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Killing Joke

Paris, Bataclan - 27 septembre 2010

Live-report par Olivier Kalousdian

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Parmi les plus sombres formations issues de la période post-punk made in England, Kiling Joke, « La blague qui tue », expression commune outre manche, occupe une place privilégiée. Formé en 1979 et reconnu comme un des groupes les plus importants de la fin des années 70s, il a fortement influencé des groupes comme Nirvana, Metallica, Ministry, Soundgarden ou encore Korn qui ont tous mentionné un jour être redevables à cette formation, la ligne de basse de Killing Joke sur Eighties ayant été purement et simplement pillée par Nirvana pour Come As You Are !

Jaz Coleman, chanteur et leader historique du groupe, qui partage son temps entre la composition d’œuvres symphoniques et le travail en studio et sur scène pour Killing Joke, a étudié de nombreuses cultures et vit actuellement entre Prague et la Nouvelle-Zélande. Il a développé une passion pour l'occultisme, le folklore tchèque et la musique Māori. C’est certainement à ce titre que l’entrée sur scène du groupe est précédée d’une minute de chants mystiques comme les appréciaient les Virgin Prune.
La légende veut que Killing Joke soit né d’une rencontre dans une file d’attente d’un British Unemployment Office, à la toute fin de l’année 1978. Ce jour-là, Jeremy "Jaz" Coleman rencontre un ami et lui parle de ses aspirations musicales. En entendant le discours de Coleman, son ami lui glisse qu’il a quelqu’un à lui présenter, puis l’emmène à son appartement londonien où les attend le batteur Paul Ferguson. Selon Coleman, sans échanger un seul mot, ces deux-là réalisent qu’ils sont destinés à jouer ensemble une musique que Ferguson décrira plus tard comme « the sound of the Earth vomiting » — le son que ferait la Terre en vomissant !
Pour donner corps à leurs idées, Coleman et Ferguson font passer une annonce dans le journal musical Melody Maker, disant en substance : « Want to be part of the Killing Joke ? Total Publicity - Total Anonymity - Total Exploitation », soit en résumé : « Vous souhaitez faire partie de la Blague qui Tue ? Publicité Totale - Anonymat Total - Exploitation Totale ». Selon Coleman, Killing Joke s’est formé autour d’intentions bien particulières : « définir l’exquise beauté de l’ère atomique en termes de style, de son, et de forme. » ; un esprit rock très présent au début et au milieu des années 80 et revendiqué par d’autres groupes légendaires comme Devo ou Lords of the new Church.

Ce soir, lorsque Jaz Coleman entre en scène, c’est le visage grimé de blanc tel un clown triste, les cheveux noir de jais tombant sur ses yeux cernés et revêtu d’une combinaison NBC (nucléaire, bactériologique, chimique) noire, enchaînant les tours de scène aux rythmes d’un lourd pas militaire russe au son de la batterie. De sorte que le ton et le message de Killing Joke jaillissent de la scène avec une inquiétante beauté...
La guitare et la basse jouent sur une distorsion rythmique, accompagnés, selon l'époque, par une batterie souvent tribale et puissante et par des synthétiseurs typiques « new wave ». Le chanteur joue, selon les morceaux et les périodes, sur des plages allant d’une grande douceur dans les graves aux hurlements mystiques issus d’une religion païenne. Jaz Coleman est un gourou des sciences occultes qui se sert de son statut de rock star pour entraîner dans ses revendications le plus grand nombre d’ouailles d’un seul coup, et il le fait encore très bien, vingt-cinq ans après !

Comme souvent dans ces soirées où se pressent des centaines de quadra trop heureux de pouvoir enfin assister aux concerts qu’ils ont ratés à leur adolescence, le noir est de rigueur ; à la limite du gothique ce soir. Tous les aficionados du rock industriel ou de la cold wave sont au Bataclan en ce lundi soir et, comme souvent encore, la surprise réside dans l’age moyen du public. Car, alors que Killing Joke a connu son apogée dans les années 80, ces mêmes quadras ne sont pas majoritaires comme l’on pourrait s’y attendre et les vingt-trente ans ne sont pas en reste, chantant et pogotant comme un seul homme avec une énergie que je n’avais pas vue depuis le concert des Pogues à Orange en 1986 !
Il y a, dans le retour de ces groupes des années 80s, une dimension marketing certaine, et si parfois cela peut tourner au pathétique, il faut reconnaître que des formations comme Wire, Madness ou Killing Joke ce soir, reviennent jouer avec la même envie qu’il y a vingt cinq ans. Le même regard dépressif et effrayant dans les yeux de Jaz Coleman, la même énergie du désespoir post-atomique dans la musique qui tape aux oreilles et enfin, le même public, ou presque, qu’à l’époque où le « bling-bling » n’existait pas encore… Preuve de cet engagement sans concessions que Killing Joke étale ce soir ; malgré les deux rappels et les cris les encourageant à jouer leur tube planétaire, Love Like Blood, la salle se rallume et nous en restons là, à la fois respectueux de voir qu’ils n’ont pas cédé à la facilité mais également déçus de ne pas avoir eu droit à un des refrains les plus dansés dans les discothèques françaises et anglaises dans les années 80s, le cheveux méché et crêpé haut et la chemise longue en dehors du pantalon !
Incrédule, le public entonne le refrain de Love Like Blood, convaincu que le concert ne peut se finir sans ce dernier morceau et malgré les roadies déjà en branle sur la scène pour déménager le matériel... mais rien n’y fera.

Sacrés Killing Joke, toujours aussi farceurs !
setlist
    Tomorrows World
    In Excelsis
    Wardance
    Change
    Bloodsport
    European Super State
    This World Hell
    The Fall Of Because
    The Raven King
    Requiem
    The Great Cull
    Madness
    Fresh Fever From The Skies
    Asteroid
    Depth Charge
    The Wait
    Pssyche
    ---
    Pandemonium
photos du concert
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