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Pitchfork Music Festival

Paris, du 27 au 29 octobre 2016

Live-report rédigé par Cassandre Gouillaud le 2 novembre 2016

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vendredi 28
Si la journée d'hier avait bien lancé le festival, la seconde apparaissait encore plus prometteuse sur le papier. Entre jeunes formations venues faire leurs preuves, piliers de l'électro, reines à la voix cristalline et mastodontes du post-rock, ce vendredi offrait une programmation des plus éclectiques mais aussi des plus intéressantes.

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Contrairement à hier, cette soirée commençait de la plus calme mais aussi de la plus belle des manières. Noyé dans un océan de lumières bleues, C Duncan a pris place sur la green stage au son des premières notes de Like You Do, envoûtant morceau de son dernier effort The Midnight Sun. À la différence d'Architect, celui-ci se distinguait par un son bien plus tiré de la dream pop que de la folk qui manquait peut-être de révéler l'étendue de son potentiel sur album. C'est en tout cas ce que l'on peut rétrospectivement penser, après avoir été témoin d'un set dont la puissance émotionnelle n'a pas manqué de bouleverser d'entrée de jeu. Soutenu par de multiples nappes électroniques qui ont donné à sa musique le relief dont elle manquait légèrement en studio, et nous permettent de le redécouvrir une deuxième fois - l'une des plus belles sensations qu'il puisse exister. Le virtuose à la formation classique sait définitivement bien comment nous éblouir.

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S'en suit une retombée en douceur avec les américains de Porches, dont la douce électro-pop de Pool constitue une transition parfaite. Aaron Maine était déjà passé présenter son second album en mai dernier, mais force est de constater que les derniers mois auront été bénéfiques à son live. Son électro-pop apparaît ici bien plus assurée qu'elle ne l'était, ce qui ne manque pas de se faire ressentir à la fois musicalement et dans la relation entre scène et public.

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Viennent ensuite deux sets qui rivalisent d'énergie, tous deux dans des styles absolument différents, mais terriblement efficaces. Le premier à entrer en lice répond au doux nom de Flavien Berger, dont le nom est maintenant connu de tous au vu de l'agitation qu'a soulevé la sortie de son Léviathan. Étant sans doute l'un des artistes français les plus prometteurs du moment, il n'est pas étonnant de retrouver son électro hypnotisante à l'affiche d'un Pitchfork Music Festival. Il ne démérite d'ailleurs pas à un seul moment, démarrant sur un Léviathan magnétisant et maintenant son public en haleine jusqu'aux dernières secondes de Trésor. Seul en scène et pourtant doté d'une grande présence, Flavien Berger est incontestablement l'unique roi de sa Fête noire. L'écho de sa voix profonde plane encore dans la salle que l'on songe déjà au moment où on le retrouvera.

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Changement de scène, passage de témoin entre l'électro et le post-rock. Les immenses Explosions In The Sky investissent le festival et balaient tout sur leur passage, sans la moindre trace de remords. Leur post-rock repousse un peu plus les limites sonores de la Grande Halle, d'une façon bien différente de ce que l'on a pu voir jusqu'à maintenant, mais tout aussi intense. Notre seul regret, cela dit attendu, est que le cadre des festivals n'est clairement pas celui qui se prête au mieux à la tension émise par les guitares rugissantes d'un tel groupe. À moins d'être dans les premiers rangs de fans il est difficile de pouvoir pleinement apprécier le concert, mais telles sont les lois des festivals.

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Elles s'appliqueront d'ailleurs un peu différemment à ce qui était attendu comme le moment de grâce de la soirée, le set de Bat For Lashes. Sa folk onirique se pose comme un voile de douceur sur la salle, réduisant les spectateurs attentifs à un silence religieux alors que sa voix cristalline s'élève. La venue de Natasha Khan est l'une des exclusivités que s'est réservée le Pitchfork cette année, suivant la sortie de son quatrième album The Bride. Elle ouvre d'ailleurs son set sur les trois premières chansons de ce dernier, I Do, Joe's Dream et In God's House, sur lesquelles elle fait d'ores et déjà état d'une puissance vocale incroyable. Les femmes sont bien peu présentes sur cette affiche 2016, mais font forte impression jusque-là. Les réclamés Laura et Daniel feront même frissonner les plus attentifs, quoiqu'il faille avouer que son registre détonne profondément avec le reste de la programmation. Entre deux sets post-rock et électro, il est clair qu'une partie du public ne parvient pas à se contenter d'un set aussi calme. Il est sans doute dommage que sa seule date française se doit déroulée dans ce cadre, ôtant un peu de sa magie à l'univers de l'artiste.

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Après ce délicat interlude, dernier passage à l'électro et retour au dancefloor avec un Todd Terje qui s'est lancé dans un projet secondaire, Todd Terje & The Olsens, mais qui n'a pas perdu son sens de la fête entre temps. Habillant pour l'occasion la scène de palmiers, le norvégien prend un malin plaisir à flirter avec le mauvais goût et le loufoque dans un set déjanté, bien qu'il apparaisse légèrement plus sage avec son groupe que seul. Il quitte la scène au bout de près d'une heure de set sous les acclamations d'un public ne s'étant pas encore bien remis des intenses mouvements de danse qui ont ponctué Inspector Norse, pour laisser la place à l'électro bien plus froide de Moderat.

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Dernier groupe de cette journée, les Allemands ont embarqué avec eux une scénographie des plus impressionnantes qui vient à merveille habiller leur musique. L'ensemble visuel et sonore contribue à créer une atmosphère hypnotisante, suffisamment forte pour capter l'attention du plus distrait et terminer cette journée en beauté.

Que penser de l'éclectisme de cette programmation ? Il aura montré ses limites aujourd'hui, agissant à la fois comme un moyen de satisfaire le plus grand nombre et de permettre les découvertes, mais aussi en sacrifiant par moments la cohésion de la programmation et l'univers de certains artistes. Des sets comme ceux de Bat For Lashes ont bien montré que le fait de ne posséder que deux scènes force à respecter une certaine ligne directrice qui faisait défaut ce soir-là. Il reste cela dit que, pris individuellement, chacun des artistes a livré un live se trouvant à la hauteur de nos attentes pour ce soir. Pari réussi de ce côté-là.
artistes
    C Duncan
    Porches
    Brandt Brauer Frick
    Flavien Berger
    Explosions In The Sky
    Bat For Lashes
    Todd Terje & The Olsens
    Moderat
photos du festival