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Kele

Trick

Kele - Trick
Chronique Album
Date de sortie : 13.10.2014
Label : Lilac Records
15
Rédigé par Hugues Saby, le 11 octobre 2014
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Kele Okereke est un musicien et un homme bien énigmatique. Pour beaucoup de gens nés comme moi au début des années 1980, il restera à jamais une icône du rock indé, après en avoir changé les règles au sein de Bloc Party. Au fil de ses quatre albums studio, le groupe a évolué d'une manière incroyable, de l'angoisse sourde à peine contenue de Silent Alarm en 2005, jusqu'aux trémolos émotionnels de Four en 2012 ; des débuts live hasardeux jusqu'au monstre scénique de ces dernières années, le groupe a réinventé un genre à la fois par la qualité et l'atypisme de ses compositions comme de ses musiciens. Une identité très forte, à prendre ou à laisser, mais qui a marqué le début du XXIème siècle rock d'une empreinte dont on ne mesure aujourd'hui pas encore tous les effets.

C'est sans doute la raison pour laquelle beaucoup furent surpris de voir Kele s'aventurer en terres électroniques avec son premier album solo, The Boxer. Pourtant, les signes avant-coureurs étaient nombreux. Si le chef d'œuvre qu'est Silent Alarm a clairement apposé sur Bloc Party un sceau rock, le reste de la discographie révèle un penchant assumé pour l'expérimentation, bien au-delà des limites du genre. C'est ce qui fait d'ailleurs de Bloc Party non pas un groupe de rock mais un grand groupe. C'est très clair sur Intimacy, qui nous a donné de superbes morceaux électro voire dance (notamment Mercury et surtout l'incroyable Your Visits Are Getting Shorter).
Toutefois, ces morceaux restaient sensiblement marqués par l'identité musicale du groupe – franchement indéfinissable mais reconnaissable entre mille - et tirés vers la voute céleste par la voix tourmentée de son frontman. C'était aussi le cas de la plupart des morceaux figurant sur The Boxer, disque passé relativement inaperçu mis à part le single qui en fut tiré à l'époque (Tenderoni), malgré sa qualité remarquable. Sur cet album, où Kele Okereke allait toujours un peu plus loin dans l'électro (on notera notamment de forts accents dubstep), son ADN musical, sa qualité d'écriture et, accessoirement, quelques guitares, étaient toujours bien présents. C'est à partir de l'EP The Hunter que les choses ont vraiment commencé à se gâter. Rythmiques raggatone, synthés dignes des plus sombres heures de l'histoire de la musique commerciale, et surtout, mon dieu, cette pochette. Oui, sur cet opus, Kele commençait à sérieusement partir en sucette. Mais là encore, sa voix si envoûtante le sauvait toujours à un moment ou un autre du faux pas total.

Ce n'est malheureusement pas le cas sur Trick, nouvel album solo sur lequel, cette fois, c'est la pochette qui est ce qu'il y a de plus réussi. Comment résumer ce qui se passe dans le cerveau à l'écoute des premières notes ? Vous êtes déjà allés chez Uniqlo ? Vous voyez ce fond sonore insipide fait de beats et de synthés répétitifs au rabais, hypnotiques à souhait, sorte d'avatar moderne de Saint-Germain ? Voilà, vous y êtes. Kele nous a pondu la bande son d'un magasin de fringues. J'exagère à peine, je vous assure. Fermez les yeux, détendez-vous, ça y est, vous êtes chez Mango, bon shopping.
Rien ne sauve cet album de la déroute, même pas les textes, qui ont pourtant longtemps été le fort du bonhomme (dont un recueil intégral a récemment été publié). C'est ainsi avec désespoir qu'on l'entend chanter « Let me be your lover » ou « I know you want some » sur Stay The Night. Rien, ou presque. Ici et là la voix et l'angoisse d'antan refont surface durant quelques courtes secondes (Closer, Year Zero) durant lesquelles on se surprend à attendre le frisson qui, avant, nous parcourait toujours en pareille situation.

Mais rien ne vient, et c'est plutôt un mauvais arrière-goût, qui nous arrive en pleines oreilles. Et une image aussi. Celle d'un chanteur unique et flamboyant, une guitare dans le dos et une casquette vissée sur la tête, qui aboyait sa rage sur Positive Tension. C'était il y a 10 ans. « Why d'you have to get so fucking useless ? ».
tracklisting
    01. First Impressions
  • 02. Coasting
  • 03. Doubt
  • 04. Closer
  • 05. Like We Used To
  • 06. Humour Me
  • 07. Year Zero
  • 08. My Hotel Room
  • 09. Silver and Gold
  • 10. Stay the Night
titres conseillés
    Closer - Year Zero
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