Little Comets

Quatre mois après la sortie de The Gentle EP, Little Comets reviennent à nouveau dans l'actualité avec un nouveau EP, The Salt, deuxième d'une série de trois à sortir dans l'année.

L'ambiance n'est pas joviale et Robert Coles annonce immédiatement la couleur en contextualisant le disque : c'est son traumatisme par le meurtre d'un enfant de quatre ans par ses parents, Daniel Pelka, qui lui a inspiré le single Salt. Précisant qu'il s'agit probablement de la chanson la plus triste qu'il ait eu à composer, et aussi la plus dure à finir, il nous aide à vite comprendre que le refrain sinistre évoque la torture qu'a eu à subir l'enfant (« Let them bleed me, feed me salt under the table »). Père lui-même, l'Anglais a cherché à retranscrire l'horreur à peine imaginable suscitée par une telle affaire, et à se tenir à ce sentiment plus qu'à conter un fait divers macabre.

Le résultat est effectivement sombre, à l'image du premier essai sorti en février qui semble amorcer une transition vers une musique moins tropicale et moins légère qu'au début de la carrière du groupe. D'emblée sur Salt, les guitares sont très peu présentes et laissent la place à une basse qui mitraille de concert avec une batterie toujours aussi étonnante et variée. Le travail réalisé sur les chœurs qui accompagnent le refrain et le pont de fin est remarquable, comme le refrain en lui-même qui est aussi poignant qu'on aurait pu l'imaginer. Les explosions vocales aiguës du leader restent impeccables et indomptables, rappelant souvent plus une ligne de guitare qu'un chant de pop tant elles sont imprévisibles.
Une autre chanson, Daily Grind (« train-train quotidien ») mise aussi beaucoup sur les parties vocales finement travaillées, ainsi que sur un piano qui œuvre dans la même veine que le précédent disque. Ce morceau a une aura spirituelle évidente avec ses arrangements polyphoniques saturés de réverbération, à la limite du gospel sur certains passages.

Le trio semble définitivement entré dans une phase artistique plus posée, introspective et mélancolique, maintenant cinq ans après la publication de leur tout premier single. Les rythmes syncopés et les débordements d'insouciance estivale d'antan semblent tellement loin, pourtant on ne pourrait pas dire que Little Comets ont gagné ou perdu en authenticité car ils sont finalement toujours aussi fidèles à leur son, mais d'une manière différente.
Sur la dernière piste originale de ce nouvel EP, Grow, ce son si étrange de guitare est toujours bien là : on retrouve une influence de musique africaine et un travail sonore toujours aussi intéressant avec une inversion de l'intensité des notes. Au lieu d'entendre chaque note faiblir subtilement, on les entend prendre vigueur légèrement et notre cerveau aime cette entorse aux lois de la physique qu'il range dans la catégorie « psychédélisme ».
La version non-digitale de l'EP propose ensuite une version acoustique de Little Italy. Il est toujours hasardeux de se réinterpréter soi-même mais cette version assagie passe bien et les Anglais ne sont pas tombés dans le piège d'une simple copie qui se contente d'être plus calme. La mélodie entière a en fait bien changé, pour devenir plus triste et ainsi gagner sa digne place au milieu de ce court et sombre disque. Une version acoustique du single d'ouverture clôt l'EP. Encore plus lente, encore plus religieuse et encore plus obscure, cette variante expose à nouveau avec des harmonies différentes et une esthétique presque a capella le thème de Salt. Le travail des voix ne faiblit pas et cherche à appréhender sous un autre angle l'angoisse absolue évoquée par le sujet.

Le troisième et dernier EP à paraître cette année nous le confirmera mais les Little Comets semblent de plus en plus s'être engagés dans une voie nettement moins radiophonique et party-friendly qu'en début de carrière. Et qu'ils aient réussi à le faire sans sacrifier leur touche est un tour de force.