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PJ Harvey

I Inside The Old Year Dying

PJ Harvey - I Inside The Old Year Dying
Chronique Album
Date de sortie : 07.07.2023
Label : Partisan Records
35
Rédigé par Bertrand Corbaton, le 4 juillet 2023
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Tout le monde ne le verra peut-être pas de la même façon, mais l'âge ou l'expérience sont pour certains artistes synonyme de libération, comme si le temps qui passe permettait de s'affranchir de contraintes, ouvrait un champ des possibles difficilement atteignable en début de carrière. Ainsi, ceux qui voyaient en PJ Harvey au début des années 90 une simple héroïne post-punk en sont pour leurs frais tant l'artiste du Dorset a fait du chemin depuis Dry et Rid Of Me.

Après son dernier album, The Hope Six Demolition Project, PJ Harvey a connu une sorte de dépression, où l'envie de composer de la musique semblait tarie. L'exploitation des démos de ses albums précédents a-t-elle joué dans le besoin de revenir à la composition ? C'est possible, toujours est-il que durant ce laps de temps, il a fallu trouver d'autres moyens d'expression, et c'est sur l'écriture que Polly Jean a jeté son dévolu en concrétisant la sortie d'Orlam, poème narratif qu'elle couvait depuis six ans.
L'influence de cette nouvelle expérience est primordiale dans I Inside The Old Year Dying, car ce nouveau LP n'est musicalement proche d'aucune de ses productions antérieures. À tel point qu'on est en droit de se demander si l'artiste a réellement repris goût à la composition telle que vous l'entendiez, tant nous est présentée ici une œuvre poétique singulière où la musique ne semble parfois être qu'un support de moindre importance à la poésie.

C'est assez flagrant sur Lwonesome Tonight, espèce de conte surréaliste ou sur l'étrange A Child Question, July. Souvent, PJ Harvey convoque des ambiances oniriques comme sur le nuageux All Souls, ou sur The Nether-Edge. I Inside The Old Year Dying est un voyage vaporeux à travers les mots plus que la musique, il s'appréhende comme une seule pièce, comme la lecture d'un livre. À ce propos, d'aucuns pourront penser Au château d'Argol de Julien Gracq, tant on baigne dans un mélange de surréalisme et un romantisme sombre. Il y a peu de lumière dans I Inside The Old Year Dying, PJ Harvey vous entraîne dans les méandres de l'âme, dans des distorsions poétiques noires dans lesquelles elle se meut comme dans une forêt familière. Pourtant, rien ne paraît macabre, et qu'on se rassure, l'artiste reste à bonne distance des poncifs d'un romantisme gothique granguignolesque.

Par instant, on tombe sur des instants de grâce, des moments où tout semble être en suspend comme sur le fascinant A Child's Question, August, premier single de l'album, ou sur August, à la puissance émotionnelle incroyable pour qui sait l'apprivoiser. À un autre endroit du chemin, le brouillard laisse place à quelque chose de plus palpable, de plus organique à l'instar de la petite pièce fragile qu'est I Inside The Old I Dying, ou sur le final A Noiseless Noise, à contre-courant de l'ensemble avec ses percussions et ses guitares tendues, comme pour mieux vous extirper de ce rêve cotonneux dans lequel vous étiez plongés.


Cet album ne ressemble à rien d'autre, et il se présente déjà comme une entité à part dans la discographie de PJ Harvey. Néanmoins, cette singularité a un prix, et I Inside The Old Year Dying se démarque également par une difficulté importante à se dévoiler. Il est un bois dense dans lequel il est ardu de pénétrer, un marécage où parfois on se retrouve prisonnier. Par instant, l'impression qu'il sera impossible de dompter l'animal prend le dessus, et entre le chant haut perché plutôt désagréable sur Prayer Of The Gate ou le monotone Seem An I, la traversée de I Inside The Old Year Dying peut parfois prendre des tournures ennuyeuses et assez rebutantes au premier abord.

C'est problématique à plus d'un égard, car si PJ Harvey nous avait habitué à des plages parfois peu évidentes, il était toujours possible de reprendre sa respiration avec des titres plus évidents, comme The Words That Maketh Murder sur Let England Shake ou The Community Of Hope sur The Hope Six Demolition Project. Il n'y a rien de tout ça sur I Inside The Old Year Dying, et aucun répit ne vous est accordé. Vous êtes plongés dans les abysses de ce monde onirique et opaque qu'il faut encaisser d'un seul trait, en apnée. À cet égard, ce tournant dont Orlam est l'axiome dans la façon de PJ Harvey d'appréhender sa musique pourrait en désarçonner plus d'un si vous ne faites pas définitivement le deuil de l'artiste que vous avez connue. Si tel n'est pas le cas, l'expérience de ce nouvel album pourrait au mieux vous laisser totalement de marbre, au pire, être parfois franchement désagréable. Ce n'est pourtant que le cheminement logique d'une artiste inclassable et totale, chanteuse, écrivaine, compositrice, sculptrice, lectrice, observatrice. Comment penser dès lors que ces différentes activités seraient cloisonnées, n'iraient pas se nourrir les unes des autres ?

I Inside The Old I Dying est une pièce unique, un monde à part qui ne se laissera pas découvrir d'un simple coup d'œil tant il est complexe et personnel. Cette majestueuse singularité en laissera probablement beaucoup au bord de la route, mais on l'a compris depuis longtemps, ce n'est pas vraiment le problème de PJ Harvey. Certainement aussi la marque des grands artistes.
tracklisting
    01. PRAYER AT THE GATE
  • 02. AUTUMN TERM
  • 03. LWONESOME TONIGHT
  • 04. SEEM AN I
  • 05. THE NETHER-EDGE
  • 06. I INSIDE THE OLD YEAR DYING
  • 07. ALL SOULS
  • 08. A CHILD'S QUESTION, AUGUST
  • 09. I INSIDE THE OLD I DYING
  • 10. AUGUST
  • 11. A CHILD QUESTION, JULY
  • 12. A NOISELESS NOISE
titres conseillés
    A CHILD'S QUESTION, AUGUST - AUGUST - I INSIDE THE OLD I DYING
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