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Bokononists

Paris, Flèche d'Or - 10 juillet 2010

Live-report par Julien Soullière

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Ce chaud samedi de juillet marquait le retour de Johnny Borrell dans notre pays. Une raison visiblement suffisante pour convaincre quelques amis de venir passer la soirée à la Flèche d’Or. L’occasion également de faire découvrir ce lieu à ceux qui ne le connaissaient pas encore, une hétéroclite et savoureuse programmation musicale à la clé.

Attention, objet sonore non identifié. Quand s’éteignent les lumières pour la première fois de la soirée, c’est pour mieux laisser place à un drôle de personnage, le cheveu hirsute et la lunette trop grande. Entièrement vêtu de noir, comme pour mieux attirer l’attention sur les fines bretelles blanches qui maintiennent son pantalon, le curieux bonhomme s’avance et, arrivé au devant de la scène, commence à jouer de sa bouche, sous les regards interloqués de celles et ceux qui ne s’étaient pas préparés à la chose. Autant dire la grande majorité du public.
Pourtant, pas de one-man show ce soir. Une petite poignée de minutes après son entrée en piste, le beatboxer est finalement rejoint par les deux autres membres de la formation grenobloise Miss White & The Drunken Piano. Un nom qui en dit long sur ce à quoi s’attendre, mais qui ne prend tout son sens que lorsque la jeune chanteuse en robe blanche prend place derrière son piano. Un nom réducteur aussi, tant l’ivresse musicale, et la douce folie qui découle de celle-ci, semble avoir gagné l’ensemble des membres du groupe. Saxophoniste à la queue de cheval qui se plaît à manier la basse, beatboxer fantasque qui s’essaie à la batterie, pianiste au doigté délicat qui se mue en féroce chanteur hip-hop... autant de preuves des troubles alléchants de la personnalité que l’on peut observer chez les Isérois.
La musique, elle, est aussi éclatante et inattendue que le tableau est singulier. A la croisée du jazz, du rap et de la chanson, elle se joue des clivages et fait swinguer un public qui, conquis, n’hésite pas à battre la mesure. Tout ça le sourire aux lèvres, car chez Miss White & The Drunken Piano, on ne se prend jamais vraiment au sérieux. Une bien belle révélation.

Bokononiste : n.m. 1. Individu adepte du Bokononisme, religion fictive issue du livre Le Berceau des Chats, de Kurt Vonnegut. 2. Membre du groupe Bokononists, emmené par Johnny Borrell.
Chercher à savoir si Borrell a lancé ce side-project uniquement pour prendre l’air, ou bien pour prouver au monde que tout ce qu’il touche devient or (monsieur serait particulièrement prétentieux), n’a finalement que très peu d’intérêt. Ce qui importe, c’est que Razorlight et Bokononists, ça n’est pas loin d’être du pareil au même. Soit des formations hantées par la personnalité écrasante de leur leader. Mais alors, Back To The Start pour l’ami Borrell? Oui et non. Car si le bonhomme, tout populaire qu’il soit, repasse par la case « salles de concerts intimistes » (pendant combien de temps cela-dit ?), les fantômes du passé ne sont jamais bien loin : non seulement les Bokononists vont reprendre quelques titres de Razorlight, mais ils proposent une musique qui brasse tout aussi large que celle de leurs aînés. Ska, punk, rock... tout y passe, ou presque.
Conséquence heureuse, aucune lassitude à déplorer du côté d’un public qui tient bon malgré la chaleur; un auditoire discipliné, certes, mais qui n’a pas à se faire prier pour saluer la prestation. Et autant dire que les occasions ne manqueront pa s: de l’imparable Profile jusqu’à la somptueuse In The City, marquée du sceau de sa Majesté Johnny Cash, le set des anglais mélange l’ancien et le nouveau avec virtuosité et pour notre plus grand bonheur. Pour autant, et on l’évoquait déjà, Razorlight comme les Bokononists ne seraient probablement rien sans Borrell. Fait d’autant plus flagrant en live. Charismatique en diable, parfaitement en voix, le bougre étincelle : c’est bien simple, au bout de quelques minutes, on ne voit déjà plus que lui. Imbu de lui-même peut-être, talentueux assurément. Du coup, si on rester à l’affut de nouveaux morceaux, on ne prend que très peu de risques à dire que le succès sera surement au rendez-vous.

Un par un, les Bokononists quittent la scène. Déserte, on la laisse aux mains des roadies et on s’empresse de rejoindre la terrasse, histoire d’oublier un temps la chaleur de la salle. Juste le temps de s’en griller une que la tête d’affiche montre le bout de son nez. Dans un calme d’église, les cinq musiciens de Starboard Silent Slide saluent leur public, effectuent les derniers réglages, et se lancent avec application dans le grand bain.
Mais si les compositions du groupe sont des plus somptueuses (je vous recommande vivement l’écoute de Because Our Friendship Was Meant To Sail, leur premier album), force est de constater qu’elles ne sont pas à la hauteur du défi qui leur incombe ce soir; en offrant le calme après la tempête, les membres de Starboard Silent Slide en ont surement refroidis plus d’un. Pas très judicieux donc, que de les faire passer en fin de soirée, qui plus est à une heure si tardive. Conséquence directe ou non, le set parait finalement assez monotone, ce qui est d’autant plus dommage que le groupe réussit à insuffler une belle et magnétique énergie en fin de prestation. A revoir, pour sur, mais dans d’autres conditions.

Le groupe vient tout juste de remercier le public que le DJ rejoint déjà ses platines. Comme de coutume, la Flèche d’Or revêt son habit de lumière pour emmener les plus téméraires jusqu’au bout de la nuit. Les autres allument une dernière cigarette et rejoignent le métro, le sourire aux lèvres.
setlist
    Back To The Start
    Profile
    Bad Mind
    Bright Lights
    Stinger
    Golden Touch
    In The Morning
    Double Dumb
    Stumble & Fall
    In The City
    People Who Party
photos du concert
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