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Sea Power

Interview publiée par Fab le 5 janvier 2008

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A quelques semaines seulement de la sortie du très attendu Do You Like Rock Music?, British Sea Power s'entrenaient avec nous le mois dernier sur l'expérience qu'à constituée l'enregistrement de leur troisième album. Rencontre avec les frères Wilkinson...

Votre dernier album, Open Season, est paru il y a près de trois années maintenant. Qu'avez-vous fait durant tout ce temps ?

Yan : On a beaucoup tourné pour promouvoir ce deuxième album, mais au final tout le monde était vraiment épuisé et il ne nous restait plus vraiment d'énergie pour quoique ce soit. On a donc disparu de la circulation près de deux ans, on a pris du temps pour nous mais aussi pour écrire des chansons... ce n'est qu'en fin d'année 2006 qu'on a décidé de retourner en studio pour travailler sur ce nouvel album. On a beaucoup voyagé depuis cette époque, principalement pour travailler ensemble sur ces nouvelles compositions.

Comment avez-vous vécu votre absence durant près de deux années ? Ne plus sortir de disques ou partir en tournée...

Yan : Le plus dur a été de redémarrer... car la décision de prendre un peu de repos a été très, très facile à prendre ! [rires] Peu de temps avant cela on devait assurer une petite tournée en France mais on était tellement vidés de toute énergie qu'on n'a pas eu d'autre solution que de tout annuler. On perdait un peu les pédales à cette époque, on ne pouvait pas continuer sur le même rythme sans pause. On avait tous besoin de retrouver une vie normale sans avoir à voyager aux quatre coins du pays ou de l'Europe, passer du temps avec nos proches...
Hamilton : On n'aurait de toute manière pas été capables d'écrire de nouvelles chansons dans un bus ou une chambre d'hôtel, ce n'est pas dans ce genre de lieux que tu peux trouver de l'inspiration pour travailler...

Votre univers artistique et visuel possède un côté très vintage, comment vous sentez-vous aux côtés des autres groupes actuels ? Quelle est votre position par rapport à l'industrie musicale ?

Yan : On se fait rapidement à tout cela, on ne cherche justement pas le confort mais on vit avec ce qui peut nous déranger tous les jours. Je regrette quand même l'évolution qu'a subie cette industrie ces dernières années, notamment par rapport aux sorties des albums. Avant la création d'Internet, un disque sortait un même jour partout dans le monde et tu pouvais ressentir l'excitation des fans jusqu'au jour J. Tout le monde découvrait les chansons et l'artwork au même moment, ce qui n'est clairement plus le cas aujourd'hui...
Hamilton : C'est un fait indéniable et je ne pense pas que cela pourra changer à nouveau. Internet a créé une sorte de course à l'exclusivité, les groupes cherchent à proposer des contenus inédits le plus souvent possible et les fans tentent de télécharger les nouveaux disques avant même les sorties officielles... il faut donc s'adapter et offrir aux personnes qui écoutent de la musique ce qu'elles attendent de nous.
Yan : Tout n'est pas négatif heureusement, tu peux par exemple embarquer tes instruments et ton groupe dans une voiture pour partir à la campagne, enregistrer des chansons durant quelques jours puis les mettre à disposition sur Internet à peine rentré chez toi. Il faut juste savoir faire la part des choses et séparer le bon du mauvais.

L'enregistrement de Do You Like Rock Music? a été un véritable périple qui vous a notamment mené en République Tchèque ou en Amérique du Nord, ce ne sont pas des destinations très communes...

Hamilton : Tout cela n'était vraiment pas prévu au départ, mais de fil en aiguille cet album a nécessité certaines remises en questions et diverses expérimentations... On a commencé par travailler dans un studio d'Ipswich mais on a vite senti le besoin de découvrir de nouvelles choses, d'aller voir ailleurs ce qu'il était possible de trouver.
Yan : Les premiers temps n'ont vraiment pas été très prolifiques, c'est pour cela qu'on a par la suite tenté de travailler à Londres, sans plus de réussite. C'est à cet instant qu'on a eu l'idée de voyager pour rendre ce disque meilleur... et qu'on a donc visité le Canada ou la République Tchèque !

Aucun des endroits que vous avez visités ne vous convenait réellement ?

Yan : Tout a très bien commencé au Canada, le studio nous paraissait vraiment parfait mais pour des raisons que j'ignore il nous était impossible d'apporter une conclusion à ce disque. On a enregistré une vingtaine de chansons là-bas, et lorsque la phase de mixage a débuté on a réalisé que quelque chose ne fonctionnait pas car le disque allait dans une seule direction. Cette première version de l'album manquait cruellement de personnalité, je ne ressentais aucune atmosphère particulière quand je l'écoutais. On a donc décidé de rentrer chez nous en Angleterre et on a travaillé pendant près de trois mois sans but précis, juste en expérimentant certaines idées pour voir où cela pouvait nous mener. Il n'y avait aucun élément extérieur durant cette période, juste nous et quelques instruments. On passait quinze heures par jour à décortiquer les chansons enregistrées au Canada pour comprendre pourquoi elles ne nous convenaient pas... jusqu'à ce qu'on décide de partir durant quelques temps dans un petit château au sud de l'Angleterre !

Ce lui a-t-il été une source d'inspiration supplémentaire pour vous ?

Yan : C'était principalement un nouvel environnement. On a donc enregistré de nouvelles versions de certains titres composés au Canada mais on a aussi pris le temps de composer à partir des idées qu'on avait gardées en tête depuis quelques semaines. C'était une véritable aventure pour nous...
Hamilton : On avait beaucoup de chansons terminées après tous ces mois passés à travailler sur ce disque mais il n'y avait aucune cohérence entre ce qu'on avait composé au Canada puis en Angleterre. On a donc proposé à Graham Sutton de venir nous aider à achever cet album, notamment pour sélectionner les chansons puis en assurer la production. Cela nous a ainsi mené en République Tchèque, dans un petit studio près d'une forêt, à une vingtaine de kilomètres de Prague... Le cadre était parfait, c'était presque des vacances pour nous pendant que Graham s'afférait dans le studio ! [rires]
Yan : On a senti là-bas que le disque commençait à prendre forme malgré la diversité des chansons. Il y avait d'abord la vingtaine de titres ramenés du Canada mais aussi une petite centaine de démos enregistrées chez nous puis au château. On avait fourni tellement d'efforts durant des mois qu'il nous fallait une personne capable de nous recadrer et de nous aider à faire les bons choix.

Pensez-vous que le fait de visiter ces différents pays a influencé d'une manière ou d'une autre cet album ?

Yan : Je n'en suis pas certain, mais c'est en tout cas le besoin de prendre du recul vis à vis de Londres et de l'Angleterre nous a poussé à découvrir ces nouvelles cultures. On apprécie beaucoup certaines formations originaires du Canada, comme Arcade Fire ou Godspeed You! Black Emperor, plus que des groupes ces personnes sont de vrais artistes avec des personnalités à part. Ce sont des perfectionnistes qui ne travaillent pas comme des robots, et c'est en partie à cause d'eux que notre choix s'est porté sur le Canada dans un premier temps.
Hamilton : On a vécu différemment durant la période où on est restés en Amérique du Nord, c'était vraiment très bénéfique de pouvoir sortir de la routine anglaise.
Yan : A force de vivre et de voir les mêmes choses chaque jour de l'année, tu perds d'une certaine manière ton inspiration. En partant durant quelques temps très loin de chez nous, cela nous a permis de renouveler en quelque sorte notre manière d'appréhender la vie anglaise et donc de redécouvrir certaines choses. Je crois qu'on a pris goût aux voyages avec cette expérience et j'espère qu'on trouvera de nouveaux lieux où s'installer lorsqu'il sera temps d'enregistrer un nouvel album.

Je suppose que le disque actuel est très éloigné de ce que vous aviez en tête lorsque vous avez commencé à écrire de nouvelles chansons ?

Yan : On peut le dire... car on n'avait vraiment aucune idée fixe durant les premières semaines ! [rires] On savait quand même qu'on voulait mettre en avant les guitares avec un son épuré et simple, et je crois qu'on est parvenu à conserver cette décision jusqu'au bout. Personne ne pouvait se douter que cet album serait si long à enregistrer car on a rencontré beaucoup de difficultés au fil du temps, peut-être parce qu'on a cherché à améliorer sans cesse les chansons.
Hamilton : C'était réellement un combat de tous les instants...
Yan : Avant tout cela on n'aurait probablement jamais cru qu'une vingtaine de chansons ne serait pas suffisante pour boucler le disque, et pourtant...
Hamilton : L'enregistrement de cet album s'annonçait plutôt simple au départ, mais au final tout le processus s'est révélé extrêmement lent et compliqué. En y pensant avec un peu de recul, on a vécu une vraie épopée.
Yan : On savait tous que le disque serait prêt un jour ou l'autre, la question était donc de savoir à quel moment... il n'existait pas de pression par rapport à cela donc a pu travailler sereinement en prenant beaucoup de temps. C'est un vrai soulagement désormais de pouvoir écouter ce disque.

Pourquoi avoir choisi le titre Do You Like Rock Music? ? Est-ce que ce disque reflète votre propre vision de la musique rock ?

Yan : On est parti d'un constat très simple pour ce titre. Combien de groupes ont la possibilité de sortir au moins trois albums de nos jours ? Peu je pense... on était donc tous conscients de la chance qu'on avait de pouvoir travailler aussi longtemps dans de bonnes conditions sur ce disque. On ne sait jamais de quoi le futur sera fait, peut-être que Do You Like Rock Music? sera notre dernier album ? On a donc cherché à rendre ce disque meilleur de manière à ce qu'il soit à la hauteur de nos ambitions. Les chansons possèdent donc une base rock mais aussi des éléments piochés parmi nos influences plus ou moins récentes. Je pense qu'on peut le percevoir tel un patchwork de ce qui pour nous représente la culture rock.

Pensez-vous que la musique rock était plus intéressante et originale il y a vingt ans qu'elle ne l'est aujourd'hui ?

Hamilton : Qu'est-ce que la musique rock de nos jours ? Il y a beaucoup de groupes qui sortent des disques et donnent des concerts mais tous ne sont pas nécessairement intéressants...
Yan : Il ne suffit pas de jouer de la guitare pour faire du rock car cette musique possède un certain esprit. Pour nous le rock doit posséder une dimension musicale excitante, sinon ce n'est pas de la musique mais juste une simple expérience artistique. La vraie musique rock touche les gens intérieurement, elle leur fait ressentir des choses uniques. C'est cette même musique rock qu'on a voulu jouer sur notre nouvel album.
Hamilton : J'ai le sentiment que de nos jours le rock ne vit qu'à travers le comback de groupes séparés depuis vingt ans...
Yan : Peut-être fera-t-on la même chose à notre tour dans dix ans ! [rires]
Hamilton : Je suis peut-être quelqu'un de nostalgique mais peu de groupes sont capables d'apporter de nouvelles choses de nos jours. Les modes se répètent sans cesse car le jeune public découvre cela pour la première fois et trouve la musique intéressante, alors qu'en y regardant de plus près ce n'est qu'une simple copie de ce que d'autres personnes faisaient il y des années.
Hamilton : Ce n'est pas très excitant... c'est une des raisons pour lesquelles on cherche constamment à renouveler notre inspiration, instrumentalement ou même au niveau des textes. Je pense qu'il est encore possible d'innover si l'on s'en donne la peine. Il faut apporter du sang neuf tout simplement...

Toute personne appréciant le rock est donc susceptible d'aimer cet album ?

Yan : Si tu aimes ce que font les Red Hot Chili Peppers aujourd'hui j'ai peur que tu n'aimes pas ce disque... [rires]
Hamilton : C'est une question d'appréciation, tout dépend de la manière dont tu peux percevoir le rock...
Yan : Les avis de nos connaissances sont plutôt bons jusqu'à maintenant, certaines personnes qui n'écoutent que de la soul ou du blues nous ont beaucoup complémentés suite à l'écoute du disque. Je crois malgré tout que si tu aimes la guitare tu aimeras nos nouvelles chansons, c'est aussi simple que cela. Juste le son des guitares, pas besoin d'avoir les cheveux longs et gras... [rires]

Vous avez travaillé avec trois producteurs pour cet album, Efrim Menuck, Graham Sutton et Howard Bilerman, de quelle manière vous ont-ils aidé ?

Yan : Cet album a commencé à prendre forme au Canada avec Efrim Menuck et ses amis. Ce sont d'excellents musiciens, des artistes à part entière, et ils ont su construire un studio parfaitement adapté à leurs besoins... et aux nôtres ! Ce n'était pas comme usine où tout était calculé, ils possèdent leur propre méthode de travail avec des techniques et des outils old school. Efrim Menuck a vite compris ce qu'on attendait de lui, il n'a pas cherché à nous imposer quoique ce soit mais il est au contraire resté à l'écoute du début à la fin.

Cela ne vous a pourtant pas empêché de continuer à travailler sur de nouvelles idées lors de votre retour en Angleterre...

Yan : Je pense qu'on en ressentait le besoin... il nous restait encore des idées inexploitées et il aurait été dommage de les abandonner. On a donc par la suite collaboré avec Graham Sutton qui apprécie quant à lui beaucoup la technologie. Il sait utiliser les machines quand cela est nécessaire sans nuire aux chansons. C'est aussi un vrai acharné dès lors que cela est nécessaire, il lui arrivait de travailler pendant toute une journée dans le studio avant de prendre une pause d'une demi-heure et de reprendre les choses là où il les avait laissées. On en profitait donc pour prendre un peu de repos, on partait en promenade durant l'après-midi, on mangeait de la bonne nourriture et on goûtait au vin pendant ce temps ! [rires]

Il est coutume de dire que le second album est le plus dur à enregistrer pour un groupe, quel bilan tirez-vous donc pour Do You Like Rock Music? qui est votre troisième ?

Hamilton : Si l'on ne prend en compte que la charge de travail fournie durant près de deux ans, Do You Like Rock Music? est sans l'ombre d'un doute le disque qui nous a donné le plus de fil à retordre... Avec du recul je pense que cette expérience a été très bénéfique pour le groupe car elle nous a permis d'expérimenter de nombreuses idées et de faire des rencontres très enrichissantes personnellement.
Yan : On a eu la possibilité de prendre nos responsabilités et je retire une grande fierté du résultat final. Certaines décisions n'étaient pas simples à prendre mais tout le groupe a su faire abstraction des éléments extérieurs pour obtenir le meilleur disque possible. Si cet album avait été un échec artistique, personne d'autre que nous n’aurions été responsable. C'est donc une belle récompense de pouvoir écouter Do You Like Rock Music? maintenant que tout cela est terminé.