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Simple Minds
Madness

Paris, Fête de l'Humanité - 11 septembre 2010

Live-report par Olivier Kalousdian

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Les allées sont dégagées (le service de la voirie passe tous les matins à 5h nettoyer), au moins autant que le ciel de la banlieue nord en ce début d’automne et la foule de cette fin de deuxième journée est encore plus nombreuse que la veille, ce qui me paraît pourtant impossible !

Déambulant dans les allées ignorées la veille, je réalise qu’il est possible de se perdre, même dans un festival à seulement vingt kilomètres de chez soi. Il y a même des sens de circulation dans ces allées... Comme à la Mecque, aller à contre-sens se fait à ses risques et périls.
Je file sous la tente de Groland voir Christophe Salengro entonner l’hymne de son pays imaginaire, « Groland, je mourirai pour toi ». J’en profite pour ramasser quelques numéros de Sempé que l’équipe de Canal vénère et pars goûter aux spécialités locales. Moules frites à cinq euros, hot dog à trois et, pour les plus aisés, de véritables plats locaux accompagnés de vins très intéressants. Tout cela change des bars Heineken qui constituent un véritable monopole dans les festivals rock de l’été et qui facturent une bière au prix d’un repas ici !

La foule continue de grossir et les allées semblent à nouveau à se remplir de déchets... Ce soir, la foule est trop imposante, j’irais voir Madness au club presse, équivalent d'un quelconque espace VIP. Chas et Suggs sont aussi ponctuels que possible et j’arrive trop tard pour leur entrée en scène. À l’espace presse se bousculent des invités de tous horizons, de 15 à 55 ans, partageant tous un trait commun bien : ils connaissent les paroles des chansons de Madness sur le bout des doigts ! De la quadra chaussée de Doc vintage bordeaux qui hurle le nom du groupe aux adolescents coiffés d’un chic Panama blanc (du plus mauvais goût à la Fête de l’Humanité) qui sautent à pieds joints en entonnant un Our House joué en fin de set pour ne pas faire retomber le soufflet, en passant par les journalistes de ma génération, toujours si admirateurs du jeu de jambes de Chas et Suggs, nous sommes tous sous le charme du son Two Tone. Automatiquement, inconsciemment, je commence à faire bouger mes pieds comme il est indiqué sur la pochette du 45 tours de One Step Beyond, et, même si à l’instar de Prodigy la veille, la bande à damier noir et blanc semble épuisée par une saison de concerts aux quatre coins de la planète, et même si les années commencent à marquer ces Lads sortis tout droit d’un trou de ver qui se serait ouvert aux alentours de 1980, soixante mille personnes de tous âges sautillent en chantant avec une joie sans pareille. Difficile de tenir sa bière, sa caméra et de danser le sa. J’ai eu la chance de m’en rendre compte par trois fois en une année... moi qui ne les avais jamais vus en 25 ans, je jubile !

Sortis eux aussi tout droit des recoins poussiéreux des années quatre-vingt, Jim Kerr et Charlie Burchill, membres fondateurs des Simple Minds et toujours présents à ce jour, entrent sur scène sous les ovations de spectateurs sûrement plus étonnés d’assister à un comeback insoupçonné que certains d’assister à un grand moment de rock & roll !
Simple Minds c’est ce groupe Ecossais formé en 1975 (quand même !) et qui s’est imposé sur la planète avec la sortie du film Breakfast Club en 1985 et son tube générique, Don’t You (Forget About Me). Ces mêmes Simple Minds, qui disent tirer leur nom du Jean Genie de David Bowie et dont leurs premiers albums essaient de s’inspirer, furent le groupe de quelques tubes planétaires, dont Alive And Kicking, et remplirent plus facilement les stades du monde entier que des pages de critiques dithyrambiques dans Rock & Folks !
À cinquante-cinq ans passés, Jim Kerr et sa bande sont donc de retour pour un set propre, net et sans bavures mais jouant une musique toujours aussi pauvre et aseptisée. Le guitariste joue sur des Fender que l’on n’a plus revues depuis Roy Orbison, la basse est douloureusement slappée comme aux pires heures d’Eric Serra (Waterfront) et Jim a bien pris vingt kilos depuis 1985... mais, il faut le reconnaître, on ressent sans peine la joie sincère, pour ne pas dire la divine surprise, qu’il semble éprouver à se retrouver de nouveau sur une telle scène devant peut être soixante mille personnes, comme à la plus belle époque du groupe, en 2010 ! Comme les participants des Enfants de la TV ou d’un Karaoké géant, le public ne boude pas sa joie non plus et reprend en chœur des tubes qui pourraient sortir tout droit d’une campagne de publicités pour des produits laitiers !
Générosité d’un gentil rockeur que l’on ressort de sa boite pour l’occasion, Jim Kerr descend de scène et monte sans peur sur les barrières de sécurité séparant les crash barrières de cette foule compacte, touchant au passage les mains de dizaines de fans émerveillés de voir que la réforme de la retraite peut aisément être appliquée au secteur du rock ! Je dois avouer que le plaisir de Jim est communicatif et semble être des plus sincères... il n’empêche, une fois joués leurs tubes et quelques titres totalement inconnus de ce public dont les trois quarts n’étaient pas nés lors de leurs sorties, la boîte de Pandore des années quatre vingt, trop facilement réouverte par des producteurs en mal d’innovations et de prises de risques qui, dans le même temps, crient au complot contre les internautes téléchargeurs, se referme silencieusement et sans réelles contestations.

Et l’on se dit que l’année prochaine, après Simple Minds ou Roxy Music à Rock en Seine (un autre grand moment de solitude), on nous proposera peut être le retour d’une Blondie grisonnante (dont pourtant je suis fan) ou de Téléphone dont la reformation est « prévue » pour 2012 (comment peut prévoir le retour d’un groupe deux ans à l’avance ?) avec des membres qui parfois ne se parlent plus, approchent la soixantaine et jouent des titres usés jusqu’à la moelle et qui n’ont pas assez de substances pour voyager si loin dans le temps.
Des Madness ou des Clash dont le génie inventif posa les fondations de styles musicaux unanimement salués, il n’y en a que très peu sur chaque génération et, souvent, mieux vaut garder le meilleur de leurs souvenirs en archives que d’en fabriquer des déjà périmés, jusqu’à satiété…