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Madness

Paris, Zénith - 14 mai 2010

Live-report par Olivier Kalousdian

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« Hey you, don't watch that, watch this, this is the heavy heavy monster sound ! »

Qui n’a pas frémi dans son adolescence, prêt à s’éjecter du canapé enfumé et troué pour se jeter sur la piste à chaque fois que le disc jockey programmait le One Step Beyond de Madness ? Qui n’a pas sauté les deux pieds joints, épaules contre épaules, ou dansé la jambe droite en avant synchronisée avec le bras gauche plié au coude, la main remontant au niveau du visage, fléchi sur ses genoux et le regard collé au parquet dans un rythme binaire au son Ska de ce titre sans paroles résumant à lui seul toute une époque ?

En 1976, Mike Barson (Barso), Chris Foreman (Chrissy boy), Lee (Kix) Thompson et Cathal Smith (Chas Smash) forment un groupe de Ska apellé The Invaders. En 1979, Graham Mc Pherson (Suggs), Mark Bedford et Dan Woodgate les rejoignent et décident de prendre le nom de Madness en hommage à une chanson de Prince Buster de 1961 : Madness Is Gladness.
Sur le mythique label Two-Tone, ils sortent leur premier single et premier succès, toujours respectueux de leur aîné Prince Buster : The Prince.
Partis sur un autre label, Stiff Records, ils enregistrent une autre reprise de Prince Buster que l’on peut trouver sur la face B du titre Al Capone, laquelle deviendra l’immortel One Step Beyond qui a trôné pendant des années dans toutes les discothèques de France et de Navarre, numéro un en France, numéro sept en Angleterre et un numéro de douces mémoires d’adolescents qui ont aujourd’hui la quarantaine !

Ce qui frappe dans le retour des papys du Ska (moyenne d’âge du groupe : entre 50 et 60 ans !), c’est d’abord son public ; là où on aurait pu attendre uniquement des quadras gourmands de musique codifiée comme rarement (voire la pochette de One Step Beyond et ses leçons de pas de danse), se presse une foule de 7 à 77 ans ! Le constat avait déjà été fait lors de Rock en Seine au mois d’août dernier où, le public de ce festival de trois jours, généralement assez jeune, avait sauté, crié et chanté comme personne n’aurait pu s’y attendre.
Ce soir encore, se mêlent des adultes en tenue Ska complète ; chapeau de cuir noir, tee shirt à damiers et creepers au pied ; des ex skins rouges (skins anti-fachos pour les plus jeunes !) aux look plus durs et même les enfants de tout ce joli monde ; la plus jeune remarquée n’ayant pas 10 ans !
Malheureusement le Zénith n’est pas un parc boisé par une belle journée d’été et l’ambiance, pour ne citer qu’elle, s’en ressent. Cette salle, marketée par tous les bouts, n’est pas bien sonorisée et pour ceux qui se trouvent dans la « fosse », les boules quiès sont impératives ou les sifflements assurés dans les oreilles des heures après le concert. Le paradoxe voulant alors qu’on se retrouve plutôt assis dans le fond pour une programmation souvent très rock ou en tout cas très remuante. Cette foule assise passera de toute manière toute la soirée debout à danser et sauter au son des Madness !
Est-ce là le signe d’une date trop bien préparée (les locations ont ouvert six mois plus tôt et pourtant le concert n’affiche pas complet) ou d’un passage à Paris non désiré ? Force est de constater que l’entrée en matière de Chas, Suggs et leur bande, n’est pas à la hauteur de leur passage à Rock en Seine où, faut-il le rappeler ne serait ce que pour les en remercier une fois de plus, ils avaient offert un set d’anthologie (Lee Kix Thompson se retrouvant à 60 ans, à jouer du saxo la tête à l’envers accroché à des filins le maintenant à 10m du sol !) et surtout, avaient remplacé au pied levé, Oasis, perdu et annulé une minute avant de jouer pour une énième bagarre entre les frères Gallagher...

One Step Beyond ouvre le bal et lance les premiers pas de ska esquissés par les plus anciens. Vient ensuite Embarassment, toujours impeccablement interprété mais sans vraie folie, pourtant marque de fabrique de Madness, en dépit de l’énergie et des jeux de jambes de Chas et Suggs qui ont tellement fait pratiquer les adolescents des années 80, cherchant mais ne trouvant jamais le secret des pas de ska que ces deux-là ! On avait laissé des garçons de 25 ans complétement barrés habillés en Arrigton et Fred Peary et on voit arriver des Blues Brothers de 55 ans, habillés en costume rayés et ray bans... pourtant, aucun des deux n’a perdu de sa dextérité à danser comme nul autre. Sur une musique si découpée et souvent à contre-temps, les bras en avant et les jambes exécutant une danse du sabre digne de l’armée rouge, le spectacle vaut le coup d’œil, juste pour ça !
Côté chansons sorties du répertoire légendaire (seul Forever Young est un titre récent), le choix de ce soir est curieux et se veut un contre point à ceux interprétés (deux fois de suite !) lors du Rock en Seine de 2009. Les attentes sont un peu frustrées et la surprise de titres inconnus par la majorité de ceux qui n’ont pas dépassé les « singles » ou « hits » de l’époque se fait ressentir tout autour de moi.
À défaut d’autres légendes du rock et, paradoxalement en accord avec la musique électronique de notre époque, on vient voir Madness comme on irait à un spectacle de danse ou en discothèque, pour se défouler sur des pas endiablés et regarder les anciens en raconter aux plus jeunes ! Les titres de Madness sont tellement orchestrés, finement produits et si bien mixés que les rejouer sur scène peut s’avérer périlleux, même avec huit musiciens sur scène. Et en dehors de leurs standards magistralement interprétés parce que joués des milliers de fois sur scène, les faces B programmées ce soir-là ne sonnent pas comme il le faudrait et, moi le premier, nous sommes nombreux à en profiter pour aller satisfaire certains besoins...
Finalement, la dernière partie du concert assurera à elle seule la satisfaction de tous, notamment avec le légendaire Our House faisant exploser quelques fauteuils des gradins ou sur un Night Boat To Cairo pendant lequel deux jeunes garçons sont invités à monter sur scène pour exécuter un pas de ska approximatif auprès de Chas et Suggs, toujours en forme après une heure et demie de concert. Prouvant encore une fois leur générosité envers ce public qui les suit depuis trente ans pour certains, ils ont leur place au panthéon des groupes mythiques et au record de longévité.

À mes cotés, une fillette de sept ou huit ans danse comme une dératée auprès de sa mère quadragénaire. Elle balance ses jambes en avant depuis plus d’une heure et ne semble pas vouloir s’arrêter ! Mais, au grand dam de l’audience surchauffée, un peu trop tard, et notamment par Lee le saxophoniste fou qui finira par arracher son pantalon de costume pour finir dans le short d’Angus Young (!), il n’y aura pas d’autres rappels que ces deux derniers morceaux d’anthologie.
Nous quittons le Zénith un peu sur notre faim en pensant à Lino Ventura dans les Tontons flingueurs, qui, rond comme une queue de pelle et après s’être empiffré des dizaines de toasts au pâté sur la table de la cuisine, pense tout haut : « J’aurais bien mangé quelque chose de plus consistant ! ».
setlist
    One Step Beyond
    Embarrassment
    The Prince
    NW5
    My Girl
    Dust Devil
    The Sun And The Rain
    Take It Or Leave It
    That Close
    I Chase The Devil Aka Ironshirt
    Clerkenwell Polka
    Taller Than You Are
    Mk II
    Bed & Breakfast Man
    Shut Up
    Forever Young
    House Of Fun
    Baggy Trousers
    Our House
    It Must Be Love (Labi Siffre cover)
    ----
    Tarzan's Nuts
    Madness
    Night Boat To Cairo
photos du concert
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