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Festival Beauregard

Hérouville Saint-Clair, du 7 au 9 juillet 2017

Live-report rédigé par Pierre-Arnaud Jonard le 20 juillet 2017

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dimanche 9
Pour ce début de troisième journée, la musique de Tinariwen est idéale à écouter sous le soleil. Et en ce dimanche après-midi, celui-ci éclaire toute la pelouse de Beauregard. Le groupe délivre la musique des touaregs, l'une des meilleures de la musique africaine. Belles mélopées vocales, rythmiques répétitives avec pour seul emblème de la modernité une guitare électrique qui enjolive encore davantage cette musique traditionnelle. Un très beau moment.

House Of Pain ont débuté avant de se séparer à plusieurs reprises à l'orée des années 90, mais le poids des ans n'a pas prise sur eux. Le flow est toujours aussi tranchant et le groupe délivre un message de paix et de solidarité bienvenu. On a souvent critiqué le gangsta rap pour son agressivité, celui de House Of Pain ne prône que des choses positives. Le gang fait preuve d'un éclectisme musical rare dans le genre reprenant un morceau de Johnny Cash, Folsom Prison Blues, car comme ils l'expliquent, il a été le premier rappeur. Ils enchainent avec un autre titre country, What It's Like, joué à la guitare acoustique. Comme quoi, la musique lorsqu'elle est bonne n'a pas de frontières.
Everlast se sent nostalgique, évoquant ses débuts avec Ice-T il y a près de trente ans et exprimant son bonheur d'être face à une foule si jeune. Le groupe termine par le classique des classiques Jump Around qui électrise la foule.

Le concert de Michael Kiwanuka est superbe de bout en bout. En seulement deux albums, le jeune anglais s'est imposé comme ce que la musique black peut offrir de meilleur, digne héritier de Hendrix et Otis Redding. Sa musique puise dans le meilleur de la soul et réchauffe les cœurs.
Cold Little Heart a des accents floydiens tant par ses guitares que ses envolées planantes. Le morceau s'étire sur de longues minutes et, comme avec Pink Floyd dans son âge d'or, s'envole vers des sphères atmosphériques. Dix minutes spatio-temporelles superbes et hors du temps. One More Night est plus groovy mais tout autant réussi. Black Man In A White World synthétise en quatre minutes toute l'histoire de la musique black. The Final Frame est de la belle pop bien ouvragée et Love And Hate qui conclue le concert débute comme un morceau africain avec ses onomatopées et son rythme répétitif pour finir comme l'un des meilleurs morceaux soul à avoir été écrit ces dernières années. On ressort du concert totalement charmé et subjugué par la beauté de cette musique intemporelle. J'aime beaucoup les australiens de Jagwar Ma sur disque. Je trouve que leur musique est ce qui se fait de mieux dans le style revival Madchester. On a l'impression en les écoutant de retrouver l'esprit de fun et de fête qui animaient les Happy Mondays. Je suis d'autant plus déçu par leur prestation du soir. Non pas que le groupe soit mauvais en live mais je trouve leur set un peu mou. A aucun moment cela ne décollera vraiment. Même le single OB1 si bon dans sa version studio est emprunté live. Une prestation en dedans. Dommage.

J'avais été déçu par la prestation de Foals au festival This Is Not A Love Song l'an dernier, trouvant que le groupe sonnait ou trop mou ou trop progressif. Tout le contraire du concert de ce soir. Je ne sais quelles vitamines ont pris Foals avant de monter sur scène mais leur concert est gonflé à l'EPO.
Le son est excellent et le groupe très puissant. On sait souvent que l'on va assister à un bon ou un mauvais concert dès les premières notes du premier morceau. Dès que retentissent celles de Mountain At My Gates, nous voilà à fond. Le groupe en offre une version splendide qui fait chavirer la foule. Snake Oil qui suit sonne quasiment stoner.
Le groupe redescend certes un peu le tempo sur A Knife In The Ocean et Inhaler mais c'est pour mieux redémarrer sur What Went Down qui sonne quasi hard-rock. On se sent emporté et un vrai souffle jaillit alors de leur musique. Foals terminent en apothéose avec un épique Two Steps, Twice », plein de rage et de furie. Il se dégage alors du groupe une puissance rare et le déluge de guitares qui s'abat sur le morceau est quasi orgasmique. On aurait aimé que cela dure encore tant l'excellence de leur prestation nous a donné l'impression que cela était passé très vite, trop vite. Incontestablement dans le top trois des meilleurs concerts du festival (avec ceux d'Iggy Pop et Echo & The Bunnymen).

Je n'ai jamais écouté Hubert-Félix Thiéfaine de ma vie mais étant une personne de nature curieuse, je vais assister à son concert. Je trouve celui-ci très bon. L'apport de l'Orchestre Régional de Normandie ajoute une dimension poétique supplémentaire aux morceaux. La voix de Thiéfaine est belle, simple et pure. J'apprécie la texture de ces textes et le mélange des guitares rock aux instruments classiques, mélange qui qui peut parfois amener au pire mais donne ici le meilleur.
Cela fait plaisir de voir un artiste qui n'a pas vendu son âme au marketing et au capital, qui continue quarante après, comme sur Alligator 427 de dénoncer les travers de la société et la nécessité d'une certaine prise de conscience. Dans un monde où le désengagement est malheureusement devenu la norme, voir encore des artistes engagés fait plaisir à voir (et à entendre). Thiéfaine rend hommage à Baudelaire, lui qui venait non loin de là en 1859 à Honfleur composer certains de ses vers, avec Le Syndrome de l'Albatros inspiré du poème « l'Albatros ». Le concert s'achève bien évidemment par La Fille du Coupeur de Joints, classique des classiques du chanteur.

La soirée se termine par le concert des sud-africains de Die Antwoord. Pour d'autres raisons que Thiéfaine, ils ne sont pas eux non plus dans le politiquement correct, en attestent les slogans de leurs t-shirts de cette tournée : « Love Drugs ». Die Antwoord délivrent un mélange de rap et de techno particulièrement efficace dans lequel on reconnaît nombre d'éléments de la culture geek et manga. Fun au possible, leur concert est la meilleure des façons de terminer la journée.

On quitte le festival ravi car durant ces trois jours tout aura été au top : l'organisation, la confirmation des grands (Phoenix, Iggy Pop, Echo & The Bunnymen et Foals), des outsiders (Airbourne, YAK) et une belle découverte : Aerobrasil. Le lieu est magnifique et le festival a en plus l'intelligence de travailler avec des producteurs locaux. Il y a longtemps que je n'avais pas mangé d'huitres aussi bonnes que celles produites par les ostréiculteurs du coin. Bref, un festival où l'on aura plaisir à revenir.
artistes
    DIE ANTWOORD
    HUBERT-FELIX THIEFAINE
    FAI BABA
    TINARIWEN
    MICHAEL KIWANUKA
    JAGWAR MA
    FOALS
    HOUSE OF PAIN
    FAKE