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Rock en Seine

Paris, du 25 au 28 août 2022

Live-report rédigé par Fab le 27 août 2022

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Après une première journée à guichets fermés, marquée notamment par un Parc de Saint-Cloud engorgé par le public venu en masse pour le concert des Arctic Monkeys, c'est avec une affluence plus modérée que le festival Rock en Seine se poursuit en ce vendredi 26 août. Si le rock était au centre de toutes les attentions la veille, une plus grande variété des genres et des plaisirs est proposée aujourd'hui.


Après avoir multiplié les projets avec plus ou moins de succès depuis près de deux décennies, Camille Berthomier alias Jehnny Beth ouvre les hostilités pour son premier concert en solo dans la capitale, plus de deux années après la sortie de l'album To Love Is To Live. Accompagnée par deux musiciens tout de noir vêtus, et usant et abusant des pistes pré-enregistrées en tous genres, la réussite n'est pas plus au rendez-vous en live que sur disque. Brassant grossièrement rock indus et musique électronique, souvent dans l'excès dans ses discours et ses attitudes, cette dernière livre un set intense mais surtout bruitiste et dénué de toute subtilité. Tel un rouleau-compresseur, la française de naissance et anglaise d'adoption livrera au final sa meilleure interprétation sur une reprise du Closer de Nine Inch Nails, confirmant les faiblesses de son propre répertoire.


Changement radical d'ambiance quelques minutes plus tard sur la Grande Scène où Aldous Harding s'apprête à se lancer avec ses quatre musiciens, quelques mois après avoir été contrainte de repousser sa tournée en raison des contraintes sanitaires. Les intentions sont bonnes, les interprétations tout à fait charmantes, mais sa musique entre rock plutôt sage et folk peine à charmer un public pourtant déjà nombreux face à elle. Une petite erreur de casting pour cette musicienne que l'on aurait sans doute apprécié de découvrir sur une scène plus modeste et dans des conditions plus intimistes.


Direction la scène de la Cascade pour retrouver l'un des groupes les plus attendus de la journée : DIIV. Après une copieuse tournée en France ayant soigneusement évité la capitale au printemps dernier, les quatre américains semblent désormais précédés par une flatteuse réputation à en voir l'engouement du public aujourd'hui, et leur prestation concise mais intense de quarante-cinq minutes ne va faire que confirmer leurs excellentes prédispositions. Choisissant de diffuser diverses vidéos plutôt que le concert en lui-même sur les écrans géants bordant la scène, le quatuor semble impressionné durant les premières minutes par la foule lui faisant face. Les interprétations de leur répertoire, notamment les titres en majorité extraits de leur dernier album Deceiver, sont malgré tout hypnotiques et soignées, leur son entre shoegaze et post-punk se voyant comme toujours enrichi d'une touche aérienne particulièrement agréable. Concentré sur son chant et son instrument sur la droite de la scène, Zachary Cole Smith laisse à ses camarades la tache d'insuffler l'énergie nécessaire à la prestation. Après quarante-cinq minutes d'un concert que beaucoup auraient aimé voir s'étirer plus longtemps, DIIV quittent les lieux non sans livrer une brillante et détonante version de Blankenship face à un public complètement sous le charme. Un concert qui restera à n'en pas douter comme l'un des meilleurs moments de cette édition 2022.


Sur la Grande Scène, les guitares restent à l'honneur avec The Limiñanas. A huit sur scène, accompagnée qui plus est par de superbes visuels diffusés sur l'écran géant placé en arrière-plan, la formation française fait ce soir forte impression. Entre krautrock, garage et rock psychédélique, le tout agrémenté d'un chant en français proche du spoken word, l'impression de puissance ressentie est impressionnante, quand bien même la majorité du public semble rester insensible à la prestation. Au premier plan, derrière sa batterie, Marie Limiñana prend un plaisir certain tout en ménageant pas ses efforts, tandis que son mari Lionel se fait plus discret mais non moins essentiel dans le son de leur groupe. Une prestation de plus d'une heure menée tambour-battant, sans temps mort, et marquée notamment par une reprise plus musclée que l'originale du Mother Sky de CAN.


Si la météo du week-end est déjà des plus agréables, les londoniennes de Los Bitchos vont nous offrir durant près d'une heure sur la scène du Bosquet un cocktail ensoleillé mêlant des influences aussi variées que les pays dont sont originaires les membres du groupe, du Royaume-Uni à l'Australie en passant par la Suède et l'Amérique du Sud. Entre surf rock et pop, avec une touche de cumbia et des looks très 70s comme trame de fond, les chansons du quatuor devenu quintet sur scène font sans cesse danser et secouer les têtes, l'entrain et la bonne humeur dégagées par les musiciennes achevant de convaincre la foule. En grande partie constitué de titres extraits de leur premier album dont la production avait été confiée à Alex Kapranos (Franz Ferdinand), le set est homogène mais parfaitement adapté tant au lieu qu'à cet horaire de fin de journée où le soleil commence doucement à décliner. Pas de place pour l'ennui ici, simplement un plaisir partagé tant sur scène que dans une fosse goûtant avec un plaisir non feint au positivisme dégagé par cet attachant quatuor.


Après avoir rapidement connu un succès tant commercial que critique à leurs débuts, London Grammar semblent peiner à confirmer leur potentiel depuis quelques années désormais. Conservant leur formule en trio sur scène avec une Hannah Reid discrète mais attirant tous les regards de par un chant cristallin et complètement maîtrisé, les anglais livrent une prestation bien trop sage emporter avec eux l'exigeant public leur faisant face. La première moitié du set les voit ainsi enchaîner les titres dont on ne retiendra guère qu'un Hey Now provoquant quelques soubresaut. Certaines les interprétations sont léchées et aériennes, saupoudrées d'une touche électronique appréciable, mais il faudra attendre la fin d'un set par ailleurs très raccourci pour commencer à vibrer quelque peu, notamment au son d'un Metal & Dust plus débridé et boosté par la présence de la batterie, du tube Wasting My Young Years marqué par la démonstration vocale de Hannah Reid et de Lose Your Head transformant subitement la scène en dancefloor avec un final proposé dans sa version remixée par Camelphat. Une semi-déception au final pour un groupe de cet acabit.


Révélation outre-Manche l'année passée avec son album Bright Green Field, le jeune quintet Squid prend ensuite place sur la scène du Bosquet sous une nuit tombante alors que nombreux sont ceux leur ayant préféré les vétérans de Kraftwerk. Placé au centre de la scène derrière sa batterie tout en assurant avec brio les parties vocales, Ollie Judge impressionne par sa maîtrise et sa technique tandis que les quatre autres musiciens récitent leurs partitions respectives à la perfection. Les changements de rythmes sont nombreux, les ambiances oscillent entre math-rock, post-punk ou krautrock sans jamais se perdre en chemin, et chacun des membres du groupe semble tenir son rôle sans jamais avoir à se soucier de la cohésion de l'ensemble. Si quelques flottements peuvent parfois être ressentis, notamment lors de la longue improvisation électronique menant aux premières notes de G.S.K., la qualité de titres à l'image de Sludge, Pamphlets et surtout de l'exceptionnelle version de Narrator en guise de clôture du set confirment la progression incessante de Squid. A suivre de très près en vue d'un second album que l'on espère tout aussi inspiré que le premier.


Bête de scène avec un groupe lui étant resté fidèle et une gigantesque discographie dans lequel il puise allègrement, sa majesté Nick Cave et ses Bad Seeds vont clôturer avec brio une journée qui n'aura manqué ni de diversité ni de qualité. Un concert généreux de deux heures, accompagné par une superbe mise en scène et marqué par l'énergie et l'implication du musicien qui n'aura pas manqué au passage d'égratigner le fameux Golden Pit inauguré cette année au pied de la Grande Scène et décrié par beaucoup avec véhémence. Une belle conclusion à une journée plus variée que la veille mais non moins passionnante.
artistes
    NICK CAVE AND THE BAD SEEDS
    KRAFTWERK
    JAMES BLAKE
    LONDON GRAMMAR
    SQUID
    ALDOUS HARDING
    DIIV
    JEHNNY BETH
    LOS BITCHOS
    THE LIMINANAS
    ZAHO DE SAGAZAN
    ANNA MAJIDSON
    HSRS
    TRENTEMOLLER
    GWENDOLINE
    DONNA BLUE
    ANIMAL TRISTE
    LUCY BLUE
    KLANGSTOF
    SHE'SLATE
    THE INITIATIV
photos du festival