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La Route du Rock

Saint-Malo, du 17 au 20 août 2017

Live-report rédigé par François Freundlich le 27 août 2017

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Ce samedi après-midi de Route du Rock se passe sur la plage de Bon Secours à Saint-Malo où Kaitlyn Aurelia Smith disperse une ambiance vaporeuse pour des festivaliers allongés sous un soleil brulant.

Seule devant ses machines, ses nappes électro-psychédéliques froides sont prolongées par une voix magnétique, modifiées par des effets rappelant Fever Ray. Son microphone accroché à sa joue lui donne un petit air de hotlineuse de centre d'appel mais après vérification, elle ne prenait aucun message. L'electronica mystérieux de l'Americaine crée une atmosphère étrange, plongeant la monotonie des mouettes et des vacanciers dans des abysses robotiques. Le plein d'iode fait, nous prenons la direction du Fort de Saint-Père pour ne pas manquer l'ouverture de la meilleure journée du festival.

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Le post-punk hypnotique des Cold Pumas ouvre le bal avec un set tout en harmonies dissonantes et glaciales. Il est difficile de saisir toute la complexité du son du groupe de Brighton et c'est probablement pour cela que le quatuor a l'air si concentré. Il est toujours impressionnant de voir un batteur également chanteur même si ses paroles monocordes sont noyées sous un enchevêtrement de boucles répétitives invoquant le krautrock de Can ou la noise de Sonic Youth. Le groupe des deux frères Fisher a presque dix ans d'existence et cela se ressent clairement dans leur live minutieux et trépident. On hésite entre observation et lâcher-prise pour finalement choisir l'option alcool & frénésie. La fraicheur n'étant pas réservée aux pumas.

On s'invite au live de nos nerds-rockers préférés : les New-Yorkais de Parquet Courts. Après nous avoir invité à un bain de minuit sur la plage, le quatuor aiguise ses guitares en enchainant les tubes entre nervosité et coolitude. Le tempo est élevé et agressif sur les parties vocales d'Andrew Savage, qui nous gratifie encore d'une chemise bariolée issue de son imposante collection. L'énergie déployée est immense et nous fait remuer du graillon comme jamais. Les sonorités sont plus détendues lorsque Austin Brown prend le lead vocal comme sur Captive Of The Sun, s'écoulant plus paisiblement mais toujours avec cette voix parlée qui sait se faire criarde. Les meilleurs titres de leur premier album ne sont pas oubliés comme Borrowed Thyme qui reste un grand moment d'excitation des sets de Parquet Courts. Ce groupe sonne comme la représentation parfaite de l'indie rock, sans mentionner la sympathie naturelle qu'il dégage. Ils nous noient finalement sous un déluge sonore pour terminer un concert qui restera comme un grand moment du festival.

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Pas de temps à perdre puisque les cornemuses se font entendre au loin sur la petite scène des remparts, annonçant l'arrivée des Écossais de Arab Strap. Leur reformation annoncée l'an dernier était l'une des meilleures nouvelles de 2016 : ce concert du duo réunissant Aidan Moffat et Malcolm Middleton et de leur groupe est l'un des moments que l'on attendait le plus. Leur pop orchestrale portée par l'intenable Aidan Moffat, narrant ses histoires poétiques de sa voix grave, marchant de droite à gauche, puis à l'avant de la scène, nous fait vibrer intérieurement. Arab Strap nous prennent aux tripes avec ces relents oscillant entre post-rock et slowcore, bercés par le violon de Jenny Reeve, qu'on entendait davantage sur leurs précédentes dates. Mais qu'importe, les Scots imposent un concert organique alternant les passages subtiles de quelques touches de piano jusqu'au déferlements massifs de beats technoïdes. L'acoustique se heurte à l'électrique dans un mélange au génie absolu entre mélancolie introspective et grincements électriques obsessionnels. En forme d'apogée massive, Arab Strap terminent sur une version dantesque de The First Big Weekend où le duo magique montre toute sa puissance lorsque Malcolm Middleton répond ses « Went out for the weekend, it lasted forever, high with our friends, its officially summer » au texte récité par Aidan Moffat. On ne peut s'empêcher de sauter sur place sur ce tempo fiévreux et irrésistible. Arab Strap possèdent à la fois ce coté bricolé dans un garage de Falkirk mais également ces arrangements extrêmement soignés, semblant presque évidents. Un sommet du genre.

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Retour à la normalité avec les Temples qui risquent d'avoir du mal à nous convaincre avec leur pop psychédélique plus convenue, voire banale. S'inscrivant dans la lignée du revival Floydien de Tame Impala ou Jacco Gardner, ils tentent la fameuse réponse britannique. Les nappes de synthés et autres orgues égarés prennent les devants tandis que la voix de fausset tremblotante de James Edward Bagshow tente de s'y frayer un passage. Les compositions ne sont pas d'une variété folle et l'ennui pointe rapidement le bout de son nez même si l'on tente de résister sur les quelques passages les plus attirant comme cette version de Keep In The Dark, rappelant grandement Oasis. Mais rien n'y fait, Temples ne parviendront pas à nous garder dans leur concert sur le long terme, le décrochage est permanent tant il ne s'y passe pas grand chose.

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Il faut toujours des Écossais pour remettre les choses à leur place et qui de mieux que les cultissimes The Jesus And Mary Chain pour continuer de nous faire rêver ? Les guitares lourdes et enragées font vibrer le fort de Saint-Père, alternant les titres du très bon dernier album Damage And Joy avec les tubes intemporels des 80's ou 90's, qui n'ont pas pris une ridule. L'un des groupes fondateurs du shoegaze se trouve toujours au sommet de sa forme, symbolisé par la voix parfaite de son chanteur Jim Reid, accroché à son pied de micro et déployant son organe chaleureux seul à l'avant de la scène. Les longues plages de guitares saturées nous sautent à la gorge et raisonnent parfaitement, comme un chant religieux sonnerait dans son église, à l'image du tube entêtant Just Like Honey. Certains titres se voient accompagnés par la choriste Bernadette Denning pour ajouter de la profondeur aux extraits du dernier disque qui ne dénote pas dans la discographie du groupe. L'aspect pop de leurs dangereuses compositions tourne à l'obsession et nous fait espérer que leurs dernières notes ne s'arrêtent jamais. Nous arrivions avec l'impression de voir un classique du genre, nous repartons avec la certitude que The Jesus And Mary Chain et son mur de guitares détruit est toujours bien au centre du rock actuel. La joie est immense et les nerfs à vifs.

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C'est alors qu'arrive le gros trou noir de La Route du Rock 2017 : le concert des Black Lips. On attendait impatiemment de voir ce que ces foldingos nous avait préparé : papier toilette volant (oui) ou pipi au vent (non) mais force est de constater que nous n'avons rien entendu de ce concert. Le son était tout simplement horrible et tellement bas qu'on pouvait facilement se parler à voix basse entre festivaliers pour justement se demander ce qu'il se passait. La prestation de visu avait l'air dantesque, les Black Lips avaient l'air déchainés mais on avait simplement l'impression que le groupe jouait derrière une cloison anti-bruit. C'était très gentil de penser à nos oreilles mais personne n'a rien compris. A oublier très vite.

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La soirée en dents de scie continue puisque le meilleur concert du week-end est en approche avec Future Islands dont on attendait le nom dans la programmation du festival depuis un sacré bout de temps. Les voilà sur la scène du fort et nous n'allons pas bouder notre plaisir, Samuel T. Herring expliquant même qu'ils ont voyagé en jet privé du Pays de Galles la veille pour pouvoir être aux Pays-Bas le lendemain. On ne s'étonne pas qu'ils soient aussi demandés à l'entame de leur dernier tube en date : l'excellent Ran. Le chanteur est fidèle à lui même, courant sur scène de droite à gauche, recroquevillé sur lui même en laissant parler toute son animalité et ses faux airs de Wolverine. Ses fameux grognements nous font esquisser quelques sourires avant de se laisser complètement emporter par cette basse flottante et ces synthés malicieux. Les américains donnent l'impression qu'un tube succède à un autre entre le post-punk méticuleux de A Dream Of You And Me et l'intensité de l'hyper-rapide de Cave. On aurait du mal à imaginer que Herring est leader d'un groupe en le croisant dans la rue mais on a l'impression qu'il se métamorphose complètement sur scène, possédant le public, attirant tout à lui avec ses pas de danse à la Freddie Mercury. Future Islands termineront leur set sur les deux sommets de leur premier album : Seasons (Waiting On You) et ses fameux refrains libérateurs « As it breaks », grommelés avec un glaviot, qui nous font sautiller sur place comme des petites antilopes. Spirit et ses synthés électro-pop géants nous laisserons dans l'extase d'un concert de très haut vol de l'un des meilleurs groupes live actuel, tandis que Herring termine dans les bras du public. Oui ! Dans mes bras !

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Après une (très) longue pause dans la nuit, le dernier concert du soir pointe le bout de son nez avec les belges foufous de Soulwax. Ils nous manquaient un peu puisqu'ils se consacraient davantage à leur projet 2 Many DJs, mais les natifs de Gand reviennent avec une mise en scène des plus folles. Trois batteries sont installées dans des immenses boîtes blanches tandis que les frères Dewaele manipulent leurs synthés, basse et autres machines à beats plus furax les unes que les autres. L'un des batteurs n'est autre que le brésilien Igor Cavalera, fondateur de Sepultura, faisant face à son épouse Laima Leyton sur une autre batterie. L'électro-pop acidulée de Soulwax donne simplement l'envie de gigoter sans discontinuer dans la nuit malouine. Le son est précis, intrigant et déviant à souhait. Les trois, parfois quatre, batteries se complètent parfaitement tandis que la basse funky apporte un coté old school aux compositions futuristes. Ajoutons quelques voix robotiques et nous avons l'un des show électro les plus surprenant et détonnant qu'on ai jamais vu. Qui a besoin de Daft Punk quand on a Soulwax ? Personne semble-t-il. Notre « orchestre de nuit », dixit eux-mêmes, nous a emmenés très loin dans leur lointaine galaxie flamande dans laquelle se sont déroulés tous nos rêves nocturnes. La très grande classe.

Quelle soirée de feu à La Route du Rock avec cet enchainement final Future Islands - Soulwax qui restera dans les mémoires. Les écossais Arab Strap et The Jesus And Mary Chain nous ont également fait vibrer comme si nous étions tous nus sous nos kilts. De la douceur de la plage à la furie du fort, une journée remplie comme on les adore.
artistes
    Arab Strap
    Black Lips
    Cold Pumas
    Future Islands
    Kaitlyn Aurelia Smith
    Le Comte
    Parquet Courts
    Prieur de la Marne
    Soulwax
    Temples
    The Jesus And Mary Chain