logo SOV

The Voyeurs

Interview publiée par Cyril Open Up le 4 juin 2013

Bookmark and Share
Après avoir participé à différents groupes, incluant cinq années au sein d'Electricity In Our Homes, Charlie Boyer a décidé de se lancer dans un nouveau projet. Avec The Voyeurs, il se jette à pieds joints dans le rock de ses pères qui ont secoué New-York dans les années 70's. Le résultat est désormais en vente chez tous les bons disquaires et se nomme Clarietta. Charlie était invité par Rough Trade en avril dernier aux côtés de ses amis de TOY dans le cadre du Record Store Day. Nous en avons profité pour lui poser quelques questions autour de la musique mais pas seulement, alors, prenons place avec lui au restaurant de la Maroquinerie pour en savoir plus ...

Aujourd'hui, tu joues dans le cadre du Record Store Day, es-tu un gros consommateur de disques ?

Oui, je l'étais auparavant quand j'en avais les moyens. Dès que j'avais un peu d'argent de côté, je le dépensais dans l'achat de disques. La majorité de mes amis étaient de gros collectionneurs. Ils étaient plus fortunés que moi, je passais donc pas mal de temps chez eux à m'asseoir dans leur chambre et ils me faisaient écouter leurs disques. En fait, ma collection de disques serait plutôt celle de mes amis ! J'ai pas mal déménagé au cours de ma vie. Quelques amis en particulier achètent vraiment beaucoup d'albums, je suis donc chanceux de pouvoir me rendre chez eux et d'écouter ce qu'ils ont.

Te souviens-tu du premier album que tu aies acheté ?

J'ai acheté ma première platine vinyle quand j'avais treize ans. Mon père m'a montré ses disques et m'a laissé en choisir quelques uns pour noël. Nous étions assis dans le grenier et il m'a dit "tu peux en avoir quelques uns" comme il n'avait pas de platine. J'ai alors choisi un coffret regroupant les deux premiers albums de Pink Floyd, The Piper At The Gates Of Dawn et A Saucerful Of Secrets. Avec mon propre argent, je me souviens avoir acheté Electric Warrior à cette période dans une boutique de charité pour deux pounds. Je l'ai toujours, c'est un bon album.

Comment as-tu rencontré les personnes de Heavenly Recordings ?

Lors de notre tout premier concert en février 2012, il y a donc un an et quelques mois lorsque nous faisions la première partie de TOY. Ce sont de bons amis à moi, je les ai rencontrés il y a quelques années. J'ai commencé à monter ce groupe et ils m'ont proposé de jouer avec eux. Les personnes du label étaient présentes. Jeff Barrett est venu me voir dès la fin de notre prestation. Il était très emballé par ce que nous avions fait. On a eu quelques hauts et bas au début mais depuis ce premier concert, nous travaillons avec lui. Il a su nous motiver. Nous sommes très chanceux.


Faisais-tu autre chose avant de faire de la musique ?

Non, j'ai toujours joué dans différents groupes. J'ai déménagé à Londres quand j'avais dix-huit ans. J'ai étudié dans une école d'art pendant un an. J'ai alors commencé à jouer dans des groupes et à travailler dans un café pour gagner ma vie. C'est vraiment ce que je souhaite faire, vivre de ma musique jusqu'à la fin de mes jours. Ce serait le rêve qui devient réalité si ça pouvait arriver. Je veux être encore musicien quand j'aurais quarante ans, cinquante ans... Un peu comme Scott Walker qui continue de développer et de faire des albums ambitieux. Ces derniers disques sont encore meilleurs que ses premiers. J'aimerai beaucoup être capable d'en arriver là et de faire à soixante-dix ans des morceaux qui excitent les plus jeunes.

Quelles sont tes influences ?

Ma plus grande influence est le Velvet Underground. Pour moi, c'est le groupe presque parfait. J'aimerai que l'on compare mes chansons aux leurs. J'ai piqué pas mal de choses chez eux comme le côté simple, primitif et sexuel de leurs compositions. Pas mal de groupes new-yorkais également des 70's comme New York Dolls m'ont inspiré. Côté anglais, ce serait surtout Syd Barrett. Mais je ne devais en citer que deux, cela serait Lou Reed et Syd Barrett.

Écris-tu seul ou avec les autres membres du groupe ?

Oui, je joue les morceaux à la guitare et ensuite le groupe me rejoint. Je leur montre à quoi ressemblent les chansons, elles sont toutes très simples dans leur structure et ils se chargent de les "décorer", de leur faire emprunter telle ou telle direction plus légère ou plus heavy. On travaille assez vite. Dès qu'un titre est terminé, on passe au suivant et ainsi de suite.

Prends-tu le temps d'aller voir d'autres groupes jouer ?

Oui, pas mal de mes amis jouent dans des groupes. Je vis à Londres depuis sept ou huit ans maintenant. J'ai donc dans mon cercle d'amis beaucoup de gens qui sont dans des groupes plus ou moins importants. Dès qu'ils jouent, j'essaie de pouvoir les voir. De plus, il y a quelques petits pubs dans East London qui organisent pas mal de concerts et je surveille ceux dont j'ai entendu parler quand ils y passent. Pas beaucoup ces derniers temps, car je n'ai pas trop les moyens de payer des places de concerts alors je n'y vais que si je suis sur la guestlist (rires). Je prends beaucoup de plaisir à assister à des concerts mais j'en prends encore plus à me rendre chez des amis qui me font écouter des disques ou me montrent des vidéos sur Youtube. Et là, c'est une véritable partie de ping pong qui s'engage. Le morceau me fait penser à un autre que je lui fais écouter et ainsi de suite. Une conversation s'installe et c'est un peu comme un combat : "écoute ça", "non, non, attends, écoute ça" c'est plus inspirant que de voir un concert où le groupe fait son truc et toi tu aimes ou tu n'aimes pas et c'est tout.

Comment as-tu rencontré Edwyn Collins ?

J'ai bu quelques verres avec Jeff Barrett, notre manager chez Heavenly Recordings quand il a commencé à s'intéresser sérieusement à notre groupe. Il a alors envisager le fait que nous enregistrions un single. On s'est alors demandé où l'enregistrer et avec qui. Il a alors évoqué qu'il connaissait Edwyn Collins parce qu'il avait sorti l'un de ses derniers disques il y a deux ou trois ans. Il a cité son nom et j'ai répondu que c'était parfait parce que je suis un grand fan d'Orange Juice et du label Postcards Records, de tout ce vieux son. Il a dit que c'était une piste éventuelle et j'ai tout de suite répondu que j'étais partant si c'était faisable et Edwyn a accepté.

Maintenant que l'album est bouclé, tu vas pouvoir faire pas mal de concerts ?

Oui, nous avons un agent qui nous trouve des concerts. Jusqu'à présent, il nous en a trouvé des pas mal mais encore assez. On réalise surtout des premières parties. Nous ne sommes pas encore assez connus pour vendre des centaines de billets dans chaque ville. Il faut y aller par étape. Mais la sortie du disque et du prochain single devraient aider à nous faire connaitre. J'aime assez l'idée de me dire que je vais partir en tournée pendant huit mois puis de retourner en studio. J'envisage d'enregistrer un nouveau disque tous les ans au mois de janvier puis de repartir sur les routes.


Tu as quelques chansons en réserve pour être aussi prolifique ?

J'écris au fil de l'eau. Les chansons sont si simples et elles sont même de plus en plus simples au fur et à mesure des sessions d'enregistrement. J'ai déjà fait une démo pour le prochain disque, il en faudra dix ou onze autres. Il me faut deux semaines à un mois pour finir une chanson, on pourra donc entrer en studio en janvier 2014.

Tu as mis longtemps à enregistrer Clarietta ?

Non, cela nous a pris quinze jours pour l'enregistrer et le mixer. Je pense que cela est raisonnablement rapide. Nous avons terminé une chanson par jour en somme. Ce qui est plutôt un bon rythme.

T'intéresses-tu à d'autres formes d'arts ?

Oui, à Londres, il y a beaucoup de très bons musées gratuits. Je me rends régulièrement au V&A (Victoria & Albert Museum), c'est mon préféré, mais aussi à la National Portrait Gallery que j'aime beaucoup, au Tate Modern ou à la Wellcome Collection qui est très intéressante. J'ai fait une école d'art uniquement pour vivre à Londres car je vivais à la campagne auparavant. Je m'intéresse pas mal à la littérature russe et française également, c'est mon second centre d'intérêt après la musique.

Quelle question les journalistes oublient-ils souvent de te poser ?

Certainement pas celle-ci ! (rires) Voulez-vous boire un verre ? (rires) J'aime beaucoup parler du fait de travailler dur, sans s'arrêter comme Scott Walker même s'il y a des hauts et des bas dans ce qu'il a fait mais c'est la continuité qui m'intéresse, comme avec Frank Zappa. J'aime quand on s'intéresse à mes projets pour le futur, quand on me fait remarquer que le groupe n'a qu'un an et que nous sortons déjà notre premier album. Nous sommes très fiers de ce disque mais il y a encore beaucoup à faire.

Puisqu'ils ne sont pas là, entre nous, les autres membres du groupe sont-ils vraiment des voyeurs ?

(rires) Oui, bien sûr qu'ils le sont ! (rires) Nous sommes tous un peu voyeurs quelque part.

Pour conclure, aurais-tu une bonne anecdote de voyeurs ?

Hier soir, j'étais avec Tom du groupe TOY. On a pris un taxi pour retourner à l'hôtel. C'était très étrange mais le taxi nous a fait écouter une bande son de lui-même, m'a-t-il semblé, en train de faire l'amour avec quelqu'un d'autre, sur son téléphone. On entendait des cris et des bruits sexuels (Charlie frotte le micro de mon enregistreur avec son doigt pour simuler les frottements et se met à pousser des petits cris qui ressemblent plus à des cris de mouettes qu'à autre chose). Tom et moi nous sommes regardés un peu interloqués. Il a conduit pendant vingt bonnes minutes en faisant des détours avant de nous déposer à notre hôtel et nous a facturé seulement quinze euros pour le plaisir de nous avoir fait partager ce moment. (rires) C'est plus une histoire auditive que visuelle mais c'était assez pervers de sa part. C'est une chance que nous soyons encore en vie et pas au fond de la Seine ! (rires)