent aucunement de superflu. Débutant sur les chapeaux de roues autour de leur rock énergique et bien carré, le quatuor ne se ménage pas. Virevoltants et trépidants, ils affichent sans vergogne leurs influences, que l’on croirait à s’y méprendre comme leurs racines. Baignant clairement dans l’inépuisable puits qu’est la pop anglaise, Locksley transpire l’Angleterre aux manières de l’Amérique. Retenant de ces influences britanniques le sens la pop, l’importance de la mélodie, ils ont gardé de leur nature outre-atlantique la vision globale, ne s’éparpillant que très rarement, visant constamment à l’essentiel. On se retrouve ainsi face à une boule de vitalité, comme un mélange improbable entre Libertines et Fountains Of Wayne, mené par des drougies survoltés. Alors, bien sûr, on pourra reprocher aux Locksley leur classicisme et leur prise de risque contrôlée (Don’t Make Me Wait, Let Me Know). Mais tout cela est effectué avec une énergie tellement volontaire, qu’on leur pardonnera aisément leur formule ressassée. Paradoxalement, leur reprise d’Hotel Yorba des White Stripes n’aura rien d’anglais, mais sera on ne peut mieux adapté au ton vigoureux instauré par Locksley.

Les Strokes, les White Stripes, MGMT (!), l’ancienne génération à laquelle on rend hommage n’est pas bien loin, et pourtant elle a déjà formé un pan de la scène musicale actuelle. Le temps passe vite, et les frontières culturelles s’amenuisent de plus en plus, la pop devenant encore un peu plus mondiale. Et intemporelle. Mais ça, on le savait déjà.