Nous voici arrivés au troisième jour de festival, nos muscles commencent à tirer, le sol accuse le coup, nous commençons à nous habituer à la mal bouffe. Les personnes restées bien plus tard que nous (je rappelle que les concerts finissent à 5 heure du matin pour certains) n'apparaissent qu'au beau milieu de l'après-midi.
Il fait un temps parfait pour écouter du reggae, et c'est chose faite puisque sur la scène principale joue Takana Zion,& Manjul, jeune chanteur reggae originaire de Guinée-Conakry. Repéré par Tiken Jah Fakoly et surnommé « le Sizzla de l’Afrique », cet ancien rappeur nous fait descendre d'un cran en terme de bpm comparé aux groupes vu dans la journée d'hier. Encore une des nombreuses choses que Dour apporte, c'est la diversité des styles : du reggae au hardcore, de la techno au rock indé, tous les genres sont représentés. On ne s'ennuie jamais, car avec six scènes même les plus difficiles y trouveront leur compte. Toujours à la last Arena, Benjamin Vaughn, du groupe Midnite provenant de l'ile de St-Croix, vient remplacer le chanteur guinéen. Nous restons dans un thème hip-hop et reggae, mais plus méditatif et posé que la formation précédente. Midnite s'impose comme l'un des groupes les plus mystiques dans ce style, la voix du chanteur et les sons assourdissants de la batterie y contribuant grandement, et nous nous sentons absorbés par leur son cotonneux. La musique est parfaitement adaptée à notre état de fatigue physique. En parlant de fatigue, depuis quelques années un stand sponsorisé par une célèbre marque de boisson gazeuse rouge (je vous laisse deviner) propose des massages réalisés par des hôtesses très sexy. Au programme, « combats de pouces » ou autre tatouage à l’eau. L’ambiance y est très bon enfant. Un autre stand repos est disponible à coté du camping C, où il y a bien sur moins de queue... manque d'hôtesses oblige !
Sortis de cette ambiance roots, nous changeons de style radicalement avec Flying Lotus qui nous transporte dans son univers. Ce groupe de californie nous envoûte de son parfum. C'est un mix de plusieurs genres, trip-hop, hip-hop, saoul... on ne sait pas où se diriger dans ce brouillard musical. C'est un prodige et neveu de la regrettée pianiste Alice Coltrane qui fut l'une des rares femmes à percer dans le Bebop, un style de jazz très machiste des années 50.
Le prochain groupe vieux de 20ans, porte le nom de Mad Sin. Ils nous viennent d'Allemagne et leur style change encore une fois radicalement avec ce que nous avons pu voir, en effet c'est du punk rockabily ou aussi appellé psychobilly. Ce qui choque au premier abord, ce sont les coiffures que la plupart arborent : une banane qui n'est pas censée nous rappeler un certain chanteur français. Koefte deVille (le hurleur de ce soir) s'impose de part son charisme et sa corpulence importante, mais à Dour les apparences sont trompeuses, et même avec un tel bagage il fait des bonds dignes d'un cabri! De quoi se remettre en forme pour le restant de la journée, avant de retrouver le groupe I Am X qui joue sur une autre scène.
Nos anglais drivés par l'ancien chanteur de Sneaker Pimps, Chris Corner, sont très bien accueillis, le chapiteau Dance Hall est rempli, comme en 2006 lorsqu'ils étaient venus à Dour pour la sortie de leur dernier album The Alternative. Deux années plus tard le style est plus affirmé, et Chris Corner est déguisé en une sorte de commandant(e) de guerre avec un loup comme s'il était invité à une bal costumé après le concert. Il est accompagné de ses membres tous aussi originaux les uns que les autres. La clavieriste, avec son maquillage très prononcé, ses sourcils gigantesques et sa petite bouche, passe pour une geisha des temps modernes puisqu'elle est en jupe et a ses bas filés et troués. Le batteur a une allure très féminine alors que le bassiste, lui aussi, a opté pour un style punk féminin avec une jupe et des bas résilles eux aussi troués. Ils commencent leur set avec Skin Vision, qui par sa longueur nous aide à rentrer dans leur monde. Suivront une majorité de titres du second album tels que The Negative Sex, Spit It Out, Bring Me Back A Dog ou Lulled By Numbers. On sent malgré tout que le set reste stagne pendant quelques titres puis reprend du nerf au final avec Nightlife et leur titre phare Kiss + Swallow . Un rappel de deux titres, President et After Every Party I Die, viendra clôturer cette très bonne prestation, en espérant les revoir à Paris le plus tôt possible.
On continue la découverte avec le groupe de métal Heaven Shall Burn au nom très engagé. Un moment plutôt agressif pour les oreilles après ce que nous a proposé I Am X.
C'est au tour de Cazals d'arpenter le chapiteau du Dance Hall. J'arrive assez tôt mais il y a tellement peu de monde que je pense un instant que le concert est annulé tout comme celui de The Enemy. Le public de Dour ne connait pas encore ce groupe il faut dire qu'il n'en sont qu'à leur premier album. Ils commencent par leur single Poor Innocent Boys et sa rythmique qui rentre vite en tête, mais malgré ses qualités le titre ne fait néanmoins pas venir plus de monde. Le chanteur est assez discret et ne semble pas très à l'aise sur scène durant les premières chansons. Pourtant, sur disque, celui-ci est affirmé et viril mais aujourd'hui il est renfermé et presque efféminé, peut-être que le manque de public aura eu raison de son état. Enfin, le bassiste et le guitariste remontent le niveau en se démenant sur scène. Au fur et à mesure des morceaux, le chanteur se lâche un peu plus. La performance déçoit tout de même. En espérant les revoir dans une petite salle plus intimiste, nous laissons le groupe parfaire sa présence scénique dans d'autres festivals.
Nous achevons la soirée ave un groupe français et non des moindres, Punish Yourself : des cyber punks peinturlurés de couleurs fluorescentes et éclairés à la lumiere noire. Le style est à la fois gothique et punk, presque mort-vivant et à ne pas conseiller aux âmes sensibles ! Ce soir, pour célébrer le 20ème anniversaire du festival de Dour, le groupe est renommé « The incredible punish yourself picture show », et le moins que l'on puisse dire c'est que ça en jette ! Nous nous frayons un chemin à travers la foule venue en masse pour les voir. Leur nom changé pour la journée se rapporte bien à la prestation qu'il nous donne. En effet, sur scène, c'est un véritable spectacle que l'on nous propose, avec des flammes, des danseurs, un trompettiste mort-vivant, un chanteur qui se déplace telle une créature venue de je ne sais quelle crypte, une guitariste sortie d'un film de George Roméro... Entre Marylin Manson et Rob zombie, entre Aphex Twin et Nine Inch Nails, c'est indéfinissable ! Au programme, ils essayent de se découper le poitrail (protégé d'une plaque de métal) avec des scies circulaires, ce qui provoquera une giclée d'étincelles, ils tireront sur la foule avec des canon à neige (ici remplacée par de la mousse) et feront dessiner (par les illustrateurs des Bérruriers Noirs) deux toiles représentant une bande dessinée qui résume bien l'état d'esprit du groupe. Sans conteste le meilleur show de Dour cette année, même s'il reste une journée ! Et Dour a d'autres tours dans sa manche...
Une troisième journée épuisante, physiquement et visuellement, avec pour commencer en douceur du reggae, un parfum de Lotus Volant, une découverte du psychobilly avec Mad Sin, le défilé d'I Am X, les premiers ébats de Cazals à Dour, et pour finir un show fantastique de Punish Yourself... Mais que nous réserve cette 4ème et dernière journée?