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NYPC

Paris, Flèche d'Or - 13 mai 2010

Live-report par Olivier Kalousdian

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La Flèche d’Or est vraiment un endroit à part. Ancienne gare de la petite ceinture de Paris, voie SNCF en partie abandonnée depuis, elle surplombe les voies et, du haut de ses verrières du 20ème arrondissement inondées de puissantes lumières artificielles, cette salle s’est imposée comme le phare des découvertes musicales de Paris... Et, comme tous les quartiers un jour délaissés, cette petite ceinture, bordure de voies ferrées abandonnées et située en majorité rive droite, devient l’endroit chic où vivre et où la culture pousse... de la voix bien sûr !

Salle de concerts « découvertes » très recherchée car assurant à tous les coups, ou presque, une programmation de qualité, la Flèche d’Or est victime de son succès et pénétrer à l’intérieur n’est pas chose facile, surtout quand on est nombreux et que la météo, supposée printanièren affiche 10°C sous une pluie battante ! En cette soirée de jeudi 13 mai, la file d’attente s’étend et se répand jusqu’à la rue des Pyrénées. Le premier groupe n’a pas encore démarré son set que la salle est déjà pleine et les consignes de sécurité interdisent aux aficionados frigorifiés tout espoir d’accéder à leur soirée tant que d’autres clients n’auront pas quitté les lieux. Ça peut être long !
La pernicieuse interdiction de fumer dans les lieux publics repousse toutes ces personnes nées sous le signe du Cancer à s’entasser sur la terrasse de la Flèche d’Or qui borde la rue et qui est séparée des gens faisant la queue par des grilles en fer ; pas assez hautes pour empêcher quelques aventuriers courageux (les videurs ont une forme d’armoire normande !) à l’escalader à la vitesse du son pour retomber sur la terrasse parmi les fumeurs, ni vus ni connus !

Theophilus London (selon toute vraisemblance un nom d’emprunt !) est de Brooklyn est assure la première partie des New Young Pony Club et, pour une fois, nous en parlerons dans ce site exclusivement britannique ! Il est vrai que ce bidouilleur de samples piégé dans des influences inattendues comme Joy Division ou les Smiths a cette empathie et ce flegme anglais, à l’opposé de son physique de rappeur black made in USA qui, au premier regard, le rapproche plus du leader de Public Ennemy que de ces groupes de new wave anglais des années 80 !
Assurant seul sa prestation, il contrôle les machines électroniques qui l’entourent dans une danse formidablement sexy, sur les mélodies froides faites de bric et de broc mais relevant le tout d’une voix des plus travaillées et suaves. Le public féminin ne s’y trompe pas et encense ce bel homme noir à la casquette qui, pour une fois, ne parle ni de « cul qui bougent » ni de « grimpe dans ma Range Rover baby que je te fasse les niveaux » ! Theophilus c’est un peu le philosophe du Rap mélodique du 21ème siècle et du 20ème arrondissement ce soir-là. Casquette large, ray ban « risky business » et baskets multicolores flashy... il possède le flow et l’attitude d’un produit marketing mais, question finesse de textes ou de mélodies, on est plus proche d’André 3000 (Outkast) que de 50 cents, thank god !
A ce propos, Théophilus est un groupe à lui tout seul. Jouant parfois au garçon de la rue, il se dégage surtout de lui une féminité assumée qui, sur un morceau comme Cold Pillow, le rapproche des groupes aussi intelligents que The Roots, lesquels, avec la participation de Cody Chesnuts, avaient parfaitement mêlé rap, reggae et rock. Exit le reggae pour Theophilus, ses sources à lui coulent des années 80 exclusivement et son rap nouvelle génération est aussi froid et électronique que sa voix est sensuelle et revigorante pour ceux qui ont passé une heure à attendre de pouvoir se dresser devant la scène. Des mix de titres empruntés sans leurs assentiments à des artistes comme Kratfwerk, Whitney Houston ou Amadou et Mariam (question grand écart, on est au summum !), des envolées à mi morceaux non sans rappeler les particularismes des groupes électroniques d’aujourd’hui et un look à la Grand Master Flash, Theophilus est un olibrius inclassable et talentueux qui, mettant en jeu un repiquage du grand Marvin Gaye pour clôturer son set, a fait chavirer et danser une salle très féminine.

« NYPC ». Sous cet acronyme porté sur les tee shirts et badges vendus pour la promotion et qui ne sont pas sans rappeler celui porté par notre président affichant fièrement « NYPD » quand il pratique son jogging, se cache une formation de deux garçons et trois filles, modèle de mixité portée au delà de la parité si chère à nos politiques.
Formée à Londres et de source « Rock indie new wave » influencé par des OVNI comme Bow Wow Wow, New Young Pony Club est composé de cinq membres et d’autant d’instruments mais repose surtout sur sa partie féminine ;Tahita Bulmer (chant), Sarah (batteur femelle prouvant qu’il est possible de taper comme un sourd sur des fûts et rester très sexy !) et Lou (claviers). Si Tahita, petite boule de nerf qui arbore une chevelure blondasse et crépue rasée d’un coté seulement, porte son équipe et la voix comme peu de filles d’un mètre cinquante en sont capables, et que Sarah Jones, brune piquante toute de noire vêtue, donne la juste note Rock dans ce bric à brac de sons électroniques, c’est bien Lou Hayter, blonde nordique semblant sortie du Virgin suicide de Coppola qui attire tous les regards en balançant ses hanches méthodiquement de gauche à droite et de droite à gauche, le buste droit et le doigt pianotant juste sur ses claviers.
Les fines lèvres soulignées de rouge carmin que viennent recouvrir par intermittence les mèches très blondes de sa chevelure, partie intégrante de son costume scène, elle est habillée d’un short taille haute et d’un chemisier blanc d’un autre âge. Ses allures de lesbienne qui ne l’affiche pas finissent d’achever sa légende naissante et les quelques dizaines de mâles qui ne peuvent détourner leurs regards de son jeu de scène sensuel et complice !
Mais NYPC, ce sont aussi et surtout des morceaux bien rythmés par une base classique (basse, guitare) intelligemment couplée à tout ce que l’électronique peut apporter de bon au rock, à l’instar d’un LCD Soundsystem, en moins complexe. Lou joue des nappes synthétiques brumeuses sur une rythmique de batterie électronique et une basse omniprésente souvent proche des Cure. Autre particularité de ce groupe, décidément bien plus intéressant sur scène que sur des pistes studios (sûrement le signe de l’absence d’un producteur de talent à ses côtés), la voix et l’énergie de la chanteuse Tahita. Portées sur le look mais de façon avant-gardiste et presque provocatrice, les filles de NYPC ont une présence qui éclipse, peut-être volontairement, celle des garçons. Si le groupe est jeune, Tahita semble bénéficier d’un talent vocal bien plus ancien et totalement assumé et assuré. Elle monte dans les aiguës, descend des les graves tout en captivant l’audience par son jeu de jambes dignes d’une boxeuse, dont elle partage le physique !

Il est des découvertes, la formation étant née en 2004, dont on voit, exclusivement en live, quels pourraient en être le parcours et l’avenir proche. Un titre-phare promotionné par Radio Nova ou Néo, un minimum de communication et de critiques positives dans Teknikart et sur Sound Of Violence (!) et la mécanique sera lancée, aussi sûrement que la foule se balance comme à la pire époque new wave, les bras au dessus de la tête et le corps dandinant comme des robots ne pouvant répéter qu’un ou deux mouvements par manque de mémoire vive... reste à trouver, constamment, un souffle nouveau au répertoire new wave largement pillé par tous ces nouveaux groupes anglais qui donnent tant de plaisir à voir sur scène et parfois un peu moins à écouter chez soi.